Internet et vie politique : Interview de l'anthropologue Jonathan Chibois

Internet et vie politique : Interview de l’anthropologue Jonathan Chibois

Épisode 4

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Xavier Berne

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23/03/2013 2 minutes
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Internet et vie politique : Interview de l'anthropologue Jonathan Chibois

Depuis plusieurs semaines, nous avons interrogé différents acteurs afin de répondre à la problématique suivante : « Quelle influence Internet a-t-il sur l’activité des députés ? ». À cette occasion, l’anthropologue Jonathan Chibois a accepté d'accorder une interview à PC INpact.

assemblée


Au cours des derniers mois, il fut question à plusieurs reprises de l’impact d’Internet et des nouvelles technologies sur le travail des députés : utilisation des réseaux sociaux au sein de l’Assemblée nationalele ministre Alain Vidalies a remis en cause les indicateurs du site NosDéputés.fr, un site Internet (Parlement & Citoyens) a été inauguré afin d’associer les internautes à l’élaboration de propositions de loi portées par des députés, etc. Une problématique émergeait à nos yeux de ces différents sujets d’actualité : quelle influence Internet a-t-il sur l’activité des députés ?


Afin de prendre un peu de recul sur cette question, nous avons interrogé différents acteurs à même d’y répondre : le sociologue Dominique Cardon, le député Olivier Dussopt, l’association Regards Citoyens... Aujourd’hui, nous vous proposons une nouvelle contribution : celle de Jonathan Chibois, anthropologue préparant actuellement une thèse sur la transition vers le numérique du travail parlementaire à l'Assemblée nationale.

Écrit par Xavier Berne

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Commentaires (9)




“Etre député c’est être en réseau. Et ça, ce ne sont pas les réseaux sociaux qui l’ont fait. Être député, c’est être au centre d’un réseau de nombreux acteurs : citoyens, chefs d’entreprises, administrations… L’élu est là pour faire en sorte que tout le monde s’entende… C’est un médiateur avant d’être un législateur”





Bon, bah au moins c’est clair. Ca explique pourquoi les députés ont mieux à faire que siéger à l’assemblée pour discuter des lois. <img data-src=" />


J’ai trouvé l’entretien très intéressant : il offre une remise en perspective bienvenue des débats en cours dans la réalité de la pratique parlementaire et son histoire. Notamment la partie sur Parlement & Citoyens (qui m’intéresse davantage que l’irruption de Twitter) m’a parue très pertinente.



Deux petits bémols :

* Une des remarques adressées à Parlement et Citoyens est que le parlement n’est que rarement l’initiateur des projets de lois. C’est incontestable mais l’initiative est en elle-même une volonté de transformation institutionnelle.

* Concernant NosDéputés.fr, comme tous les sites Internet il est davantage fréquenté par les jeunes et les urbains mais à mon avis l’intérêt pour la politique est un trait plus saillant dans la constitution de leur audience. Et je vis dans un zone plutôt rurale où quelques “michus du terroir” que je connais pourraient bien être allés voir ce site.




il fut question à plusieurs reprises de l’impact d’Internet et des nouvelles technologies

Tout se perd ma pauv’ dame. <img data-src=" />








HarmattanBlow a écrit :



* Une des remarques adressées à Parlement et Citoyens est que le parlement n’est que rarement l’initiateur des projets de lois. C’est incontestable mais l’initiative est en elle-même une volonté de transformation institutionnelle.





C’est précisément ce que je veux dire par : « Elle est certes tout à fait louable, parce que si l’on veut agir il faut bien commencer quelque part, et composer avec les outils disponibles » <img data-src=" />







HarmattanBlow a écrit :



* Concernant NosDéputés.fr, comme tous les sites Internet il est davantage fréquenté par les jeunes et les urbains mais à mon avis l’intérêt pour la politique est un trait plus saillant dans la constitution de leur audience. Et je vis dans un zone plutôt rurale où quelques “michus du terroir” que je connais pourraient bien être allés voir ce site.





C’est intéressant ça ! Pour ma part je n’en ai pas rencontré. Alors, que cherchent-ils ces “michus du terroir” sur NosDéputés.fr ? Tu pourrais en dire plus ?



Bonjour et merci de passer sur PCI pour répondre aux commentaires. <img data-src=" />









Jonathan Chibois a écrit :



C’est précisément ce que je veux dire par : « Elle est certes tout à fait louable, parce que si l’on veut agir il faut bien commencer quelque part, et composer avec les outils disponibles » <img data-src=" />





Au temps pour moi, je n’avais pas mémorisé cette phrase.





C’est intéressant ça ! Pour ma part je n’en ai pas rencontré. Alors, que cherchent-ils ces “michus du terroir” sur NosDéputés.fr ? Tu pourrais en dire plus ?



Et bien j’imagine qu’ils ont, comme beaucoup d’autres, regardé avant les législatives l’activité de leur député et sa présence. Et peut-être occasionnellement son vote sur telle loi qui les concerne. Ce site n’est jamais venu dans la discussion mais enfin, comme partout ailleurs, beaucoup de gens s’intéressent à la politique (ce qui doit d’ailleurs aller de pair avec l’âge plus élevé que la moyenne), ils s’informent (souvent via un journal local mais sa lecture est alors quotidienne) et ils utilisent régulièrement Internet malgré des compétences informatiques limitées. Plusieurs heures de surf par semaine, ça n’a rien de rare aujourd’hui chez des 40+ ruraux peu diplômés et mal à l’aise avec l’info.



Puisque l’intérêt est là, qu’ils sont actifs vis-à-vis du sujet et qu’ils en ont les compétences techniques, pourquoi ne pas y aller à l’occasion des législatives, voire d’une loi particulière, entre deux visites du boncoin.fr ? Les seuls facteurs qui jouent en leur défaveur c’est qu’on entend davantage parler de ce se site sur des médias qu’ils doivent moins visiter que les autres (actus sur Internet notamment) et que leur fréquentation moyenne d’Internet reste quand même inférieure à celle des jeunes urbains.



Pour ma part j’ai été assez surpris à mon arrivée dans le coin. Entre la mamie abonnée à la newsletter de la mairie, un papy qui va voir des vidéos parlementaires ou un autre qui écume légifrance et autre sites officiels pour les besoins de sa charge de conseiller municipal, j’ai rencontré des usages surprenants de la part de personnes a priori peu disposées à cela. En fait je trouve cette appropriation de l’Internet par des techno-réticents, souvent avec une forte dimension locale, et les réponses des pouvoirs locaux à cela, très vivante et très intéressante.





le ministre Alain Vidalies a remis en cause les indicateurs du site NosDéputés.fr,



Trop drôle, à l’époque de la rédaction de l’article, j’ai eu un entretien avec le maire de mon village alors aussi député des Landes avec Vidalies et Emmanuelli.



Je comprends mieux sa tête lorsque je lui ai dit que j’avais bossé avec les initiateurs du site nosdeputes.fr en lui exprimant ma satisfaction de n’avoir rien eu à dire depuis presque 10ans qu’ils votaient comme il fallait.



Mon département est en effet précurseur sur pas mal de sujets, notamment sur l’eau et l’environnement. Il y avait juste cette dernière décision sur le traité Merkozy, ou contrairement à d’habitude ils n’avaient pas voté pareil les trois, seul Emmanuelli était resté fidèle à ses idées.



C’est là que mon très dévoué maire - et enfant du pays - m’a appris presque en baissant les yeux que Vidalies était un des plus impliqué dans la campagne de Hollande. Lui qui n’a pas voulu cumuler les mandats et qui s’est dévoué à sa mission parlementaire.

Un maire exemplaire, comme je n’en ai jamais connu, qui a construit des logements sociaux partout dans une des plus belles station balnéaire de la côte atlantique en proie à la spéculation immobilière.








HarmattanBlow a écrit :



Plusieurs heures de surf par semaine, ça n’a rien de rare aujourd’hui chez des 40+ ruraux peu diplômés et mal à l’aise avec l’info.





Bien d’accord. Mais exploiter les ressources que proposent NosDéputés.fr n’est pas une question de compétence, ou de disponibilité ou même d’intérêt pour les questions politiques, mais surtout de savoir quoi faire des informations fournies. Savoir que mon député n’est pas assidu dans l’hémicycle ? La belle affaire : si j’ai voté pour lui, il est peu probable que ça modifie mon jugement à son égard ; si je n’ai pas voté pour lui, ça me confirme dans mon jugement. Par contre, qu’il ait pris position dans telle fermeture d’usine, ou qu’il ait décroché des crédits pour tel projet d’investissement public, va plus certainement influer sur l’opinion que je me fais de lui. Des potes au bistrot/boulot vont-ils plutôt discuter du dernier amendement cosigné par untel ou de sa dernière déclaration fracassante dans le journal local ?



Je crois que les données fournies sont anecdotiques pour les citoyens lambda, les enjeux politiques qui les concernent au premier chef ne sont pas dans ces statistiques. C’est tout le contraire justement des newsletters municipales que tu évoques : elles ne sont pas autre chose que le traditionnel bulletin municipal, que les communes ont aujourd’hui bien du mal à financer. Quant au papi qui va voir des vidéos parlementaires, ne fait-il pas que faire de la VOD ? Et le conseiller municipal qui consulte légifrance, ne fait-il pas que se rendre à la bibliothèque ?









miluz a écrit :



Un maire exemplaire, comme je n’en ai jamais connu, qui a construit des logements sociaux partout dans une des plus belles station balnéaire de la côte atlantique en proie à la spéculation immobilière.





Eh oui, Vidalies fait partie de ceux pour qui cette évaluation quantitative est injuste. Être député, c’est être constamment tiraillé entre le local et le national, il y a tant à faire, et comme on ne peut être partout, il faut se donner des priorités. On comprends son agacement quand effectivement le journal régional, censé être un peu au courant, ne fait preuve d’aucune subtilité dans le traitement des informations qui lui sont fournies clé en main … <img data-src=" />









Jonathan Chibois a écrit :









Il est évident que la présence du député n’a que peu d’influence sur le choix de l’électeur. Mais c’est vrai aussi bien pour les jeunes que pour les électeurs plus âgés, pour les urbains que pour les ruraux, même si les motivations du vote différent sans doute entre ces groupes. La seule chose que j’ai voulu affirmer, c’est que l’âge élevé ou le fait d’habiter dans un environnement rural ne doivent pas faire tant de différence que cela en ce qui concerne NosDéputés.fr.



Cela dit l’absentéisme du député ne motive peut-être que peu le choix du vote mais je n’exclus pas qu’il joue davantage sur la présence au vote d’une part, et l’image globale du député d’autre part.



Concernant la seconde partie, je reconnais tout à fait que bon nombre de ces usages sont des transcriptions dans le virtuel de comportements déjà existants dans le réel. C’est presque toujours le cas avec Internet qui ne fait “que” faciliter (il est plus facile d’aller sur Youtube que d’obtenir la retranscription des séances en commission) et enrichir (indexation, agrégation de statistiques, mise en liaisons des contenus, commentaires, etc).