Dans l’Univers, on a des galaxies dans lesquelles se trouvent des systèmes planétaires et des (exo)planètes. Mais il existe aussi des planètes errantes qui se déplacent librement, sans être en orbite autour d'une étoile. N’allez pas croire que c’est un phénomène rare : il pourrait y en avoir plusieurs milliards.
Commençons par une définition : « les planètes errantes sont des objets cosmiques insolites dont la masse est comparable à celle des planètes de notre système solaire, mais qui ne sont pas en orbite autour d'une étoile et se déplacent librement à leur guise », explique l'Observatoire Européen Austral (ESO).
Dans une étude publiée dans Nature Astronomy, des astronomes en ont découvert plusieurs dizaines : « Nous ne savions pas à combien de planètes errantes nous attendre et nous sommes ravis d'en avoir trouvé autant », déclare Núria Miret-Roig du Laboratoire d'astrophysique de Bordeaux et premier auteur de la publication.
Contrairement aux (exo)planètes qui orbitent autour d’une étoile, celles qui errent comme des âmes en peine se « cachent loin de toute étoile les éclairant » et sont donc « normalement impossibles à photographier ». On ne peut pas non plus utiliser la méthode du transit.
Des planètes errantes « brillantes »
Núria Miret-Roig et son équipe ont donc utilisé une technique différente : « dans les quelques millions d'années qui suivent leur formation, ces planètes sont encore suffisamment chaudes pour briller, ce qui les rend directement détectables par les caméras sensibles des grands télescopes ».
Ces recherches ont porté leurs fruits : « Ils ont trouvé au moins 70 nouvelles planètes errantes de masse comparable à celle de Jupiter dans une région de formation d'étoiles proche de notre Soleil, dans les constellations du Scorpion supérieur et du Serpentaire ».
Jupiter est pour rappel la plus grande planète du Système solaire. Son diamètre moyen est de 142 984 km, son volume est 1 317 fois plus important que celui de la Terre. Elle est tellement imposante qu’elle joue le rôle de protectrice des huit « royaumes ».
Entre 70 et 170 planètes errantes… d’où vient cette imprécision ?
Revenons quelques instants sur un détail qui a son importance : l’ESO parle d’« au moins 70 nouvelles planètes errantes ». Pourquoi une telle imprécision si elles ont été détectées ? Il manque en fait une donnée cruciale pour affiner cette estimation : la masse des objets, que les observations ne permettent pas de mesurer.
Jupiter est déjà un monstre dans le cas de notre système Solaire : sa masse est 318 fois celle de notre planète et « plus de deux fois supérieure à celle de la totalité des autres planètes du Système solaire », rappelait l’Agence spatiale européenne. S’il existe probablement des exoplanètes encore plus massives, « les objets dont la masse est supérieure à environ 13 fois la masse de Jupiter ne sont très probablement pas des planètes », explique l'ESO.
Comment faire alors sans disposer de la masse des objets identifiés ? L’équipe « a dû se fier à l'étude de la luminosité des planètes ». Le postulat de base est simple : plus une planète est âgée, plus elle s'est refroidie et donc plus elle a perdu de sa luminosité. La luminosité est donc directement liée à l’âge de la planète.
Partant de là, l’ESO détaille son raisonnement : « Si la région étudiée est ancienne, alors les objets les plus brillants de l'échantillon ont probablement une masse supérieure à 13 Jupiter, et inférieure si la région est plus jeune ». Il faut également prendre en compte « l'incertitude quant à l'âge de la région étudiée ».
Les astronomes arrivent alors à un nombre de planètes errantes « compris entre 70 et 170 ». Par précaution, ils parlent donc d’« au moins 70 planètes errantes ».

20 ans de mesures, au sol et dans l’espace
N’allez pas croire que repérer 70 planètes errantes se fait d’un claquement de doigts. Les données utilisées ont été récoltées sur une période d'environ 20 ans. Elles proviennent de plusieurs télescopes au sol et dans l'espace.
« Nous avons mesuré les mouvements infimes, les couleurs et les luminosités de dizaines de millions de sources dans une grande région du ciel […] Ces mesures nous ont permis d'identifier de manière sûre les objets les plus faibles de cette région, les planètes errantes », détaille Núria Miret-Roig.
Plusieurs télescopes de l’Observatoire ont été mis à contribution – Very Large Telescope (VLT), Visible and Infrared Survey Telescope for Astronomy (VISTA), VLT Survey Telescope (VST) et MPG – ainsi que le satellite Gaia de l'Agence Spatiale Européenne.
« La grande majorité de nos données proviennent des observatoires de l'ESO, qui étaient absolument essentiels pour cette étude. Leur large champ de vision et leur sensibilité unique ont été les clés de notre succès », affirme Hervé Bouy, astronome au Laboratoire d'Astrophysique de Bordeaux et chef de projet de cette recherche.
Au total, des « dizaines de milliers d'images à grand champ […] correspondant à des centaines d'heures d'observations, et littéralement des dizaines de téraoctets de données » ont été mises à contribution. Ces observations laissent penser aux chercheurs qu'il pourrait y avoir beaucoup plus de planètes errantes dans notre galaxie : « Il pourrait y avoir plusieurs milliards de ces planètes géantes flottant librement dans la Voie lactée sans étoile hôte », selon Hervé Bouy.
D’où viennent les planètes errantes ?
Ces planètes errantes pourraient aider à comprendre comment elles se forment. Deux pistes sont sur le tapis : « à partir de l'effondrement d'un nuage de gaz trop petit pour entraîner la formation d'une étoile », ou elles ont « pu être éjectées de leur système parent ». Les scientifiques ignorent encore « quel mécanisme est le plus probable ».
La suite, on s’en doute, viendra avec les nouveaux instruments. Le futur Extremely Large Telescope pour commencer, qui « sera absolument crucial pour recueillir davantage d'informations sur la plupart des planètes errantes que nous avons trouvées ». Il ne sera pas le seul, le James Webb Space Telescope et d’autres du genre seront certainement mis à contribution.