Au Journal officiel, un nouveau décret vient terminer le passage de relais entre la Hadopi et l’Arcom, sa remplaçante au 1er janvier 2022. À l’approche de l’échéance fatidique pour la haute autorité, le décret vient préparer la caractérisation des sites pirates outre la question des sites « miroirs ».
Hier, le gouvernement a fait publier le décret « fichier » nécessaire à l’arrivée de l’Arcom. Pour l’occasion, la correction d’un bug vieux de 10 ans dans la riposte graduée permettra à cette nouvelle Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique de prendre en compte le port source dans la gestion des avertissements.
Avec cet élargissement, le remplaçant de la Hadopi pourra identifier les personnes derrière des IP partagées. Une technique de plus en plus utilisée par les fournisseurs d’accès dans un contexte de pénurie des adresses IPv4, mais qui a pour effet d’empêcher la haute autorité à individualiser ses courriers. Résultat : près d’un avertissement sur trois partait à la poubelle !
Ce matin, un nouveau décret a été publié au Journal officiel. Il est la queue de la comète de la loi du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l'accès aux œuvres culturelles à l'ère numérique. C’est cette loi qui orchestre la fusion Hadopi et CSA au sein de cette nouvelle autorité qui prendra son envol le 1er janvier 2022.
En pratique, il détaille la mise en œuvre des missions de l'ARCOM dans le champ du droit d'auteur et des droits voisins. Autant dire, une pièce maitresse pour les nouvelles armes antipiratages de cette autorité.
Lumière sur les listes noires
Au 1er janvier, l’ARCOM gèrera ainsi une liste noire prévue dans le futur article L331-25 du Code de la propriété intellectuelle. Au titre de sa mission de protection « des œuvres et des objets auxquels sont attachés un droit d'auteur, un droit voisin ou un droit d'exploitation audiovisuelle ».
Cette liste noire dressera l’inventaire des sites « ayant fait l’objet d’une délibération dans le cadre de laquelle il a été constaté que ces services portaient atteinte, de manière grave et répétée, aux droits d’auteur ou aux droits voisins ».
Cette liste des sites massivement pirates imposera aux acteurs de la publicité à faire état chaque année de leurs relations avec l’un quelconque de ces services inscrits. Elle permettra également de nourrir les accords de « soft law », ces accords volontaires entre les acteurs bancaires, de la publicité et les ayants droit afin de couper les robinets financiers (approche « follow the money »).
Le décret précise les modalités pratiques de l’inscription, processus qui passera d'abord par des constats rédigés par les agents de l’ARCOM, transmis par le rapporteur au président de l’autorité, mais également à chaque site épinglé qui pourra lui faire connaître ses observations.
La procédure s’achèvera par une séance publique dans les deux mois suivant la transmission du rapport par le rapporteur au président. L’éditeur pourra se faire représenter. La décision finale mentionnera le cas échéant « le défaut de comparution personnelle ou de représentation de la personne convoquée ».
Un site inscrit sur liste noire pourra solliciter son retrait mais en justifiant de « l'ensemble des éléments permettant de justifier du respect des droits d'auteur et des droits voisins ». L’autorité délibèrera dans les quatre mois.
Dans le reflet des sites miroirs
L’hypothèse de départ : un jugement ordonne le blocage d’un site pirate. Comme souvent dans pareil cas, le site peut revenir sous couvert d’un autre chemin d’accès. Avec la loi ARCOM, un titulaire de droit pourra saisir l’autorité.
Le décret lui demande d’adjoindre à sa lettre recommandée, une copie du jugement initial, les données d’identification du site miroir (soit celui « reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu du service » bloqué), mais également une simple déclaration sur l’honneur « selon laquelle l'auteur de la saisine est titulaire de droits ou a qualité pour agir au nom du titulaire de droits sur une œuvre ou un objet protégé concernés par la reprise ». Il n'aura donc pas à démontrer le caractère original de chaque oeuvre en cause...
Rappelons qu’après cette saisine, l’Arcom pourra demander aux FAI et autres intermédiaires visés dans la décision de justice initiale, d’étendre le blocage à ces miroirs. Et pour faciliter ces demandes, l’autorité pourra rédiger des modèles d’accords où chacune des parties, FAI compris, s’engagera à lutter en commun contre les contrefaçons en ligne.
Si un intermédiaire ignore la demande d’extension du blocage réclamée par l’autorité, le juge devra être saisi pour ordonner éventuellement cette mesure.