La Chine et l’Agence spatiale européenne se plaignent de SpaceX

Avis de bouchon à 400 km
Tech 5 min
La Chine et l’Agence spatiale européenne se plaignent de SpaceX
Crédits : Dvougao/iStock/Thinkstock

Les esprits s‘échauffent dans l’espace et SpaceX cristallise les attentions. La Chine se plaint d’avoir dû modifier par deux fois l’orbite de sa station spatiale et l’Agence spatiale européenne lui reproche de « s’accaparer » l’espace. Pour Elon Musk, tout va bien.

Dans une note tout ce qu’il y a de plus officielle transmise aux Nations Unies, la Chine informe le secrétaire général de phénomènes qui « constituaient des dangers pour la vie ou la santé des astronautes à bord de la Station spatiale chinoise ». De quoi remettre une pièce dans le jukebox de la guerre froide dans l’espace ?

La Chine s’appuie sur l’Article V des Traités et principes des Nations Unies relatifs à l’espace extra-atmosphérique : « les États parties au Traité porteront immédiatement à la connaissance des autres États parties au Traité ou du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies tout phénomène découvert par eux dans l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les corps célestes, qui pourrait présenter un danger pour la vie ou la santé des astronautes ». 

Deux évitements de collision, en juillet et octobre

La Chine rappelle avoir « achevé cinq missions de lancement en 2021, avec la mise en orbite réussie du module central Tianhe de la China Space Station, les vaisseaux cargo Tianzhou-II et Tianzhou-III ainsi que les capsules Shenzhou-XII et Shenzhou-XIII avec des équipages. La Station spatiale chinoise a voyagé de manière stable dans une orbite quasi circulaire à une altitude d'environ 390 km ».

Problème, deux satellites Starlink seraient venus jouer les trouble-fête en s’approchant un peu trop près de la Station pour les Chinois : « Pour des raisons de sécurité, le China Space Station a mis en place un contrôle préventif d'évitement des collisions les 1er juillet et 21 octobre 2021 ».

Concernant le premier risque de collision, la Chine explique que le satellite Starlink-1095 qui se trouvait initialement à 555 km d’altitude a changé de position entre mai et juin, pour finalement se retrouver à 382 km d’altitude seulement.

Pour le second, c’est le satellite Starlink-2305 qui est pointé du doigt, là encore suite à des manœuvres de changement d’orbite. Jonathan McDowell, astrophysicien au Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics, confirme sur Twitter que la Station spatiale chinoise a bien effectué des ajustements orbitaux ces deux jours-là

La Chine demande au Secrétaire général des Nations Unies de diffuser les informations contenues dans sa note et lui demande au passage de rappeler aux différents pays l’Article VI du Traité : « Les États parties au Traité ont la responsabilité internationale des activités nationales dans l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, qu’elles soient entreprises par des organismes gouvernementaux ou par des entités non gouvernementales, et de veiller à ce que les activités nationales soient poursuivies conformément aux dispositions énoncées dans le présent Traité ».

Une manière donc de demander aux États-Unis de se pencher sur le cas de SpaceX, en passant par les Nations Unies.

Le fond et la forme

Après avoir jeté un oeil aux archives, Jonathan McDowell explique que la manière de faire est assez inhabituelle. Généralement le formulaire A/AC.105 est utilisé pour prévenir les autres pays de faire attention suite à une action, pas pour se plaindre de celles des autres États.

Il ajoute que la Chine peut très certainement s’attendre à un retour de bâton : en 2007 elle a fait la démonstration d’un missile antisatellite créant de nombreux débris dans l’espace, obligeant la Station spatiale internationale à réaliser des manœuvres d’évitement. 

Il s’agit aussi très certainement d’un acte politique alors que des travaux sont en cours aux Nations Unies pour identifier les « moyens de prévenir une militarisation de l’espace extra-atmosphérique ». La Chine est sur la même longueur d’onde que la Russie sur certains pays, contre les positions des États-Unis, de l’Europe et du Royaume-Uni. 

Elon Musk se défend de « coloniser » l’espace…

SpaceX n’a pas souhaité faire de commentaire pour le moment. Une interview d’Elon Musk par le Financial Times a été mise en ligne juste après cette histoire, mais elle ne concerne pas directement la question des manœuvres de la Station spatiale chinoise.

Le patron de l’entreprise répondait en effet à Josef Aschbacher, directeur général de l’Agence spatiale européenne, qui l’accusait récemment de « s’accaparer » l’espace avec déjà près de 2 000 satellites Starlink en orbite et des (dizaines de) milliers d’autres à venir. Du fait des activités de SpaceX, il y aurait ainsi moins de fréquences radio et d’orbites disponibles pour les autres.

Elon Musk a balayé d’un revers de la main cette déclaration : « L’espace est tout simplement extrêmement grand, et les satellites sont très petits. Ce n’est pas une situation où nous bloquons qui que soit. Nous n’avons empêché personne de faire quoi que ce soit ».

Toujours selon Elon Musk, il y aurait de la place pour « des dizaines de milliards de satellites […] Quelques milliers de satellites, ce n'est rien ».

Plusieurs experts ne sont pas sur la même longueur d’onde, notamment Jonathan McDowell qui rappelle que les satellites se déplacent à près de 28 000 km/h : « À cette vitesse, un écart de trois secondes ne laisserait de la place qu'à environ 1 000 satellites dans chaque couche orbitale ».

… qui est de plus en plus encombré

« Pour de nombreux experts de l'espace, planifier une manœuvre d'évitement prend au moins des heures, voire des jours, ce qui laisse penser que l'espace est déjà trop encombré », ajoute-t-il.

Dans tous les cas, Jonathan McDowell affirme à l’AFP que les astronomes ont « constaté une augmentation du nombre de risques de collision depuis le début du déploiement de Starlink ».

Il n’y a pas que le nombre de satellites qui augmente : les débris sont eux aussi toujours plus nombreux. 

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