La commission des lois a adopté, dans la nuit de mercredi à jeudi, le projet de loi « passe vaccinal ». Sur 269 amendements examinés, 29 ont été adoptés, dont 19 provenant des députés LREM et 7 du gouvernement. L’une des principales mesures ? Les contrôles d’identité réalisés par un restaurateur, un barman… rendus plus stricts que ceux réalisés par un officier de police judiciaire.
Après cet examen en commission, le texte amendé sera soumis à la séance du lundi 3 janvier à partir de 15 heures. Comme dans l’avant-projet révélé par Next INpact, le projet de loi vient transformer le passe sanitaire en un passe vaccinal. En commission des lois, cette mue a été lourdement combattue, mais sans succès.
Le groupe de la France insoumise, notamment, a vu dans cette transformation un « danger pour les libertés publiques », et une mesure « inefficace sur le plan sanitaire » car, soutient-il, elle renforce « le sentiment de sécurité des personnes vaccinées qui peuvent transmettre le virus », tout « en restreignant encore plus les droits des personnes non-vaccinées ». Leur amendement CL44 (Commission des Lois, n°44) a été rejeté face au bulldozer LREM.
Toujours dans le texte issu des travaux en commission, un amendement CL118 issu de la majorité a connu meilleur sort. Il se contente de préciser que lorsque le Premier ministre réglemente l’ouverture au public des établissements recevant du public, il devra adapter sa règlementation proportionnellement aux capacités d’accueil des lieux concernés.
« Il paraît plus opportun d’adopter des jauges relatives dans les stades et les salles, c'est-à-dire définies au prorata de la capacité d'accueil de ces espaces, plutôt qu’en valeur absolue », ont défendu cinq députés LREM auteurs de ce correctif.
Autre initiative LREM adoptée, le maintien du passe sanitaire pour les sorties scolaires. Les élèves pourront, en l’état du texte, toujours présenter un résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination, un justificatif de statut vaccinal, ou bien enfin un certificat de rétablissement :
« Afin que les jeunes ne subissent pas un isolement et un manque d’activité et qu'ils ne soient pas non plus stigmatisés dans leur classe, et alors qu’ils sont dans l’âge délicat de l’adolescence et de la construction de leur vie d’adulte, il convient de les laisser accéder aux sorties scolaires sur présentation d'un test négatif ou d'un schéma vaccinal complet ».
Des vérifications d'identité rendues plus strictes
Présenté comme un amendement « rédactionnel », l’amendement CL281 a en réalité aiguisé le contrôle d’identité réalisée par les personnes privées (exploitants de bar, restaurant, etc.) lors du contrôle du passe vaccinal. Pour le Conseil d'Etat, cette « mesure est justifiée par un objectif de santé publique » dans la mesure où elle est censée prévenir les faits de fraude.
Si dans le texte initial, ce contrôle pouvait être justifié en présence d’un « doute »...
... il est désormais indiqué qu’« il peut être procédé à la vérification de concordance documentaire entre l’identité mentionnée sur le document prévu au premier alinéa du présent B et un document officiel avec photographie ». En somme, le critère flou du « doute » a sauté et le contrôle peut bien être systématisé.

Bien mieux, toujours dans son « amendement de précision rédactionnelle », le député et rapporteur Jean-Pierre Pont (LREM) a voulu souligner « expressément que l'exploitant ou le professionnel ne se livrera pas à un contrôle d'identité au sens du code de procédure pénale - cela relevant des forces de l'ordre - mais simplement à une vérification de concordance documentaire ».
De fait, au-delà de cette soi-disant « précision rédactionnelle » sur cette fameuse « vérification de concordance », le projet de loi porté par le groupe LREM vient bien aggraver les conditions de ces contrôles.
Dans le droit commun, « vous pouvez justifier votre identité par tous moyens », rappelle le site officiel Service-public.fr ou celui de l’Intérieur.
Ainsi, une personne peut justifier son identité en présentant à un officier de police judiciaire un titre d'identité (carte d'identité, passeport, permis de conduire), mais aussi tout autre document (acte de naissance, livret de famille, livret militaire, carte d'électeur, carte vitale...) et même s’appuyer sur un témoignage, où « la personne qui est avec vous confirme votre identité ». Une justification « par tous moyens », donc.
Pour la vérification entre l'identité apparente et le passe vaccinal, soit un contrôle d’une personne privée par une personne privée, l’amendement LREM exige la présentation d’un document d’identité comportant obligatoirement « un document officiel avec photographie ». Un acte de naissance, un livret de famille, ou un témoignage par exemple ne seront donc pas admis.
Ces contrôles privés sont donc plus stricts que ceux réalisés par un OPJ, sans doute parce que leur raison d'être est de vérifier une concordance, plus que stricto sensu, une identité. Subtile nuance.
Des réunions politiques possiblement sous passe sanitaire
Le texte initial ne prévoyait pas une telle disposition, ajoutée hier soir à l’initiative de Guillaume Larrivé (LR).
Pour l’accès aux meetings politiques, les responsables pourront exiger un passe sanitaire (résultat négatif, justificatif vaccinal, certificat de rétablissement).
Sans cette précision, demander une telle présentation aurait été pénalement sanctionnée (jusqu'à un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende), puisqu’il est interdit d’exiger un passe hors des cas prévus par la loi.
« Cet état du droit est déraisonnable : s’il était appliqué strictement, il impliquerait qu’un candidat à l’élection présidentielle choisissant de subordonner l’accès à ses meetings à un "passe" puisse faire l’objet de poursuites pénales et même d’une condamnation à la prison ! » a exposé l’élu LR.
Cette disposition passera-t-elle entre les fourches du Conseil constitutionnel ? Celui-ci a accepté au détour d’une décision rendue en novembre dernier que la présentation d’un passe puisse s’envisager même « en période électorale ».
Toutefois, s’il appartient bien au législateur de concilier l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé avec le respect des droits et libertés, il a prévenu que le passe ne pouvait être exigée « pour l'accès aux bureaux de vote ou à des réunions et activités politiques ».

L'amendement tente de passer finement entre les griffes de cette jurisprudence : la loi en formation n’exige pas la présentation d’un passe à l’entrée des meetings politiques mais, nuance, autorise le responsable à le demander, sans que celui-ci n’encoure de sanctions pénales. Une pirouette qu’auscultera avec attention le Conseil constitutionnel, s’il est saisi.