Depuis quelques mois, le tarif de l'énergie s'envole. Une situation qui a des conséquences inattendues puisque certains fournisseurs d'électricité ont tout simplement décidé de ne plus accepter de nouveaux clients, d'arrêter leur service ou... de revoir eux aussi leur tarification à la hausse.
Selon les chiffres de RTE, l'année dernière à cette même époque, le MWh d'électricité était vendu en moyenne à 34,85 euros en France, entre 27,07 euros et 51,66 euros dans d'autres pays du continent européen. Aujourd'hui, nous sommes à 149,14 euros le MWh en France, contre 103,88 euros le 1er septembre, 45,02 euros le 1er mars.
Une multiplication par 4,3 des prix qui date du début de l'été mais qui est presque passée inaperçue pour les clients, notamment ceux qui bénéficient du tarif réglementé (TRVE). C'est principalement ce qui est à l'origine des hausses annoncées et des mesures de lissage mises en place par le gouvernement le 1er octobre.
Mais pour les fournisseurs d'électricité, notamment ceux qui affichaient des tarifs faibles pour attirer les clients, cette situation est vite devenue intenable. Au point que certains jettent l'éponge ou se mettent en pause.
E.Leclerc énergies met ses clients dehors
Pour E.Leclerc énergies, cette fin d'année 2021 devait être l'occasion de faire évoluer son offre. Plutôt que de se baser sur le tarif réglementé en remboursant 20 % de la facture en « Tickets Leclerc » à ses clients, l'entreprise devait passer à une tarification dynamique « à prix coûtant » annonçait-elle fin juillet.
Le tarif du MWh avait déjà été multiplié par plus de deux, ce qui explique sans doute cette décision. Les clients avaient 90 jours pour se pré-inscrire ou changer de fournisseur, la date butoir était fixée au 15 octobre.
Entre juillet (à gauche) et septembre (à droite) : un sérieux changement de ton
Mais voilà, entre temps, les tarifs de l'électricité ont continué de grimper, ce qui aurait poussé l'entreprise à se lancer avec des tarifs très élevés, bien plus que certains concurrents et que le tarif réglementé. Fin septembre, elle prévenait donc ses clients : « Dans un contexte de hausses exceptionnelles des prix de l'électricité sans précédent, nous avons pris la décision de reporter la mise en place de cette offre à une période plus favorable à votre budget. Nous considérons en effet que la défense de votre pouvoir d'achat est notre priorité ».
Comprendre : Souscrivez ailleurs pour le moment, cela vaut mieux pour vous. Les clients étaient renvoyés au comparateur du médiateur de l'énergie et se voyaient même offrir 50 euros de « Tickets Leclerc » s'ils changeaient de crèmerie avant le 8 octobre. De son côté, E.Leclerc énergies veut « finaliser des outils de pilotage pensés pour intégrer ces nouveaux risques et garantir une maîtrise personnalisée de votre consommation sans aucun risque pour votre budget [...] Dans cette situation hors normes mais amenée à se reproduire ».
Hausse des prix et mise en pause des souscriptions
Et ils n'ont pas été les seuls. D'autres ont opté pour la hausse de leurs tarifs comme Mint énergie, qui a depuis fait l'objet de nombreuses critiques sur les réseaux sociaux, notamment suite à la migration de clients sur une offre « Flex », indexée sur les prix du marché. Désormais, l'offre de base (3 kVA) s'affiche entre 0,2 et 0,25 euro du kWh.
Sur Twitter, le compte officiel s'explique :
« Nous sommes contraints d'augmenter nos tarifs pour suivre l'évolution du prix de l'électricité sur le marché. Depuis plusieurs mois toutes les matières premières voient leur prix augmenter : le prix de l’électricité n’y échappe pas. Nous en sommes évidemment pas ravis et nous espérons que la situation se résolve rapidement afin que nous puissions retourner à nos prix habituels malheureusement en attendant nous ne pouvons pas faire autrement et nous nous en excusons. »
Chez Green Yellow (groupe Casino) qui promettait jusqu'à 15% de remise sur le TRVE avec un boîtier et une application pour son Pack Suivi Energie, la stratégie a tout simplement été de... couper les souscriptions. Il y a quelques jours encore, les clients étaient renvoyés à un numéro de téléphone (appel local). Mais au bout du fil, un automate finissait toujours par couper la communication. On le voit encore à certains endroits du site.
Désormais, la souscription renvoie néanmoins à un message similaire à celui de E.Leclerc énergies :
« Retrouvez prochainement notre nouvelle offre d'électricité verte GreenYellow. Avec GreenYellow Energie, faites de vraies économies sur votre facture d'électricité. Profitez d'une énergie 100% verte ! »
Il n'est donc plus possible de souscrire. Nous avons effectué des simulations chez d'autres fournisseurs comme Ohm énergie (-11 % du TRVE), la première date de mise en service proposée est le 10 janvier 2022 :

Les offres à petit prix montrent leurs limites
Une situation qui montre bien le problème avec le modèle actuel des fournisseurs d'énergies qui promettent systématiquement des tarifs moins élevés que le tarif réglementé alors qu'ils opèrent sur un marché libre : tout se passe bien quand les prix sont bas, mais la situation devient problématique en cas de hausse subite.
Reste maintenant à voir comment la situation va évoluer. Certains pourront se permettre d'encaisser cette période difficile pour ne pas perdre de clients, d'autres devront revoir leurs tarifs à la hausse rapidement ou disparaître, au risque là aussi de voir leur clientèle partir ailleurs ou se réfugier derrière les tarifs réglementés d'EDF.
La question que tout le monde va être amené à se poser est d'ailleurs ce qu'il se serait passé si cette « protection » du fournisseur historique n'existait pas, et si chacun avait dû voir ses tarifs suivre la tendance du marché. Comme le rappelle l'UFC Que-choisir, l'un des enjeux pour les fournisseurs sera l'accès aux quotas de l'Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique (ARENH), les demandes devant être formulées d'ici la mi-novembre.
Ces derniers permettent aux fournisseurs un accès garanti à l'énergie produite par le parc nucléaire français, à des tarifs fixés à l'avance, pouvant être attractifs par rapport au marché (100 TWh par an à 42 euros par MWh actuellement). Ils expliquent d'ailleurs en partie que certains résistent mieux que d'autres à la hausse actuelle.
« Si le gouvernement se décidait enfin à augmenter le plafond du volume d’ARENH à 150 TWh, ce bénéfice pour les consommateurs serait tangible, puisque cela réduirait considérablement l’augmentation du TRVE début 2022 : selon nos calculs, elle serait alors de 1,5 % TTC » commente l'UFC. La balle est dans le camp de Jean Castex et ses équipes.
Pour rappel, Emmanuel Macron doit d'ailleurs évoquer demain des annonces sur le plan d’investissement « France 2030 » qui vise notamment à renforcer le parc nucléaire français en complément du soutien apporté ces dernières années aux énergies renouvelables, et ainsi favoriser notre indépendance énergétique.