Chip Act européen : 43 milliards d'euros pour « redevenir leader mondial des semi-conducteurs »

Sans Jon et Ponch
Tech 8 min
Chip Act européen : 43 milliards d'euros pour « redevenir leader mondial des semi-conducteurs »
Crédits : Beeldbewerking/iStock

L’Europe a dévoilé son plan « pour redevenir leader mondial des semi-conducteurs ». La Commission veut agir vite face à la crise et aussi préparer l’avenir. 43 milliards d’euros d’investissement sont attendus, dont 11 milliards de fonds publics. 

Après avoir été « teasé » par plusieurs responsables de la Commission européenne, le Chip Act a officiellement été présenté cette semaine : « Le paquet législatif sur les semi-conducteurs renforcera la compétitivité et la résilience de l'Europe et contribuera à la réalisation des transitions numérique et écologique ».

La pénurie est déjà là, d’autres pourraient suivre

La Commission commence par rappeler que « les récentes pénuries de semi-conducteurs à l'échelle mondiale ont entraîné des fermetures d'usines dans un large éventail de secteurs, de l'automobile aux dispositifs de soins de santé […] Cette situation a mis en évidence l'extrême dépendance, à l'échelle mondiale, de la chaîne de valeur des semi-conducteurs à l'égard d'un nombre très limité d'acteurs dans un contexte géopolitique complexe ».

Les ambitions sont déjà connues : en plus d’améliorer sa souveraineté sur le sujet, l’Union espère grimper à 20 % de part de marché. L’Europe a des atouts, elle est notamment « très bien placée en ce qui concerne les matériels et les équipements requis pour faire fonctionner de grandes usines de fabrication de puces, et compte de nombreuses entreprises qui jouent un rôle essentiel dans la chaîne d’approvisionnement ».

Passer de 10 à 20 % nécessite de faire x4

Néanmoins, sa part globale sur ce marché « ne s’élève qu’à 10 % et elle est en grande partie dépendante de fournisseurs de pays tiers », elle était largement supérieure il y a quelques dizaines d’années. En cas de perturbation de la chaine d'approvisionnement mondiale, les conséquences de cette dépendance pourraient être dramatiques pour l’Europe : « les réserves européennes de puces électroniques dans certains secteurs industriels (par exemple, l'automobile ou les dispositifs de soins de santé) pourraient s'épuiser en quelques semaines, ce qui paralyserait de nombreuses entreprises européennes ».

Il ne s’agit pas seulement de doubler la production pour passer de 10 à 20 % : la production mondiale devrait elle aussi doubler pendant ce temps et donc atteindre 20 %. Il faut donc quadrupler la cadence européenne. À contrario, « en l’absence d’investissements rapides et suffisants, la part de marché de l’Europe descendra sous les 5 % ». Les effets négatifs dont nous venons de parler seraient alors décuplés. 

Cinq objectifs, des visions à court, moyen et longs termes

Dans sa présentation de la situation, la Commission se montre assez pessimiste pour la suite des événements : « La pénurie actuelle ne devrait pas prendre fin avant 2023, voire 2024. Comme la demande continuera de s’accélérer et que les capacités de production sont lentes à se consolider, les pénuries de puces subsisteront et les pressions inflationnistes vont s’intensifier ».

C’est pour cela que son action se déroule sur trois temporalités. À court terme tout d’abord, avec une « boîte à outils » pour permettre une coordination entre les États et la Commission ; « cela permettra de discuter et de décider en temps utile de mesures de réaction proportionnées en cas de crise, si cela est jugé nécessaire ».

À moyen terme ensuite, le règlement à venir sur les semi-conducteurs « renforcera les activités de fabrication dans l'Union et soutiendra l'expansion et l'innovation dans l'ensemble de la chaîne de valeur, en veillant à la sécurité de l'approvisionnement et à la résilience accrue de l'écosystème ».

Enfin, à long terme, ce même règlement « maintiendra le rôle moteur de l'Europe en matière technologique tout en préparant les capacités technologiques requises pour favoriser le transfert de connaissances du laboratoire à l'usine et placer l'Europe en position de leader technologique sur les marchés innovants en aval ».

Europe Chip Act

La Commission dévoile cinq objectifs présentés comme stratégiques :

  • Renforcer son rôle de premier plan en matière de recherche et de technologie ; « nous sommes le leader mondial », affirmait même la présidente Ursula von der Leyen dans son discours.
  • Passer « du laboratoire à l'usine » : développer et renforcer sa propre capacité à innover dans la conception, la fabrication et la mise boîtier de puces avancées, économes en énergie et sûres, et à les transformer en produits manufacturés.
  • Mettre en place un cadre adéquat pour accroître de manière substantielle ses capacités réelles de production d’ici à 2030. Cela doit permettre, « d'apporter un soutien public aux installations ».
  • Remédier à la pénurie aiguë de compétences, attirer de nouveaux talents et soutenir l’émergence d’une main-d’œuvre qualifiée.
  • Développer une compréhension approfondie des chaînes d’approvisionnement mondiales.

43 milliards d’euros, dont 11 milliards de fonds publics

Le niveau global des investissements, « en appui au paquet législatif sur les semi-conducteurs », est estimé à plus de 43 milliards d’euros, d’ici à 2030. « Ces investissements sont susceptibles d’attirer et de mobiliser d’autres investissements privés à long terme d’un volume comparable », espère la Commission.

Mais attention, cela ne signifie pas que l’Europe va mettre 43 milliards d’euros sur la table. Cette somme correspond à un mélange de fonds publics et privés. L’Union et les États membres investiront ainsi 11 milliards d'euros d’argent public d’ici 2030. Ce montant de 43 milliards n’est d’ailleurs certainement pas choisi au hasard, il se place à peu près au même niveau que les 52 milliards de dollars annoncés par Joe Biden. Plusieurs fabricants, dont Intel, ont déjà fait part de leur intention d’ouvrir de nouvelles usines aux États-Unis.

« Afin de faciliter l’accès au financement et de soutenir le développement d’un écosystème dynamique et résilient des semi-conducteurs », cette manne financière du fonds Semi-conducteurs se divise en deux catégories :

« Premièrement, un mécanisme spécifique de financement mixte en fonds propres pour les semi-conducteurs sera mis en place au titre d’InvestEU en étroite coopération avec le Groupe Banque européenne d’investissement […] Les prêts de la BEI peuvent soutenir jusqu’à 50 % des investissements dans l’ensemble de la chaîne de valeur, depuis la RDI jusqu’aux équipements, en passant par les centres pilotes et d’essai, et depuis la conception jusqu’à la fabrication à grande échelle et aux extensions de capacité pour puces avancées.

Deuxièmement, le Conseil européen de l’innovation (CEI) d’Horizon Europe offrira […] des possibilités d’investissement spécifiques sous la forme de subventions et de fonds propres pour soutenir les PME innovantes à haut risque, […] les aidera à faire mûrir leurs innovations et à attirer les investisseurs ».

La Commission veut donc mettre les moyens de s’investir dans ce marché juteux. Elle rappelle que, « en 2020, plus de 1 000 milliards de micropuces ont été fabriquées dans le monde, soit quelque 130 puces pour chaque être humain sur terre ».

Europe Chip Act

Personne ne peut être autosuffisant, « c'est impossible »

Ursula von der Leyen rappele un point important : « Il est clair qu'aucun pays, ni même aucun continent, ne peut être entièrement autosuffisant. C'est impossible. L'Europe s'emploiera toujours à maintenir les marchés mondiaux ouverts et à les maintenir connectés ». Entre les besoins de connaissances, de licences technologiques et de matière première, il n’est pas évident de cocher toutes les cases.

Il faut donc s’attaquer « aux goulets d'étranglement qui freinent notre croissance, comme nous l'expérimentons aujourd'hui ». L’Europe va donc établir des partenariats sur les semi-conducteurs avec des partenaires qui partagent les mêmes valeurs… « par exemple les États-Unis ou le Japon ». La présidente équilibriste parle ainsi « d'interdépendances équilibrées et de fiabilité ».

2 nm, IA, RISC-V, matériaux innovants, formation…

« Les efforts de recherche se concentreront notamment sur les technologies visant à mettre au point des transistors aux dimensions inférieures à 2 nm [attendues à partir de 2024 selon la Commission, ndlr], des technologies de rupture pour l’IA, des processeurs à très faible consommation d’énergie, des matériaux innovants, ainsi qu’à obtenir l’intégration hétérogène et tridimensionnelle de différents matériaux et des solutions de conception émergentes, par exemple sur la base de l’architecture informatique à source ouverte RISC-V ».

La Commission veut aussi garantir « le déploiement, dans toute l’Europe, d’outils avancés de conception de semi-conducteurs, de lignes pilotes pour la production de puces électroniques de nouvelle génération et pour des installations d’essai relatives à des applications innovantes de la technologie de pointe dans le domaine des semi-conducteurs ».

L’aspect humain n’est pas laissé de côté : le projet « Semi-conducteurs pour l’Europe » soutiendra les initiatives en matière d’éducation, de formation, de qualification et de reconversion professionnelle. Il est aussi prévu d’ouvrir « un réseau de centres de compétences », avec l’ambition de les transformer en pôles d’attraction pour l’innovation et les nouveaux talents. Des promesses déjà entendues pour les plans quantiques et cyber en France, sans grand changement à la clé pour le moment.

Et maintenant ?

Pour résumer, la Commission explique avoir adopté « une communication, deux propositions de règlement et une recommandation » sur la question des semi-conducteurs. La balle est maintenant dans le camp du Parlement européen et des États membres, qui doivent examiner les propositions de règlement dans le cadre de la procédure législative ordinaire. La Commission  les encourage à le faire « dès que possible ». Ensuite, une fois que le règlement sera adopté, il sera directement applicable dans l'ensemble de l’Union. Les États n’auront pas besoin de le transposer.

En attendant, les États sont justement invités à suivre la recommandation qui prend la forme d’une « boîte à outils pour surveiller et atténuer les perturbations de l'écosystème des puces électroniques. Il s'agit notamment de mesures immédiates qui pourraient être prises si elles sont appropriées pour contribuer à surmonter la pénurie actuelle avant l'entrée en vigueur du règlement ».

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