Bruno Le Maire veut « écrire une nouvelle page de l'histoire spatiale » et « notre SpaceX »

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Bruno Le Maire veut « écrire une nouvelle page de l'histoire spatiale » et « notre SpaceX »
Crédits : sbhaumik/iStock

Dans le cadre du plan France 2030, 1,5 milliard d’euros sont destinés au spatial. Deux priorités sont mises en avant : « rattraper le retard sur certains segments » et « investir dans les nouveaux usages ». Il est notamment question de développer un mini-lanceur réutilisable, en quatre ans seulement.

Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, a présenté la stratégie spatiale française. Elle va bien au-delà de nos frontières puisqu’elle s’inscrit dans un mouvement européen. Pour rester fort face aux concurrents du New Space, le vieux continent doit s’unir autour d’un point d’ancrage : Ariane 6.

« Nous étions partis depuis plusieurs années, soyons clairs sur le chemin de la division et de la rivalité entre nations européennes où, chacun, dans son coin, commençait, soit à vouloir torpiller Ariane 6, soit à vouloir ouvrir une concurrence entre les États européens pour que chacun ait son propre lanceur. C'était suicidaire », explique-t-il.

Il en profite pour rappeler que les Américains et les Chinois pratiquent déjà depuis longtemps une préférence nationale, et que l’Europe doit faire de même : « Je revendique la préférence européenne ». Ce n’est pas le premier et certainement pas le dernier à parler d’un « buy european act » dans le domaine spatial.

La Cour des comptes y faisait référence il y a un peu moins de trois ans. Bonne nouvelle dans ce contexte : « l'Allemagne lancera ses satellites OPS-SAT sur Ariane 6 et non pas sur SpaceX ».

« Ariane 6 est la bonne solution », mais… 

Au début de son discours, Bruno Le Maire commence par un rappel faisant écho à un rapport sénatorial de 2019 : « J'ai relu les notes avec beaucoup d'attention, qui ont été écrites par des gens sans doute très intelligents […] qui expliquaient au début des années 2010 que nos lanceurs réutilisables n'avaient aucun avenir. Que l'aventure américaine échouerait, et qu'il n'y avait donc rien à craindre de ce côté-là ».

Le rapport arrivait en effet aux mêmes conclusions. Il parlait d’une « époque où le scepticisme était de mise sur l’entreprise d’Elon Musk [...] quant à sa capacité à profiter d’un modèle de réutilisation dont elle n’avait, à l’époque, pas encore démontré la pertinence ». Finalement, le patron de SpaceX avait raison, la réutilisation fonctionne pour SpaceX. Elle lui permet de réduire ses coûts et notamment de déployer sa constellation Starlink. 

Soufflant le chaud et le froid, le ministre souhaite néanmoins « couper le sifflet à tous ceux qui ont estimé un peu rapidement qu’Ariane 6 était dépassée, qu’Ariane 6 n'était pas la bonne solution : Ariane 6 est la bonne solution », affirme-t-il.  Les deux concepts – Ariane 6 et le réutilisable – « ne s'opposent pas », ils « sont complémentaires ».

« Écrire une nouvelle page de l'histoire spatiale française »

Et la France dans cette histoire ? Les ambitions de Bruno Le Maire sont élevées : « Nous allons enfin ouvrir et écrire une nouvelle page de l'histoire spatiale française ». En déplacement sur le site de Vernon (dans l’Eure) d’ArianeGroup, il en profite pour faire un rapide bilan des derniers mois de négociation avec les partenaires européens et plus particulièrement l’Allemagne et l’Italie.

« Nous transférons le moteur Vinci, mais Vulcain reste, Prometheus arrive. Il est derrière moi ». Prometheus est pour rappel le moteur réutilisable de l’Agence spatiale européenne qui doit être utilisé avec le démonstrateur Themis. Le banc d’essai PF50 de Vernon va être modernisé pour « accueillir les essais Prometheus. Ce qui veut dire très concrètement que les essais qui auraient dû être faits en Allemagne seront faits en France ».

Bruno Le Maire veut « son » SpaceX et Falcon 9 d’ici quatre ans

À l’instar de la NASA qui soutient financièrement et matériellement SpaceX, la France veut aussi essayer de faire émerger des champions locaux, avec le soutien de la « puissance publique ».

Une première annonce a été faite en ce sens… avec un acteur qui est tout sauf une start-up dans le domaine spatial : « ArianeGroup va lancer son propre projet de mini-lanceur et réutilisable : Maïa ». Bruno Le Maire se lance dans une comparaison pour le moins ambitieuse : « Pour faire simple, nous aurons notre SpaceX, nous aurons notre Falcon 9 »… Mais faut-il un Falcon 9 en 2021/2022 ? Cette fusée a déjà plus de dix ans et la société d’Elon Musk récupère de manière régulière son premier étage depuis plusieurs années maintenant

Le ministre espère ainsi « rattraper un choix stratégique mauvais d’il y a dix ans pour enfin que la France et l’Europe aient un lanceur réutilisable ». Mais tout le monde ne partage pas cet avis. L'ONERA (Office National d'Études et de Recherches Aérospatiales) par exemple déplorait il y a deux ans le comportement de « suiveur » de l'Europe et le manque de financements sur la recherche à long terme des lanceurs spatiaux.

De son côté, la direction générale de l’armement expliquait par exemple que « le lanceur réutilisable n’est pas une solution de 2030, mais de 2018. Il faut viser l’étape d’après, car, en 2030, SpaceX ou ses successeurs seront vraisemblablement passés à autre chose », sans plus de précision. SpaceX prépare pour rappel Starship, une fusée entièrement réutilisable capable de proposer des missions habitées, d’aller vers la Lune, Mars et finalement un peu n’importe où dans le système solaire. 

Quoi qu’il en soit, Bruno Le Maire veut aller vite : « Notre objectif est clair, le premier tir d’un lanceur réutilisable va avoir lieu en quatre ans en 2026. C’est l’objectif que nous fixons aux ouvriers, aux techniciens, aux ingénieurs de Vernon »… à eux maintenant de faire le travail. « Le lanceur réutilisable en plus du succès d’Ariane 6, doit pouvoir être opérationnel en 2026. Je sais que le calendrier est court, mais si on ne se met pas un peu l’épée dans les reins, en général, on n’arrive à rien ».

Un appel à projets pour des micro-lanceurs réutilisables

Il annonce aussi, dans le cadre du plan France 2030, qu’il lancera « d'ici la fin de l'année un appel à projets pour soutenir le développement de micro-lanceurs réutilisables ». Il est question de « financements, du soutien technique et nous garantirons les premières commandes de ces micro-lanceurs ». 

Une étape sera de moderniser le site de Kourou en Guyane : « Nous consacrerons 80 millions d’euros d’investissement […] pour sa modernisation et pour permettre le lancement de nombreux mini et micro-lanceurs ». Une manière de faire directement inspirée du fonctionnement de la NASA avec SpaceX (et dans une moindre mesure avec Blue Origin et Rocket Lab). 

Constellations, ravitaillement, débris… et autres désidératas

D’autres pistes sont mises en avant, dont les constellations de satellites en orbite basse, un « pari stratégique » : « France 2030 financera dès 2022 les projets innovants de startups et de grands groupes dans ce domaine. Beaucoup de startups travaillent déjà sur ces sujets de constellation. Je leur demande d’accélérer leurs projets ». 

Les États-Unis ont Starlink de SpaceX et Kuiper d’Amazon, le Canada a Telesat, le Royaume-Uni a OneWeb et l’Europe a annoncé au début de l’année qu’elle se penchait sur la création d’un « système européen de connectivité par satellite ». Elle a d’ailleurs sélectionné un consortium de sociétés (Airbus, Arianespace, Eutelsat, Hispasat, OHB, Orange, SES, Telespazio et Thales Alenia Space) pour mener une étude, on est là encore très loin des start-ups.

D’autres pistes sont mises en avant par le ministre : « les services de ravitaillement et de déplacement de satellites en orbite, la surveillance de l’espace pour localiser les débris et les satellites, pour la valorisation des données qui sont collectées depuis l’espace ».

Avec ClearSpace – une société Suisse –, l’Europe s’est déjà penchée sur le nettoyage des débris dans l’espace il y a deux ans. Les Américains aussi testent en conditions réelles des remorqueurs de l’espace avec les MEV (Mission Extension Vehicle) de Northrop Grumman. Le Japon aussi est sur les rangs avec Astroscale.

Dans le cadre du plan France 2030 « soutiendra tous ces nouveaux usages de l’espace et toutes les entreprises qui travaillent dans ce domaine ». Le ministère précise d’ailleurs que « les deux tiers des fonds seront dédiés aux acteurs émergents ». Enfin, un « accord a été annoncé entre ArianeGroup, Safran et Airbus pour développer les activités de propulsion hydrogène pour l'aéronautique à Vernon ».

Bruno Le Maire rappelle au passage son objectif d’arriver d'ici 2030 à un avion à hydrogène. Il reconnait évidemment qu’il « ne couvrira pas tous les besoins de l'aéronautique, ce sera probablement des avions avec une capacité d'emport limitée avec un rayon d'action limité ».

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