Plan France THD et raccordements FTTH complexes : il faut « simplifier la démarche »

Plan France THD et raccordements FTTH complexes : il faut « simplifier la démarche »

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Sébastien Gavois

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01/02/2022 9 minutes
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Plan France THD et raccordements FTTH complexes : il faut « simplifier la démarche »

Depuis des années, la question des raccordements longs et/ou complexes vient jouer les trouble-fête dans le plan France THD. Un projet à 150 millions d’euros a été mis en consultation par le gouvernement. L’Avicca fait part de ses retours et demande de « simplifier la démarche, qui paraît à ce stade aussi complexe que les raccordements ».

Le plan France THD prévoit pour rappel que 100 % de la population puisse profiter d’un accès haut débit – c’est-à-dire 30 Mb/s en téléchargement minimum – d’ici la fin de l’année. 80 % au moins des lignes doivent être en fibre optique (FTTH). Le chantier était titanesque, mais il touche à sa fin… tant bien que mal.

Quoi qu’il en soit, l’objectif devrait être tenu sans aucun problème. Philippe Le Grand, nouveau président d’InfraNum, nous expliquait d’ailleurs récemment que 70 % des foyers étaient raccordables à la fibre fin 2021, avec 87 % en ligne de mire pour la fin de cette année.

Rappelons qu’un nouvel objectif est venu se greffer par la suite : 100 % de FTTH pour 2025. « 100 % FTTH en 2025 on n’y arrivera pas puisqu’on n’a pas déjà du 100 % cuivre », rappelait à juste titre Philippe Le Grand. Patrick Chaize (sénateur et président de l’Avicca) avait formulé la même remarque il y a plusieurs mois. 

150 millions d’euros pour raccorder certains locaux « complexes »

En décembre 2021, le gouvernement parlait de son côté d’une « généralisation de la fibre optique du territoire à fin 2025 ». Qu’importe le chiffre exact finalement (95 %, 99 %, 100 %…), il y a une certitude : le déploiement de la fibre doit avancer au maximum, notamment avec l’arrivée prochaine d’un service universel de la fibre. Cela impose donc de traiter les cas les plus difficiles, c’est-à-dire les raccordements longs et/ou complexes, qui ont tendance à être laissés de côté pour le moment.

« Alors que le rythme des raccordements progresse très significativement, des difficultés pour raccorder certains logements et locaux professionnels apparaissent, les privant d’un accès effectif à la fibre. Le plan France Très Haut Débit doit tenir ses promesses, dont le succès ne se mesurera que par l’arrivée effective de la fibre dans les logements et locaux professionnels. Il est donc nécessaire que tous les raccordements puissent être effectivement réalisés », rappelait le secrétariat d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

Pour faire le point, une étude a été lancée en 2021 « afin de mieux appréhender les difficultés pouvant empêcher durablement certains locaux d’être raccordés ». Suite à cela, l’État annonçait « un soutien supplémentaire au financement de la création des infrastructures nécessaires aux raccordements finals, à hauteur de 150 millions d’euros ». Le projet de cahier des charges (docx) était alors soumis à consultation jusqu’au 31 janvier.

Sans attendre le compte rendu de la Direction générale des entreprises, l’Avicca (Association des Villes et Collectivités pour les Communications électroniques et l'Audiovisuel) a publié sa réponse. Elle est réalisée en commun avec l’Assemblée des Départements de France (ADF) et la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies (FNCCR).

Financer les seules zones publiques… sans distinctions

Tout d’abord, les associations se félicitent que les financements des travaux ne concernent que les zones publiques et que « l’État ne cède pas aux pressions de certains acteurs qui s’imaginaient déjà toucher de l’argent public pour financer des raccordements en zone d’initiative privée ». L’Avicca rappelle au passage ces zones privées « ont fait l’objet de préemption volontariste – et non forcée – par certains opérateurs privés ».

Elles regrettent par contre « qu’un des principes politiques fondateurs du Plan France Très Haut Débit, à savoir une aide différenciée qui tienne compte des situations territoriales, ne soit pas repris, et que le taux d’aide soit le même pour tous […] Il ne fait aucun doute que certaines collectivités, à qui il est demandé de contribuer à une hauteur égale aux aides de l’État, seront confrontées à davantage de difficultés liées à l’absence de génie civil ».

Cette problématique « aurait pu être en partie réglée par une aide adaptée pour le premier investissement […] Malheureusement, la mauvaise qualité des PIT n’a pas permis d’anticiper ce problème au moment du montage des dossiers initiaux »… Mais qu’est-ce donc que le PIT ?

Il s’agit du Plan ITinéraire : « un des éléments de la documentation préalable d’Orange voulue par l’Arcep afin de permettre aux opérateurs alternatifs et aux aménageurs d’accéder à la meilleure information disponible sur l’état probable, effectif ou prévisionnel des infrastructures de génie civil d’Orange ». Il s’achète chez Orange à l’échelle communale. Il existe aussi un PIT enrichi avec « les linéaires de câbles commandés et déployés par les opérateurs ».

L’association fait part d’un autre point d’inquiétude sur la question des financements : « la perspective d’une aide de 12,5 % du montant des travaux ne débloquera pas une situation où les 75% du coût, à la charge de l’opérateur d’infrastructure, ne sont pas certains d’être pris en compte dans le coût global PM-PBO [Point de Mutualisation, Point de Branchement Optique, ndlr], l’Arcep n’ayant à ce jour pris aucune décision ni recommandation ferme dans ce sens, mais seulement fait part de ses orientations ».

Dans le projet : 12,5 % des coûts et 625 euros par local au maximum

Dans le document soumis à consultation, il est en effet indiqué que les projets « pourront être soutenus à un taux maximum de [12,5 %] des coûts éligibles, dans la limite :

  • d’un montant maximal par département du soutien de l’État tel que visé en annexe II ;
  • d’un volume maximal de 2 % des lignes commercialisables du projet ;
  • d’un montant plafond de [625] euros par Local raccordable ;
  • d’une participation au moins équivalente du Porteur de projet. »

Les 2 % sont d’ailleurs sous évalués pour les associations, particulièrement pour les lignes en pleine terre, c’est-à-dire sans fourreau. Elles demandent donc « une augmentation du taux de prises potentiellement éligibles » : entre 3 et 5 % suivant le pourcentage de lignes en pleine terre. 

Les 625 euros sont également insuffisants pour les associations : « À titre d’exemple, une ferme isolée peut être typiquement à plus d’un kilomètre du réseau, ce qui nécessite de créer une infrastructure aérienne d’un coût supérieur à 10 000 euros, mais qui a un sens sur le moyen/long terme ».

Quand les travaux du domaine public se heurtent au privé

Autre problématique : les travaux dans la partie domaine privé. Il faut en effet avoir la certitude qu’ils seront faits avant de se lancer dans les travaux sur la partie publique, sous peine de se retrouver avec une arrivée de fibre optique ne débouchant sur… rien. Cela suppose « une articulation client/opérateur commercial/opérateur d’infrastructure qui n’est pas effective aujourd’hui », regrette l’Avicca.

« Dans le contexte des raccordements aussi massifs que de la mise en œuvre désastreuse sur bien trop de territoires du mode STOC, il est à craindre que tout ce qui est complexe persiste à aboutir à une simple annulation des commandes par les opérateurs commerciaux dans la plupart des cas », indique enfin l’association.

Il faut également prendre en compte que « les travaux à réaliser sont extrêmement variables selon les cas de figures et les exigences des propriétaires, ce qui rend toute industrialisation difficile pour les opérateurs […] D’autre part, dans la perspective de décommissionnement du réseau cuivre, il devrait devenir juridiquement possible d’aider, sous conditions (par exemple barèmes sociaux), une partie de la population sur la partie privative ».

Autres désidératas

Les associations ne s’arrêtent pas en si bon chemin. Elles expliquent que la problématique globale de la complétude est encore beaucoup trop floue, notamment avec l’« absence d’offre et de process sur les "raccordables à la demande" ». En théorie, cela signifie que le local est « rendu raccordable par l'opérateur dans un délai maximum de 6 mois après la première demande de raccordement par l'utilisateur ». En pratique c’est souvent plus compliqué.

L’Avicca pointe aussi du doigt une « insuffisance du cadre » sur plusieurs points. Elle regrette l’absence d’un « mécanisme d’intégration dans le cadre global du génie civil d’Orange » et estime qu’à cause de l’aide « nationale limitée à 12,5 % des coûts, écrêtée par plusieurs plafonds (coût max à la prise, plafond départemental…), certains territoires ne seront pas en mesure de faire face aux besoins ».

Sur la base des 150 millions d’euros de budget, « la création d’une multitude de tronçons terminaux par les collectivités et les opérateurs d’infrastructure pourrait représenter un patrimoine dispersé et sans cohérence de plus de 1,2 milliard d’euros [150 millions représentent 12,5 % de 1,2 milliard, ndlr], qui risque d’être sous-valorisé économiquement et de ne pas être géré dans le temps ».

S’il ne fallait retenir qu’un mot : simplification

Les associations souhaitent aussi simplifier le processus :  « En l’état, ce qui est envisagé entraîne des délais et des coûts inutiles, en premier lieu pour les porteurs de projets, mais également pour ceux qui vont en assurer le contrôle. Avec ce qui est envisagé, l’année 2022 ne sera consacrée qu’au montage des dossiers, sans effet sur le terrain ».

À ce stade, la démarche  semble « aussi complexe que les raccordements »… et c’est en effet la conclusion à laquelle on peut arriver en lisant le projet de raccordements complexes à la fibre en zone rurale de la Direction générale des entreprises, ainsi que les retours de l’Avicca.

Il faut maintenant attendre que la DGE traite l’ensemble des retours qu’elle a pu obtenir et affine, si besoin, son projet. Nous aurons l’occasion de refaire le point lorsque la version définitive sera mise en ligne.

Écrit par Sébastien Gavois

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

150 millions d’euros pour raccorder certains locaux « complexes »

Financer les seules zones publiques… sans distinctions

Dans le projet : 12,5 % des coûts et 625 euros par local au maximum

Quand les travaux du domaine public se heurtent au privé

Autres désidératas

S’il ne fallait retenir qu’un mot : simplification

Commentaires (5)


et la mutualisation au niveau des NRO plutôt qu’à leurs points de raccordements locaux tout pourris c’est prévu dans la simplification ?


Bah oui le point de mutualisation peut déjà être au niveau du NRO (pas dans le NRO mais juste à côté), c’est même souvent le cas en campagne où il y’a peu de lignes et les lignes cuivres remontent presque directement sans armoire intermédiaire.


Désolé mais c’est le laissé-passer A39 comme stipulé dans la nouvelle circulaire B65.



romainsromain a dit:


et la mutualisation au niveau des NRO plutôt qu’à leurs points de raccordements locaux tout pourris c’est prévu dans la simplification ?




C’est un peu tard, c’était il y a 10 ans qu’il aurait fallu le faire.
Désormais tous les plans de câblages, dossiers administratifs, … seraient à revoir.



Au point de vu technique ça impliquerais de repasser des câbles de 576 fibres là où il y actuellement du 36 fibre sur le segment NRO <> PM.
Il faudrait aussi placer dans les NRO des ODF complets de 576 fibres (multiplié par le nombre de PMZ en aval) là où actuellement il n’y a que des tiroirs de 36.



Enfin, dans le mode actuel ça impliquerais qu’a chaque racco (comme en cuivre ceci dit) les mêmes techniciens qui foutent le dawa dans les PMZ aillent ouvrir les NRO…. pas sur qu’on y gagne.
L’alternative étant que les churn ne soient fait que par Orange ou ses S/T qualifiés et surveillés, et là on retomberais dans le cauchemar du début de l’ADSL où le seul moyen d’avoir une connexion était de s’abonner chez Orange, car ces derniers ne faisaient le boulot que pour ce FAI.



Il aurait existé tellement d’autres manières de penser le réseau (utiliser des longueurs d’ondes distinctes par opérateur par exemple, ou des systèmes de switch optique mécanisés)



Mais bon il y a eu beaucoup trop de politique et de volonté de sabotage dans ce dossier industriel “à la française” pour que techniquement ça marche bien. Moi ça m’étonne pas, on est plus capable de faire de gros projets industriels / d’infra qui réussissent.



Perso j’aurais davantage vu un déploiement piloté par les collectivités locales (qui sont loin d’être plus nulles que les gros opérateurs , avec le recul), qui déploient déjà pour elles-même des fibres en fourreaux Orange (quand ce n’est pas carrément leurs fourreaux, posés conjointement avec l’élec ou l’eau , ou la réfection de voirie) avec obligation de mise à disposition à tarif régulé. Elles ont en plus la connaissance du territoire en terme de type de terrain, typologie de l’habitat, …



OB a dit:



Il aurait existé tellement d’autres manières de penser le réseau (utiliser des longueurs d’ondes distinctes par opérateur par exemple, ou des systèmes de switch optique mécanisés)



l’idée ce sont des PM sans énergie, mais ça peut évoluer, comme il y a eu des NRA-HD à la place des sous répartiteurs pour le cuivre.
là, il fallait aller très vite c’était la priorité, et ça a été relativement vite, avec donc récupération au maximum de l’infra existante, ça évoluera certainement avec le temps.