Dans son nouveau projet de loi, le gouvernement étend le cadre de l’état d’urgence sanitaire, mais également le régime de sortie de ce cadre au 31 juillet 2022. L’exigence du passe sanitaire, qui devait prendre fin le 15 novembre, est repoussée à la même date, soit au-delà de l’élection présidentielle.
Il y a eu tour à tour…
- la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 (23 mars 2020),
- la loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions (11 mai 2020),
- la loi organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire (9 juillet 2020)
- la loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire (14 novembre 2020)
- la loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire (15 février 2021)
- la loi relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire (31 mai 2021 )
- la loi relative à la gestion de la crise sanitaire (5 août 2021)
- la loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire dans les outre-mer (11 septembre 2021)
... Mais la liste n'est toujours pas exhaustive. Le gouvernement a déposé hier en fin de journée un nouveau projet de loi, « portant diverses dispositions de vigilance sanitaire ». C'est même le onzième en comptant les deux textes retirés.
Un document enregistré sur le site de l’Assemblée nationale dans un « contexte encore très incertain », où, « face au risque de voir émerger un nouveau variant, une grande vigilance s’impose ». Voilà résumés et extirpés de l’étude d’impact, les motifs de ce dépôt.
La situation se serait certes améliorée depuis la fin des vacances d’été :
« Ainsi, sur la semaine glissante du 28 septembre au 4 octobre 2021, le ralentissement de la circulation du virus se poursuit pour la septième semaine consécutive, avec un taux d’incidence national s’établissant à 46 cas pour 100 000 habitants, en baisse de 17% par rapport à la semaine précédente. La tension hospitalière tend également à s’alléger, avec une diminution des nouvelles hospitalisations comme des admissions en soins critiques. Au 7 octobre 2021, on dénombrait 6 964 patients infectés en cours d’hospitalisation, dont 1 213 en unités de soins critiques ».
Néanmoins, selon les régions, elle demeurerait hétérogène, selon le gouvernement, qui cite un taux d’incidence variant de 84 cas pour 100 000 habitants en Provence-Alpes-Côte d’Azur à 24 pour la Normandie.
« La tension hospitalière se maintient également dans certaines régions : au 5 octobre, en métropole, l’indicateur de tension sur les lits soins critiques liés aux patients COVID est le plus élevé en Provence-Alpes-Côte d’Azur (41%), Île-de-France (26%) et en Occitanie (22%) ». Sans oublier l’outre-mer où la couverture vaccinale est plus faible.
Prorogation du cadre de l'état d'urgence jusqu’au 31 juillet 2022
Le projet vient dans ses premières dispositions étendre une nouvelle fois l’état d’urgence sanitaire que la loi du 23 mars 2020 instituait initialement pour une durée de deux mois à compter de son entrée en vigueur.
Depuis ce 23 mars, les délais ont donc été reportés, étendus, prorogés, alternant mesures d’assouplissements et nouveaux tour de vis, avec couvre-feux, isolements, et confinement, sans oublier d’inévitables contrôles, et sanctions de plus ou en plus lourdes.
Le gouvernement veut cette fois étendre au 31 juillet 2022 le cadre de la fin de l’état d’urgence sanitaire, celui-là même qui devait s’achever le 31 décembre 2021 selon les derniers textes en vigueur.
Craignant de nouveaux variants, l’étude d’impact assure qu’il est fondamental de ne « pas se priver pour les prochains mois de la capacité à réagir rapidement en cas de nouveau risque épidémique, étant considéré que ce risque demeure réel à court comme à moyen terme ». Il faut, insiste le gouvernement « ne pas désarmer prématurément nos outils de gestion de crise, dont l’efficacité a été démontrée ».
Compte tenu du fait que la mise en œuvre des mesures pourra être modulée selon les périmètres géographiques selon les situations locales, « ce report ne se heurte à aucun obstacle d’ordre juridique », commente le Conseil d’État, saisi pour avis.
Les Français devront donc s'accoutumer à ce plan Vigipirate sanitaire qui s’incruste plus durablement dans notre droit.
Prorogation du régime de sortie d’état d’urgence
Ce régime de sortie est parallèle. Il s’applique là où, sur le territoire, l’état d’urgence sanitaire n’est plus activé. L’idée ? « Aménager (…) un allègement graduel des restrictions visant à limiter le risque de reprise épidémique tout en favorisant la reprise des activités », rappelle le Conseil d’État.
Avec lui, le Premier ministre peut décider d’une interdiction de la circulation des personnes, des restrictions à la liberté de réunion, aux activités ou à l’ouverture des établissements selon la situation sanitaire.
Pour justifier son avis, là aussi positif, le Conseil d’État relève que « la pression sur le système de soins continue de diminuer », mais, en symbiose avec le gouvernement, il juge la situation « préoccupante, en termes d’incidence et de pression sur le système de soins, dans certains territoires d’outre-mer ». Pour l’hexagone, il a en tout cas été convaincu par ses arguments, ceux évoquant « un risque de rebond épidémique élevé ».
« Bien qu’ayant atteint un niveau élevé, à 75 % en population générale et à 90 % pour les personnes de plus de 60 ans, [la] couverture vaccinale ne permet pas d’atteindre un éventuel seuil d’immunité collective », insiste son avis, sans compter l’importance de « la probabilité d’une circulation accrue du virus au cours de la période hivernale à venir ». Quid de l'hiver 2022 ou 2023 et au-delà ?
L'échéance du passe sanitaire repoussée aussi au 31 juillet 2022
Au passage, l’échéance spécifique du passe sanitaire est également repoussée, cette fois du 15 novembre au 31 juillet 2022 là encore.
Pour le gouvernement, « le choix de cette échéance se justifie par le besoin de pouvoir activer en tant que de besoin des mesures de freinage permettant de maintenir durablement l’activité économique et sociale de notre pays en dépit d’un risque avéré de nouvelle vague épidémique, à court comme à moyen terme, ainsi qu’en attestent les scientifiques ».
Pour faire bonne mesure, l’exécutif prévoit de présenter au Parlement, au plus tard le 28 février 2022, un rapport listant les mesures prises durant la période, « et précisant les raisons du maintien de celles qui seront le cas échéant en application à cette date ».
Le Conseil d’État considère que ce texte opère finalement « une conciliation qui n’est pas par elle-même contraire à la Constitution des nécessités de la lutte contre l’épidémie avec la protection des libertés fondamentales reconnues à tous ceux qui résident sur le territoire de la République ».
Lutte contre la fraude
Le texte accentue également la lutte contre la fraude au passe sanitaire. Ainsi, sera sanctionné d’une amende de quatrième classe « le fait de transmettre à un tiers, en vue de son utilisation frauduleuse, un passe sanitaire authentique ». Une peine identique au fait d’entrer dans un lieu sans ce document ou avec un vrai passe appartenant à autrui.
Par contre, « le fait de commettre, utiliser, procurer ou proposer de procurer un faux passe sanitaire serait puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ».
L’extension de ces mesures dans le temps impliquera aussi celle de mise en œuvre des systèmes de traitement des données de santé, « Contact Covid » et « SI-DEP » jusqu’au 31 juillet 2022. Une extension justifiée, selon le Conseil d’Etat « par la situation épidémiologique actuelle et par ses perspectives d’évolution à moyen terme ».
Ces données sont évidemment susceptibles d'évoluer selon les débats parlementaires, d'abord à l'Assemblée nationale puis au Sénat et enfin en Commission mixte paritaire.