Guerre froide dans l’espace : la Russie détruit un de ses satellites, un acte « irresponsable »

Ambiance…
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Guerre froide dans l’espace : la Russie détruit un de ses satellites, un acte « irresponsable »

Alors que la militarisation de l’espace et la question des débris inquiètent de plus en plus, la Russie vient de faire une démonstration de force illustrant ces deux sujets. Elle a détruit un de ses satellites avec un missile, entrainant une procédure d’urgence dans la Station spatiale internationale (ISS).

Pour le moment, l’espace est (relativement) en paix, bien que des satellites-espions s’approchent d’autres satellites et que des missions classées « secret défense » s’y déroulent de manière régulière. Il faut dire qu'il s'agit de l'endroit parfait pour espionner les autres pays puisque les satellites peuvent dépasser les frontières sans aucune restriction, une fois qu’ils sont au-delà de la ligne imaginaire de Kármán située à 100 km d’altitude.

La Russie en mode Dr Jekyll et Mr Hyde

L’arsenalisation de l’espace inquiète et, déjà l’année dernière, un rapport sénatorial s’emparait du sujet. Depuis, l’ONU a adopté cinq projets de résolution sur « les aspects relatifs au désarmement de l’espace »… non sans une certaine tension entre les occidentaux d’un côté, la Chine et la Russie de l’autre.

Pour rappel, le principal texte des Nations Unies en la matière date de… 1967 ; il est donc largement temps de le mettre à jour. Mais voilà qu’au milieu de ces bonnes intentions, la Russie a décidé de venir jouer les trouble-fête avec le lancement d’un missile antisatellite (ASAT pour Anti-SATellite) qui a détruit son satellite Cosmos-1408, alors qu’il se trouvait à moins de 500 km d’altitude. Les Américains (et d’autres) ont rapidement et vivement réagi.

Un missile et paf le satellite… qui fait des débris

Détruire un satellite dans l’espace depuis la Terre n’a rien de nouveau. Quatre pays ont déjà démontré être capables de le faire depuis des (dizaines d’) années : les États-Unis, la Chine, la Russie et l’Inde en 2019. Dans ce dernier cas, la communauté spatiale s’était indignée et la Station spatiale internationale avait dû procéder à des ajustements dans sa trajectoire. Hier, rebelote avec les Russes à la manœuvre.

L’agence spatiale Roscosmos ne parle officiellement pas de cette opération, mais la NASA et d’autres officiels ne s’en privent pas et font part de leur mécontentement : « En raison des débris générés par le test anti-satellitaire russe (ASAT), les astronautes et les cosmonautes de l’ISS ont entrepris des procédures d’urgence pour leur sécurité ».

La NASA voit rouge

Bill Nelson, administrateur de l’agence spatiale américaine, se dit « indigné par cette action irresponsable et déstabilisatrice ». Il détaille son propos : « il est impensable que la Russie mette en danger non seulement les astronautes partenaires américains et internationaux de l’ISS, mais aussi leurs propres cosmonautes. Leurs actions sont imprudentes et dangereuses, menaçant ainsi la station spatiale chinoise et les taïkonautes à bord ».

L’Agence ajoute avoir pris des mesures de précaution afin de mettre à l’abri les humains qui se trouvent à bord de l’ISS : « Les membres de l’équipage sont entrés dans leur vaisseau spatial » et y sont restés pendant 2h. La Station s’approche du nuage de débris toutes les 90 minutes environ et cette manœuvre a permis de les préparer à un retour d’urgence en cas de problème lors des premiers passages. Il y a deux vaisseaux à disposition pour rappel : un Crew Dragon et un Soyouz, respectivement utilisé par les Américains et les Russes. 

Bill Nelson en profite pour réaffirmer que « toutes les nations ont la responsabilité d’empêcher la création délibérée de débris spatiaux » afin de « favoriser un environnement spatial sûr et durable ». De son côté, la NASA va continuer de surveiller les débris afin de s’assurer que l’équipage est en sécurité.

Selon le New York Times, Nelson aurait « des raisons de croire » que les responsables de l’agence spatiale russe Roscosmos n’étaient pas au courant de cette mission menée par le ministère de la Défense de leur pays. En effet, « si l'un d’entre eux était au courant, cela aurait créé des remous à cause des risques qui pèsent sur les astronautes et les cosmonautes de la station spatiale ».

Un « comportement imprudent et irresponsable »

Antony J. Blinken, secrétaire d'État, ajoute que « ce test a jusqu’à présent généré plus de 1 500 débris orbitaux traçables et générera probablement des centaines de milliers d’autres plus petits ».

Il précise que cela engendre des menaces pour l’ensemble des objets spatiaux, mais aussi pour « les intérêts économiques et scientifiques de toutes les nations pour les décennies à venir ». Même s’il n’en parle pas, les enjeux stratégiques et militaires sont également de la partie.

Pour le secrétaire d’État, cet événement « démontre clairement que la Russie, malgré ses affirmations de s’opposer à la militarisation de l’espace extra-atmosphérique, est prête à compromettre durablement de l’espace extra-atmosphérique » à cause de son « comportement imprudent et irresponsable ». Il appelle enfin ses alliés et partenaires à chercher à apporter une réponse à cet acte irresponsable.

Pour l’U.S. Space Command, ce test est un « mépris »

Le général James Dickinson, commandant de l’U.S. Space Command est aussi monté au créneau pour dénoncer cet acte qu’il considère comme un « mépris délibéré pour la sécurité, la sûreté, la stabilité et la durabilité à long terme du domaine spatial pour toutes les nations ».

Il va plus loin : « La Russie développe et déploie des capacités pour refuser activement l'accès et l'utilisation de l'espace par les États-Unis ses alliés et partenaires ». Il ajoute que ce test « démontre clairement que la Russie continue de rechercher des systèmes d'armes » offensives. 

La Russie marche sur des œufs et fait profil bas

Du côté de la Russie, la communication est plus feutrée. Roscosmos s’est fendu d’un communiqué pour le moins laconique dans lequel l’Agence ne parle pas d’un tir de missile et de la destruction d’un de ses satellites. Elle met l’accent sur la coopération « fiable […] depuis de nombreuses décennies » avec ses partenaires internationaux

Roscosmos ajoute qu’« assurer la sécurité de l’équipage [de la Station spatiale internationale] a toujours été et reste [sa] priorité absolue » : « L’engagement envers ce principe est une condition sous-jacente à la fois dans la fabrication d’équipements spatiaux russes et dans le cadre de son exploitation ».

Elle brosse enfin dans le sens du poil, affirmant être « convaincue que seuls les efforts conjoints de toutes les nations spatiales peuvent assurer la coexistence et les activités les plus sûres possibles dans l’espace ». Un beau discours, tout de même bien entaché par le lancement d’un missile détruisant un satellite à 500 km d’altitude.

L’astronaute américain Mark T. Vande Hei préfère y voir du positif : cette mesure d’alerte « était certainement un excellent moyen de créer des liens ». Quatre astronautes viennent d’arriver dans l’ISS, à bord de Crew-3.

Petit débris, mais gros dégâts

Quoi qu’il en soit, le mal est fait et de nouveaux débris spatiaux se trouvent inévitablement dans l’espace. Les risques sont importants car, lors d’une collision, la vitesse d’impact moyenne est de 36 000 km/h : « même les collisions avec un petit morceau de débris impliqueront une énergie considérable », explique la NASA.

Un exemple : un impact sur une des vitres de la Cupola (coupole) sur l'ISS a été causé par « un flocon de peinture ou un petit fragment de métal pas plus grand que quelques millièmes de millimètre de diamètre ».

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