Pour lutter contre la mise à disposition de contenus illicites en ligne, le délégué général de l’ALPA, association de lutte contre la piraterie audiovisuelle, s’attend à devoir un jour prochain solliciter les éditeurs de logiciels, OS et navigateurs, avec l’appui de l’Arcom.
Durant une série de conférences au Forum international de la cybercriminalité (FIC) qui se tient actuellement à Lille, Laurent Marcadier, ancien magistrat désormais en charge de la sécurité au sein du groupe LVMH, a évalué le marché mondial de la contrefaçon à 600 milliards de dollars, contre 200 en 2005.
Un marché qui serait derrière celui du trafic de stupéfiants, mais devant le trafic d’armes, d’êtres humains, de bois précieux ou d’animaux protégés. Une « activité criminelle où on risque peu, et on gagne beaucoup », considère-t-il.
Dans le viseur, les plateformes et autres réseaux sociaux, où, plaide-t-il, les responsabilités doivent être alourdies via une série d’obligations de moyens. L’idée ? Les Obliger à filtrer les annonces de contrefaçon. Evidemment, l’avenir esquissé par le Digital Services Act (DSA) retient toutes les attentions à l’échelle européenne où les partisans du tour de vis s’attendent à une bataille d’amendements venus des intermédiaires pour en diminuer l’impact.
Autre vœu du groupe LVMH : une traçabilité des vendeurs, dans la mesure « où les plateformes ne peuvent se désintéresser sur ce qui est en vente » sur leur espace. Reprenant les thèses de l’Unifab, il s’aventure à dresser un pont entre contrefaçon et financement du terrorisme, ce à la veille du procès des attentats du 13 novembre 2015.
En 2016, un rapport de l’Unifab avait déjà actionné ce levier pour réclamer une plus imposante répression des faits de contrefaçon, sans toutefois parvenir à convaincre Bercy.
Trois étapes majeures contre les contrefaçons de films
Raphael Bartlome, en charge du service juridique au sein de l’UFC Que Choisir, a pour sa part considéré qu’avec un secteur devenu de plus en plus complexe, le consommateur se doit de devenir enquêteur sur Internet. Un état des lieux qui tranche avec l’acte de plaisir que constituait le simple achat en ligne.
Comme l’UNIFAB ou LVMH, il plaide pour une obligation de moyen renforcée sur les épaules de plateformes. Soit très exactement le focus du DSA. Frédéric Delacroix, délégué général de l’ALPA, a salué les effets des multiples actions lancées par le monde du cinéma et de la TV, lesquelles seraient responsables de la baisse du piratage en ligne.
Ces actions sont toutes fondées sur l’article L.336-2 du Code de la propriété intellectuelle. Trois étapes majeures sont identifiées par l’ALPA : l’affaire Allostreaming qui a ouvert la voie de cet article adopté lors des débats Hadopi. En 2018, ce fut également l’avènement du déréférencement dynamique dans les moteurs de recherche et enfin, la mise à jour des décisions de blocage par action en référé visant les fournisseurs d’accès à Internet (FAI).
Selon le dernier décompte, 42 jugements ont été rendus sur le terrain du L.336-2, concernant un total de près de 500 sites et 1 300 noms de domaine. Tous les deux mois, par vagues successives, des demandes de blocage sont encore aujourd’hui adressées à la justice par l’ALPA, comme encore ce 7 septembre 2021.
Des actions en cessation contre les OS et les navigateurs ?
Si ces actions « en cessation », dans le jargon, ne concernent que les FAI, le délégué général de l’ALPA esquisse un avenir plus ombrageux, où il faudra tôt ou tard s’adresser à des acteurs étrangers.
Avec un défi : la mise en cause de certains éditeurs de système d’exploitation, voire de navigateurs, pour contribuer à cette guerre contre la mise à disposition de contenus illicites :
« Beaucoup de prestataires se trouvent aux États-Unis. On a actionné certains. Cela a pris des années pour les amener sur notre terrain. L’avenir de nos actions nécessitera de solliciter de nouveaux acteurs, comme les fabricants de systèmes d’exploitation, les navigateurs ou qui vont masquer les DNS. »
Une problématique jugée « à très court terme », où est attendu un appui solide des autorités nationales, en particulier la toute prochaine Arcom, née de la dilution des compétences de la Hadopi au sein du CSA.