Le dur combat d’un photographe pour obtenir les données d'un compte Instagram

Mets ta donnée
Droit 5 min
Le dur combat d’un photographe pour obtenir les données d'un compte Instagram
Crédits : Risto0/iStock/ThinkStock

Régulièrement accusé de viol et autres agressions sexuelles par un pseudonyme sur Instagram, propriété de Méta (Facebook), le photographe Fabrice Meuwissen réclame du géant américain les données associées à ce compte. Une demande qui se transforme aujourd’hui en combat devant les juridictions civiles.

« Nous avons entamé un travail avec des plateformes comme Facebook qui a choisi la France pour lancer un fonds doté d’1 million d’euros en faveur du civisme et contre la haine, et qui a accepté la présence en son sein de régulateurs et juristes français pour améliorer certaines pratiques ».

En 2017, au dîner du CRIF, ce coup de chapeau du chef de l’État à l’attention de l'entreprise devenue Meta contrastait avec son coup de poing à l’attention d’un autre réseau social, « Twitter, pour citer les mauvais exemples, qui attend des semaines, quand ça ne l’est des mois, pour donner les identifiants qui permettent d’aller lancer les procédures judiciaires contre ceux qui ont appelé à la haine, au meurtre ». 

En 2019, le même Facebook s’engageait « à fournir les adresses IP que lui demandera la justice », dixit un proche de Cédric O. Au même moment, dans l’agenda de l’Élysée, se multipliaient les photos et échanges entre le locataire du Palais et Mark Zuckerberg. 

Des signalements restés sans réponse

Seulement, entre le discours politique et la réalité judiciaire, le « gap » est parfois important, comme ne cesse de le répéter Frances Haugen, au fil de sa tournée mondiale.

Avec son assignation adressée le 20 septembre 2021, le photographe Fabrice Meuwissen s’est engagé dans un bras de fer avec Facebook France et Facebook Ireland en référé. Il espère obtenir des données lui permettant de remonter à la source de dénonciations qu’il juge pour le moins calomnieuses.

Voilà plus d’un an qu’il se plaint d’être la cible d’attaques publiques ou privées. « Travailler avec lui c’est cautionner le viol sur les shoots. Honte à vous », « Tu sais que tu travailles avec un harceleur et un violeur ? », etc. Voilà quelques-uns des messages qu’un compte pseudonymisé sur Instagram distille à ses propres clients et connaissances professionnelles. Des messages privés où il est dépeint comme agresseur sexuel, voire un violeur. Autant de faits pour lesquels Fabrice Meuwissen n’a jamais été condamné ni même poursuivi.

Les signalements adressés à Facebook et Instagram sont restés pour l’heure sans réponse. Son avocat, Me Olivier Iteanu, sait évidemment que ces intermédiaires ont l’obligation de conserver les données permettant l’identification des utilisateurs. Et il compte bien en obtenir copie.

Données de contenants, données de contenus

Nom, prénom, adresse postale, adresse de messagerie électronique, numéros de téléphone, adresses IP de connexion lors de la création du compte et pour toutes les connexions… Dans l’assignation, il réclame communication de l’ensemble des données dites de connexion, plaidant le « motif légitime » de l’article 145 du Code de procédure civile, un risque de dépérissement des preuves et la compétence des juridictions françaises et l’absence de contestation sérieuse.

Pour connaître l’étendue des personnes contactées, il souhaite même la copie de tous les messages adressés depuis août 2020 à tous les utilisateurs d’Instagram par le compte mis à l’index. Ces messages seraient d’abord mis sous scellés, puis triés par huissier en présence du photographe et des représentants de Facebook. Seuls ceux concernant Meuwissen lui seraient transmis.

Une audience de référé était organisée mardi 16 novembre devant le tribunal judiciaire de Paris. Le grand jour attendu par le photographe ? Pas vraiment. Le magistrat, déjà bien occupé par une quarantaine de dossiers à ausculter au même moment a préféré renvoyer au 1er décembre.

Facebook refuse de transmettre les informations réclamées

Il faut dire que dans cette procédure contradictoire, le bon élève Facebook/Instagram n’est pas vraiment enclin à fournir les informations demandées, pas même les IP du compte Instagram qui pourrit la vie du photographe.

Celui-ci a déjà déroulé une longue liste de « contestations sérieuses », que Me Itéanu espérait absentes des échanges. Le réseau social considère par exemple que les données de connexion sollicitées ne sont plus communicables dans le cadre d’une telle procédure civile.

Cette impossibilité serait consécutive à l’entrée en vigueur de la récente loi relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement. Corrigeant le régime de la conservation comme la communication de ces métadonnées, cette législation est la queue de comète d’une série de jurisprudences européennes et au Conseil d’État

Pour Facebook, la conservation et surtout la communication de ces précieuses données de connexion seraient réservées aux seules fins de lutte contre la criminalité ou la délinquance grave outre la prévention des menaces graves contre la sécurité publique. Bref, au haut du panier du droit pénal ou du Renseignement…mais sûrement pas aux basses procédures civiles.

La transmission des messages ? Aucune base légale ne l’autoriserait, oppose encore Facebook, outre que l’obligation de conservation des données ne concerne que les données de contenants, jamais celles de contenus.

Une telle communication viendrait tour à tour heurter le sacro-saint RGPD, le secret des correspondances, le respect de la vie privée du titulaire de compte mais également des tiers en contact avec lui. Bref, une myriade de piliers protégés par les textes fondateurs.

La plateforme félicitée par l’Élysée considère au surplus que la loi française de 2004 sur la confiance dans l’économie numérique ne lui est tout simplement pas applicable.

Ce n’est pas tout. La plainte pour harcèlement « en meute » déposée auprès du procureur de la République de Toulouse empêcherait de poursuivre la procédure de référé devant le juge civil. Et sur sa lancée, Facebook conteste tout autant l’existence d’une quelconque « urgence » dans cette procédure.

Ce n’est qu’à titre « très subsidiaire » que la société basée en Irlande serait prête à communiquer quelques données, pour autant qu’elles soient limitées aux seuls nom et adresse email, numéro de téléphone du compte et aux date, heure et adresses IP correspondant au moment de la création du compte et des connexions récentes.

À titre principal, le géant du web demande avant tout la mise hors de cause de Facebook France. Il estime que le tribunal judiciaire devrait se déclarer incompétent pour renvoyer le photographe devant les juridictions irlandaises…. à 1 744 Km de Toulouse.

Vous n'avez pas encore de notification

Page d'accueil
Options d'affichage
Abonné
Actualités
Abonné
Des thèmes sont disponibles :
Thème de baseThème de baseThème sombreThème sombreThème yinyang clairThème yinyang clairThème yinyang sombreThème yinyang sombreThème orange mécanique clairThème orange mécanique clairThème orange mécanique sombreThème orange mécanique sombreThème rose clairThème rose clairThème rose sombreThème rose sombre

Vous n'êtes pas encore INpactien ?

Inscrivez-vous !