Après des années de promesses de la part de l’industrie, la Commission européenne a opté pour la voie du droit « dur » : la présentation d’une proposition de directive afin d’imposer chargeur et même un port harmonisé, à savoir l’USB Type-C.
« Je suis très heureux de constater que l'industrie est parvenue à un accord, qui simplifiera la vie des consommateurs. Ils pourront recharger n'importe où leur portable grâce au nouveau chargeur universel ». Voilà les paroles réjouissantes du commissaire européen à l'Industrie, Günther Verheugen prononcées… en 2009.
En 2010, plus d’une dizaine de fabricants de smartphones s’accordaient pour uniformiser les chargeurs autour du Micro-USB. Ce protocole d’accord, par deux fois renouvelé, a cependant expiré en 2014.
Un nouvel accord fut bien proposé quatre ans plus tard, mais il n’a pas vraiment séduit l’institution bruxelloise puisqu’il n’aboutissait pas à une solution de charge universelle.
2021. La Commission concède que « le protocole d’accord a permis de réduire la fragmentation du marché et de parvenir à un alignement presque mondial. Sa mise en oeuvre a permis de réduire de trente à seulement trois le nombre de solutions de recharge pour téléphones mobiles ».
Cependant, sa patience a désormais atteint ses limites puisque ce protocole autorisait également « l’utilisation d’interfaces de charge propriétaires, et une solution de ce type a continué d’être utilisée (et l’est toujours) par un grand fabricant de téléphones mobiles ». Les regards ne peuvent que se tourner vers Cupertino, où Apple persiste à équiper ses iPhone de port Lightning.
Autre souci, « il n’a jamais abordé les problèmes environnementaux découlant de la persistance de ces différentes interfaces de charge et de ces différents protocoles de communication pour la charge ».
Après des milliards d’euros et des tonnes de déchets, le temps des mesures législatives
Elle vient en conséquence de présenter une proposition de directive afin de faire un ménage plus sévère dans la lignée de la résolution du Parlement européen de janvier 2020.
Pour la commissaire Margrethe Vestager, en effet, « le temps est désormais venu de prendre des mesures législatives en faveur d'un chargeur universel. Il s'agit d'un gain important pour nos consommateurs et notre environnement, conforme à nos ambitions écologiques et numériques. »
Les conséquences économiques de ces 10 années d’attentisme sont lourdes. Selon les études menées par la Commission, « en 2020, environ 420 millions de téléphones mobiles et d'autres appareils électroniques portatifs ont été vendus dans l'UE. En moyenne, les consommateurs possèdent environ trois chargeurs pour téléphone mobile et en utilisent deux régulièrement. Malgré cela, 38 % des consommateurs déclarent avoir rencontré au moins une fois le problème de ne pas pouvoir recharger leur mobile parce que les chargeurs disponibles étaient incompatibles ».
Une situation qui génèrerait un coût non neutre : les consommateurs européens dépenseraient 2,4 milliards d'euros par an « pour des chargeurs indépendants qui ne sont pas vendus avec leurs appareils électroniques ». Outre que ces produits enfantent « jusqu'à 11 000 tonnes de déchets électroniques par an ».
Les objectifs de la directive
Que prévoit cette proposition de directive ? Déjà, elle veut prévenir la fragmentation du marché, mis en exergue par plusieurs analyses d’impact, afin d’assurer une harmonisation des interfaces.
La Commission entend également garantir « que ces appareils, lorsqu’ils permettent une recharge rapide, intègrent au moins le même protocole de communication pour la charge »
Elle veut aussi « une harmonisation future dans ce domaine en fonction de l’évolution technologique, y compris l’harmonisation de tout type de charge autre que la recharge filaire »
Le texte introduit encore « des exigences tendant à ce que les utilisateurs finals ne soient pas obligés d’acheter un nouveau dispositif de recharge à l’achat d’un nouveau téléphone mobile ou d’un équipement radioélectrique analogue »
Enfin, la proposition « introduit des exigences visant à ce que, lors de l’achat d’un téléphone mobile ou d’un équipement radioélectrique analogue, les utilisateurs finals reçoivent les informations nécessaires sur leurs caractéristiques en matière de charge et sur le dispositif de recharge qui peut être utilisé ».
Téléphones, tablettes, APN, casques, consoles, enceintes portatives
Dans le détail, la proposition de directive vient modifier une précédente directive de 2014 concernant la mise à disposition sur le marché d'équipements radioélectriques.
Elle instaure pour les téléphones mobiles, tablettes, appareils photographiques numériques, casques d’écoute et casques-micro, consoles de jeux vidéo portatives et enceintes portatives l’obligation de permettre une recharge par connecteur femelle USB-C. Un texte qui ne se limite donc pas aux seuls smartphones.
Ce plaidoyer en faveur de ce port s’explique parce que cette « technologie (…)a été adoptée au niveau des instances internationales de normalisation et a été transposée dans le système européen par le Comité européen de normalisation électrotechnique (Cenelec) dans le cadre de la série de normes européennes EN IEC 62680-15 », dixit l’exposé des motifs.
Des produits devront être proposés sans chargeur
L’article 3Bis de la directive est tout aussi ambitieux : quand un fabricant proposera à la vente un équipement relevant des catégories de produits concernés, accompagné d’un chargeur, il devra « offrir la possibilité d’acheter l’équipement en question sans aucun dispositif de recharge ».
Une telle liberté de choix devrait permettre aux consommateurs d’utiliser un chargeur déjà en possession, sans risque d’accumulation de produits inutiles.
À cette fin, explique cette page de Questions et Réponses, les vendeurs auront l’obligation de fournir les informations « sur les spécifications relatives aux capacités de chargement et au dispositif de recharge » pour que les acheteurs puissent jauger les compatibilités (informations sur la puissance maximale nécessaire pour une charge optimale de l'appareil et des informations sur le protocole de recharge «rapide» universel et tout autre protocole de recharge rapide pris en charge).
Et maintenant ?
Le texte doit maintenant suivre la suite de la procédure législative européenne, avec l’examen par le Parlement européen et le Conseil. Le texte devra être transposé au plus tard dans les 12 mois suivant son adoption européenne, puis appliqué 12 autres mois plus tard, maximum. En somme, la Commission entend laisser une période de transition de 24 mois au secteur.
Relevons que ce chantier n’est pas le seul puisque la Commission prévoit aussi la révision du règlement sur l’écoconception afin d’assurer l'interopérabilité de l'alimentation électrique externe. Cette révision est programmée « dans le courant de l'année afin que son entrée en vigueur coïncide avec celle de la proposition présentée aujourd'hui ».