Leviia est une jeune entreprise, créée en octobre 2020. Elle propose du stockage en ligne, en promouvant un hébergement 100 % français, de bonnes performances et un angle écologique, via une compensation de ses émissions carbone. Nous avons pris en main le service et interrogé son président et fondateur, Arnaud Meauzoone.
Le paysage du stockage en ligne est en train de changer. Héberger des données synchronisées pour les retrouver sur l’ensemble des appareils n’est plus une spécificité des grandes entreprises américaines. Leviia, jeune pousse française, tente de le prouver avec des offres d’hébergement en ligne aux tarifs modérés, à destination du grand public comme des entreprises.
Le service a beau être jeune, il dispose déjà d’une assise technique solide. Et même si on peut parfois lui reprocher certaines absences, l’ensemble est prometteur, comme nous allons le voir.
Création du compte et choix du forfait
Si vous avez lu notre prise en main de l’instance Storage Share d’Hetzner, vous mesurerez vite la différence avec Leviia. Outre une interface intégralement en français, on est dans une ambiance bien plus « ronde et accueillante ».
On commence donc par choisir un forfait parmi les formules proposées, réparties en deux catégories : Perso et Expert. En fait, rien ne les sépare sur un plan technique ou fonctionnel. Leviia les répartit seulement selon les besoins estimés en volumétrie : de 100 Go à 5 To pour les formules Perso, puis de 20 à 1 000 To pour les offres Experts.
Nous avons choisi la formule 100 Go pour notre prise en main. Elle est commercialisée 2,40 euros TTC. Attention d’ailleurs, tous les tarifs indiqués dans la grille sont hors taxes. Même ainsi, Leviia joue clairement dans la cour des prix raisonnables, puisque le téraoctet est vendu 6 euros TTC par mois. À noter également que les prix sont réduits de 10 % en cas d’achat annuel. Les offres mensuelles sont sans engagement.
Le choix de la formule invite ensuite à créer un compte : prénom, nom, adresse email, adresse postale ou encore numéro de téléphone sont demandés. Le paiement provoque l’arrivée de plusieurs emails, dont une première facture et un message de bienvenue invitant à télécharger le client de synchronisation sur ordinateur.
Capacités du client de synchronisation
Ne ratez d’ailleurs pas ce lien, car qu’il s’agisse du site officiel, de l’interface de gestion du service ou de l’espace de stockage, le lien n’apparaît plus. Il est disponible dans la documentation, qu’il faut donc penser à consulter. Dommage également, l’installeur du client est en anglais, mais cela n’a rien de bloquant. Autre regret, la fin de l’installation n’embraye pas directement sur la configuration du dossier dans le gestionnaire de fichiers.
Pour le configurer, il faut suivre cette procédure. Sous Windows par exemple, on obtient alors une entrée dans la colonne de gauche, comme le fait un OneDrive, Google Drive ou n’importe quel client de synchronisation cloud. Les versions Mac et Linux aboutissent au même résultat, même si la technique sous-jacente peut différer.
Si le client vous semble familier, c’est sans doute qu’il l’est : il est basé sur NextCloud. Si vous avez déjà ce dernier, vous n’avez pas besoin d’installer le client de Leviia. Il suffira d’ajouter le nouveau compte dans le client existant. L’adresse du serveur de Leviia est : https://cloud.leviia.com
. NextCloud créera ensuite une deuxième entrée dans la colonne de gauche. Si vous n’avez pas NextCloud, le client Leviia fera le même travail.
Les capacités sont donc peu ou prou les mêmes : synchronisation des données, activation par défaut des fichiers virtuels (données téléchargées uniquement en cas de besoin), choix des dossiers à synchroniser, intégration dans le système, affichage des icônes représentant le statut de chaque fichier, etc. Si vous avez laissé les fichiers virtuels activés, on peut d’un clic droit demander à rendre disponible tout le temps un fichier ou un dossier. Une manipulation très classique.
Statuts de synchronisation sous les fichiers : le même que OneDrive
On est donc en terrain familier avec des capacités courantes, mais pas moins que ce que l’on est en droit d’attendre. Pour les personnes utilisant déjà NextCloud, on peut même parler de terrain conquis.
Leviia propose également des applications mobiles pour Android et iOS. Là encore, rien n’empêche de vous servir du client mobile NextCloud si vous l’avez déjà.
L’interface en ligne : un savant mélange de NextCloud et OnlyOffice
Leviia prend un tournant plus original lorsque l’on arrive dans l’interface web. Là aussi on retrouve des éléments familiers puisque l’instance reprend dans les grandes lignes l’interface classique de NextCloud. Les manipulations sont là encore les mêmes… jusqu’à un certain point.
Nous ne reviendrons pas sur l’utilisation générale de NextCloud dont nous avons déjà parlé, notamment dans notre article consacré à Hetzner. Précisons quand même qu’à l’inverse de ce dernier, Leviia ne permet pas un accès à la boutique d’applications. Comme nous le dira Arnaud Meauzoone durant notre échange : « Nous préférons assurer une base solide avant d’ajouter d’autres fonctions ».
Et de fonctions, l’interface en ligne n’en est pas dépourvue. L’instance NextCloud est en effet matinée d’OnlyOffice, pour un mélange intéressant. L’idée est simple : être autonome dans ses documents. Leviia part du principe que si l’on veut pouvoir exploiter plus efficacement ses documents qu’avec une simple lecture, autant pouvoir les modifier. Dont acte.
L’hébergeur propose donc une instance hybride servant à la fois à visualiser, téléverser ou télécharger des données, mais également à ouvrir tous les documents provenant de la suite Office de Microsoft, ainsi que tous ceux en ODF (OpenDocument Format). En plus d’ouvrir et modifier les documents présents, le bouton « + » à droite du fil d’Ariane permet de créer un document, une feuille de calcul ou une présentation. Il donne également accès à la configuration du dossier des modèles.
Outre la gestion des fichiers à proprement parler, on trouve trois autres accès à gauche de la barre supérieure. D’abord Photos, qui permet de visualiser les images et vidéos sous forme de grille. Ensuite Agenda, qui pousse ainsi plus loin l’aspect « organisation » du compte. Les données peuvent être synchronisées avec un client local via CalDAV. Enfin, Deck est un outil de type kanban de gestion des tâches. Il s’agit de la même application que celle disponible dans NextCloud.

Pour le reste, Leviia n’a pas réinventé la roue, et c’est tant mieux. Les connaissances acquises sur une précédente instance NextCloud seront utilisables telles quelles. La gestion des favoris, partages, fichiers supprimés et autres est donc la même. On s’attend cependant à trouver dans l’instance une gestion des contacts et une messagerie pour donner une dimension collaboration à l’ensemble. Interrogé sur le sujet, Arnaud Meauzoone nous a répondu que ces fonctions étaient en cours de test chez des clients professionnels.
Un mot bien sûr sur les vitesses de transfert. Dans notre essai, nous disposions d’une connexion fibre Orange 400/400. Via le client, l’envoi et la réception de données ont grimpé tous deux à plus de 40 Mo/s, en exploitant donc toute la connexion. Dans le navigateur en revanche, nous n’avons jamais dépassé 4,5 Mo/s en envoi de données, que ce soit dans Chrome ou Firefox. Le problème a été signalé à Leviia, qui va enquêter.
D’un point de vue pratique et performances, le client local est donc à privilégier.
Paramètres du compte et sécurité
Les paramètres du compte Leviia sont particulièrement bien faits. L’interface va à l’essentiel et on ne se retrouve pas noyés dans les informations et contrôles. Informations personnelles permet de revenir sur les données renseignées à la création du compte et de les compléter, notamment avec son site web personnel ou son compte Twitter.
Sécurité contient plusieurs éléments importants. On peut bien sûr y changer son mot de passe, mais on y trouve surtout l’activation de l’authentification à deux facteurs. Cette dernière ne peut pour l’instant être exploitée que par une application de type Authenticator, qui génère pour rappel des codes uniques à six chiffres valables 30 secondes. Ce deuxième facteur vous sera demandé pour toute connexion au compte depuis un nouvel appareil, dans le but d’empêcher toute connexion non désirée au cas où le mot de passe serait dérobé ou deviné. Le support des clés de sécurité (comme Yubico) est en cours de développement.
- Choisir un bon mot de passe : les règles à connaître, les pièges à éviter
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Dans ce panneau, on peut aussi garder un œil sur les sessions ouvertes, qu’elles passent par le web ou le client de synchronisation.
Accessibilité propose trois options : thème à contraste élevé, thème sombre et police pour dyslexiques. Point important, elles sont cumulables.
Data migration est plus original. On y trouve des fonctions pour rapatrier ses données depuis Dropbox, Google ou OneDrive. Dans le cas de Dropbox, Arnaud Meauzoone nous précise que la vitesse peut se révéler décevante, mais que cela tient au mécanisme proposé par Dropbox, qui limite volontairement la vitesse de transfert.
Stockage et sécurité des données
Leviia fait sa promotion sur la base de trois notions : les performances, le stockage en France et l’écologie. La promesse sur les performances semble respectée, modulo le problème de débit dans le navigateur.
Le stockage s’appuie entièrement sur OVHcloud, dont Leviia se présente comme « un gros client » : « Nous avons une relation privilégiée », indique Arnaud Meauzoone. La jeune pousse dépense actuellement 10 000 euros par mois en serveurs bare metal dédiés (la société configure entièrement ces machines) chez le prestataire français. Les données sont réparties sur les trois sites d’OVHcloud (Roubaix, Gravelines et Strasbourg), chacun ayant une copie de ses données sur les deux autres. Comme tous les clients OVHcloud, Leviia profite de la protection DDoS du Roubaisien.
Le stockage en France est l’un des arguments forts de l’entreprise, qui insiste dans sa communication : pas de GAFAM ici. Personne ne se posera donc la question d’un éventuel cadre juridique de type Cloud Act. Ici, il s’agit des lois françaises et européennes en matière de respect de la vie privée, RGPD en tête.
La sécurité table pour sa part sur un chiffrement – décrit comme « militaire » – AES-512 pour les données à l’arrêt et un chiffrement des communications via SSL. Pas de chiffrement de bout en bout donc. Les clés sont générées sur le serveur et on ne peut pas soi-même les changer. En revanche, puisque le service accepte n’importe quel type de données, rien n’empêche de les chiffrer soi-même à l’aide d’outils comme Cryptomator.
Leviia face à la concurrence
L’offre de Leviia peut être comparée comme un simple espace de stockage. On peut s’en contenter comme d’un simple « drive », les formules rivalisant en tarifs avec les gros acteurs du marché. L’offre 2 To est ainsi commercialisée 12 euros TTC par mois, contre 9,99 euros pour Google Drive et iCloud par exemple.
C’est un peu plus cher, mais beaucoup apprécieront l’idée d’avoir un espace de travail fourni avec (même si Google et Microsoft fournissent leurs propres suites en ligne), et surtout d’un stockage en France, performant de surcroit.
L’offre la plus rentable pour un particulier nous semble être celle de 1 To, proposée à 6 euros TTC par mois. Une somme modique pour cet espace de stockage et des outils qui « font le job », sans attendre et sans fioriture.
L’ensemble manque peut-être un peu de polish actuellement. L’entreprise a été lancée en octobre 2020 (nous allons y revenir), et on le sent par endroits. Nos remarques sur le téléchargement et la configuration du client local ont d’ailleurs été remontées à l’entreprise, qui nous a confirmé que les efforts s’étaient concentrés sur les bases techniques. Maintenant, elle consacre un peu plus d’énergie au marketing et à l’expérience utilisateur. On attend également un support complet de WebAuthn pour les mécanismes de sécurité liés aux facteurs multiples.
Manque d’offres en France ? Faisons-le nous-mêmes !
C’est en essence la décision qui a lancé la création de Leviia. À cette époque, Arnaud Meauzoone et son associé William travaillaient sur un autre projet. Ils avaient besoin de pouvoir stocker des données, idéalement sur des serveurs en France et via un prestataire écoresponsable. Ils n’en ont pas trouvé et ont décidé de le créer eux-mêmes.
Deux ans plus tard, Leviia rencontre un joli succès, selon son fondateur : « On voulait de la très haute disponibilité, de la redondance, des performances. On voulait concurrencer les GAFA. Aujourd’hui, on est vraiment fiers de ce qu’on propose. Surtout quand des mairies nous appellent pour nous dire que sans nous ce serait un vrai problème. Car elles doivent numériser de nombreux documents et ont obligation de stocker en France. Et tout ce qu’on leur propose est très cher ».
Depuis, un troisième associé s’est joint à l’équipe, qui s’est étoffée de trois employés supplémentaires.
Le fondateur et président nous a déjà donné plusieurs pistes de développement, notamment sur tout ce qui touche à l’expérience utilisateur. L’entreprise se montre d’ailleurs ouverte aux suggestions. Elle a bien sûr d’autres axes de développement. Par exemple, elle réfléchit avec Synology à intégrer Leviia comme cible de backup pour les NAS, ce pour quoi Leviia commence à se faire connaître d’ailleurs : « Nous avons de nombreuses entreprises qui prennent des forfaits chez nous pour s’en servir de sauvegarde de leurs NAS », confirme Meauzoone.
L'entreprise possède environ 1 500 clients particuliers (achats en libre service sur le site) et 75 pros, avec des formules personnalisées. D'ici la fin de l'année, elle vise les 5 000 particuliers et 150 pros. Concernant le chiffre d'affaires, et « si la croissance actuelle se poursuit », Leviia devrait atteindre les 300 000 euros, voire 500 000 euros si certains accélérateurs se manifestent au cours de l'année. Sur ce point, Arnaud Meauzoone n'a pas souhaité nous en dire plus.
Pour l'instant, Leviaa n'a réalisé aucune levée de fonds, mais se dit « ouverte » désormais à cette éventualité.
Compenser les émissions carbone
L’aspect écologie est lui aussi très revendiqué par le président : « Tout est réfléchi pour limiter autant que possible nos émissions carbone. Par exemple, tout le monde est en télétravail, nous mutualisons le plus d’équipements possible, etc. Mais on ne pourra jamais réduire ces émissions de CO₂ complètement, il y a une partie incompressible. Nous chiffrons tout ce que cela coûte en carbone et nous compensons pour 200 % de la somme en dons à Reforest’Action ».
Mais comment cette empreinte est-elle calculée ? « On prend toutes les caractéristiques techniques de nos serveurs – processeur, stockage, ram... – et on calcule sur cette base les émissions dues au fonctionnement. Reforest Action a également son propre outil permettant de calculer les émissions sur la base de ce que l'on dépense chez OVHcloud. Ça nous permet de comparer. Ensuite on multiplie par deux et on en ajoute encore un peu plus pour être toujours sûrs de compenser au minimum le double de ce qu'on produit », nous explique Arnaud Meauzoone.
L'entreprise réfléchit également à un conseiller dédié sur tout ce qui touche à l'empreinte environnementale, si le nombre de clients continue de croître à ce rythme.
Si un stockage français et les efforts environnementaux vous parlent, Leviia mérite le coup d’œil. Si vous préférez en revanche avoir un maximum de stockage pour le moins cher possible, certaines offres comme celles d’Hetzner seront plus adaptées.