Au tribunal judiciaire de Paris, pluie de décisions contrastées sur les locations Airbnb

Paris, c'est pas fini

Au tribunal judiciaire de Paris, pluie de décisions contrastées sur les locations Airbnb

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Le 29 septembre, le tribunal judiciaire a rendu plus d’une vingtaine de jugements où la ville a attaqué autant de particuliers et autres SCI, un peu trop habitués à louer leurs biens sur les plateformes en ligne. Des dossiers où la Ville de Paris n’est pas toujours ressortie victorieuse. Explications.

La Ville de Paris sait le dossier sensible. « La location meublée touristique, à la nuit ou à la semaine essentiellement, s’est particulièrement développée à Paris, notamment du fait de l’augmentation des offres via internet, au détriment du parc de résidences principales » souligne-t-elle sur sa page dédiée.

« Dans certains arrondissements parisiens (notamment dans le centre et l’ouest), les locations meublées touristiques peuvent représenter jusqu’à 20% de l’offre locative globale ». D’où sa volonté de se mobiliser depuis plusieurs mois.

Le régime en vigueur est à retrouver aussi bien dans le Code de la Construction et de l'habitation que le Code du tourisme. En effet, au fil des réformes récentes, les cadenas législatifs et réglementaires se sont resserrés sur les locations Airbnb et autres formules de location de courtes durées, à mesure que ces services se sont popularisés.

Ainsi, à Paris et dans les villes de plus de 200 000 habitants, lorsqu’un propriétaire loue trop souvent un local d’habitation sur Airbnb, il doit en principe obtenir une autorisation des services de la municipalité, son meublé ayant changé de « destination », avec ce pied sur le terrain de la commercialité.

Le dernier alinéa de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation prévient en effet que basculer une location meublée à une usine à locations de courte durée équivaut à un changement d’usage. Plus précisément, constitue un tel changement, la location d’un meublé destiné à l’habitation de manière répétée, pour de courtes durées de quatre et six mois, à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.

Et attention aux resquilleurs : l'article L.651-2 du même code menace d’une amende civile de 50 000 euros ceux qui ne se conformerait pas à cette obligation. Mieux encore, la justice peut en sus ordonner le retour du local à un usage d’habitation, assortir cette réhabilitation d’une astreinte d'un montant maximal de 1.000 euros par jour et mètre carré utile, (où le produit est intégralement versé à la commune). Elle peut aussi procéder à l’expulsion des occupants et à l’exécution des travaux nécessaires, le tout… aux frais du contrevenant.

Seulement, dans plus d’une vingtaine de jugements rendus le 29 septembre dernier, dont nous avons obtenu copie de nombre d’entre-eux, le tribunal judiciaire a rappelé à la Ville de Paris que cette mécanique judiciaire n’était pas aussi automatique.

Deux conditions, la charge de la preuve sur la Ville de Paris

Il faut d’une part, démontrer qu’il y avait à l’origine un local à usage d’habitation et d’autre part qu’il y a eu par la suite un changement illicite, a souligné la juridiction sous une plume très pédagogique.

Pour la première condition, elle a retracé qu’un local sera par défaut réputé être à usage d’habitation, s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sachant que cette preuve est libre et peut être apportée par tout moyen. Toutefois, l’article 9 du Code de procédure civile pose qu’ « incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». En conséquence, il revient à la mairie de Paris de prouver que le local avait bien cet usage d’habitation aux portes de l’année 1970.

La seconde condition concerne l’absence d’autorisation dans le changement d’usage au profit d’un local loué « de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile ». Ce principe ainsi posé connaît toutefois plusieurs exceptions dans le Code de la construction et de l’habitant. Sont autorisées les locations saisonnières d’une résidence principale pour une durée inférieure à 4 mois ou encore les locations meublées d’une résidence principale.

Plus d’une vingtaine de décisions rendues le même jour

Dans plusieurs des décisions rendues le 29 septembre, si le tribunal judiciaire a estimé que le logement litigieux n’était pas une résidence principale, il a relevé cependant qu’aucune pièce fiscale ne permettait de déduire l’usage des lieux au 1er janvier 1970.

Et puisque cette preuve n’a pas été démontrée par la ville de Paris, impossible pour elle de dénoncer un changement d’usage, et tout autant impossible d’obtenir une amende civile de 50 000 euros ou d’ordonner la réhabilitation des locaux.

Dans d’autres décisions, la même juridiction a au contraire jugé que la preuve de l’usage d’habitation au 1er janvier 1970 était établie, et ce à l’aide notamment de la fiche fiscale H2, utilisée pour déclarer une construction nouvelle s'il s'agit d'un appartement.

Cette fois, il a infligé des amendes de 30 à 45 000 euros aux contrevenants, en s’appuyant parfois sur les avis laissés sur la plateforme AirBNB par les locataires de passage, outre les relevés de réservations que celle-ci a fournis.

Dans certains dossiers, les contrevenants ont tenté, vainement, de démontrer que le logement était leur résidence principale, afin de bénéficier de l’exception prévue par le Code.

Attention aux obligations de déclaration

Relevons également une dernière affaire où une SCI a échappé aux foudres de l’article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation (l’amende de 50 000 euros, maximum) mais non à une autre disposition, l’article L.324-1-1 du Code du tourisme.

Celle-ci concerne spécifiquement les meublés de tourisme (« villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois »).

Entre octobre 2018 et juin 2019, cette société civile immobilière avait loué pour de courtes durées un appartement dans le 18e arrondissement parisien. Cependant, elle ne s’était pas inscrite auprès de la ville comme locataire meublée comme l’oblige le Code du tourisme.

Certes, le code prévoit que la déclaration préalable n'est pas obligatoire quand le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, mais l’exception saute lorsque la ville décide d’étendre cette formalité, ce qu’a fait Paris en juillet 2017.

Un agent assermenté est donc venu constater sur place que, photo à l'appui, « le local visité correspond[ait] à l'annonce de location sur le site Airbnb », outre que sur airbnb.fr, l'appartement comportait 41 commentaires de touristes.

La SCI a eu beau affirmer « avoir prêté gracieusement l'appartement litigieux à des personnes proches et avoir donné l'appartement en location de manière occasionnelle sans recourir à des sites de location meublée tels que Airbnb », les juges n’ont pas été bien convaincus par ce faible argumentaire.

Finalement, le tribunal l’a sanctionnée d’une amende de 5 000 euros, en prenant en compte « sa mauvaise foi », « son attitude peu coopérative » ainsi que « du revenu généré par les locations de l'appartement ».

Commentaires (11)


5000 euros ce n’est pas beaucoup, ça reste rentable.


T’as oublié un zéro.


Hugues1337

T’as oublié un zéro.


T’as oublié de lire l’article jusqu’au bout :windu:



Sinon effectivement pas vraiment dissuasif. Dans l’absolu même 50k (qui seront probablement jamais atteins de toute façon) pour quelqu’un qui aurait sévèrement abusé (plusieurs apparts) ça reste un risque mesuré (quelques mois d’activité perdu).


C’est pas 50.000€ par bien ?
Donc celui qui triche avec 5 apparts, 250k€ max ?



Cette fois, il a infligé des amendes de 30 à 45 000 euros aux contrevenants




Afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, on parle bien d’amendes allant de 30 000 à 45 000 € (personne n’a eu d’amende de 30 €) ?


Pourquoi meubler quand on peut hourdir…
L’obstination à ne pas profiter des moults avantages déclaratifs accordés par les municipalités est étonnant.



(quote:article)
elle a retracé qu’un local sera par défaut réputé être à usage d’habitation, s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970




Ah, une administration qui utilise le temps POSIX :D



J’ai quitté un appartement parisien cette année, le propriétaire vendait. Le loyer même à 100% d’occupation est loin de couvrir le montant d’achat, même avec un prêt de 25 ans, et sans compter les charges de copro et les impôts.



On comprend bien que les propriétaires fassent de la courte durée.



JCLB a dit:


Ah, une administration qui utilise le temps POSIX :D



J’ai quitté un appartement parisien cette année, le propriétaire vendait. Le loyer même à 100% d’occupation est loin de couvrir le montant d’achat, même avec un prêt de 25 ans, et sans compter les charges de copro et les impôts.



On comprend bien que les propriétaires fassent de la courte durée.




Paris est surtout un marché immo très particulier. Il n’est quasiment jamais intéressant d’acheter, malgré les loyers super élevés. Quand tu as 3% de rentabilité brute tu es déjà content :D



JCLB a dit:


J’ai quitté un appartement parisien cette année, le propriétaire vendait. Le loyer même à 100% d’occupation est loin de couvrir le montant d’achat, même avec un prêt de 25 ans, et sans compter les charges de copro et les impôts.




Peut être qu’il l’a payé trop cher…


Je parle du prix de la vente de cette année


‘la justice peut en sus ordonner le retour du local à un usage d’habitation, assortir cette réhabilitation d’une astreinte d’un montant maximal de 1.000 euros par jour et mètre carré utile’ : Un appartement de 60 m2 = 60k€ par jour ! ça fait cher l’astreinte par rapport à l’amende de 50k max…


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