Le point sur la redevance copie privée sur les tablettes et téléphones reconditionnés

Le point sur la redevance copie privée sur les tablettes et téléphones reconditionnés

Sous-titre en voie de recyclage

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Marc Rees

Publié dans

Droit

30/08/2021 6 minutes
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Le point sur la redevance copie privée sur les tablettes et téléphones reconditionnés

Selon nos informations recueillies auprès du sénateur Patrick Chaize, la proposition de loi destinée à verdir le numérique « devrait être inscrite en novembre au Sénat ». Un calendrier « sans garantie », tempère l’élu. Le texte est censé blinder juridiquement la perception de la redevance pour copie privée sur les biens reconditionnés.

Et pour cause. Rapide retour en arrière. En 2020, Copie France, la société de perception de cette ponction culturelle gérée par les ayants droit, assignait plusieurs reconditionneurs. Elle leur réclamait des millions d’euros pour l’ensemble des appareils reconditionnés depuis 2015. Surprise du secteur qui n’avait jamais entendu parler d’un tel régime. Jusqu’à présent, on le pensait réservé qu’aux seuls produits neufs afin de compenser la liberté de copier des œuvres reconnue aux particuliers.

Le 1er juin, les mêmes ayants droit faisaient adopter un tarif spécifique au sein de la commission chargée d’établir assiette et taux, la Commission copie privée. Un tarif spécifique pour les smartphones et tablettes en seconde vie.
Pour adoucir les angles, ils optaient pour une réduction de 40 % et 35 % par rapport aux barèmes neufs. Des montants respectivement de 8,40 euros (10,08 € TTC) et 9,10 euros (10.92 € TTC) contre 14 euros pour chaque tablette ou téléphone neuf de plus de 64 Go.

Un sort fixé en novembre ?

Pour les bénéficiaires, malgré tout, la nouvelle est excellente : en plus des millions d’euros réclamés rétroactivement depuis 2015, ce barème leur permet depuis le 1er juillet 2021, date de mise en œuvre du tarif du 1er juin, de percevoir officiellement la fameuse redevance à chaque reconditionnement.

Ainsi, un iPhone de 128 Go par trois fois reconditionnés génèrera 39,2 euros de RCP contre 14 euros lors du précédent régime, celui d’une redevance perçue sur les seuls téléphones neufs.

Pour solidifier l’édifice, les mêmes ayants droit ont pressé les députés, parfois sous la menace, afin de corriger quelque peu la proposition de loi destinée à réduire l’empreinte environnementale du numérique.

Si la version des sénateurs en première lecture excluait explicitement le reconditionné du champ d’assujettissement, les députés ont renversé la logique afin d’encadrer et donc finalement autoriser par la loi cette perception.

C’est donc ce texte que les sénateurs pourraient en novembre prochain examiner en seconde lecture. Avec une alternative : ou bien revenir sur leur version ou bien se plier à celle des députés pour tenter de sauver d’autres dispositions de la proposition de loi.

De multiples contentieux

En attendant, ce déroulement des faits connaît une échappée du côté du Conseil d’État. Après un référé perdu, l’UFC Que Choisir poursuit au fond la contestation du barème du 1er juin. Selon nos informations, les reconditionneurs sont également passés à l’attaque. Au moins deux recours ont été déposés cet été.

Plusieurs arguments pourraient être portés : déjà, la Commission a procédé à un vote alors que sa composition est bancale depuis des mois, du fait de l’absence de plusieurs membres du côté des consommateurs. L’argument suffira-t-il ? Pas si sûr. En 2020, cette lacune avait déjà été attaquée devant la même juridiction administrative. Vainement.

De même, le barème de redevance a été adopté en un temps record. Trop vite ? Alors qu’en principe, les précédents tarifs de perception reposaient sur des études d’usages longues de plusieurs pages, cette fois les ayants droit ont réclamé et obtenu une simili enquête.

L’avantage de ce travail express fut de voter un tarif officiel très rapidement en déterminant les tarifs du reconditionné par simple équivalence avec ceux des téléphones et tablettes neufs. Des barèmes qui, eux-mêmes, avaient été adoptés malgré des réponses insuffisamment parlantes (voir Copie privée : des questionnaires, des « bases faibles », des barèmes quand même). 

Le Conseil d’État exige pourtant de son côté des enquêtes et sondages actualisés régulièrement, avec certes des approximations et des généralisations, mais qui « doivent toujours être fondées sur une étude objective des techniques et des comportements et ne peuvent reposer sur des hypothèses ou des équivalences supposées ».

Autre problème : la question de la solidité du barème voté le 1er juin. Elle se pose toujours puisque la proposition de loi sur l’empreinte environnementale du numérique n’a toujours pas été adoptée. Or, le barème vient frapper des supports « remis » sur le marché quand le droit actuel considère qu’il ne peut y avoir qu’une (1) seule mise sur le marché.

Qu'est-ce qu'un téléphone reconditionné ? 

Sur l’application concrète de la décision du 1er juin d’autres difficultés surgissent. Plusieurs reconditionneurs nous expliquent ne pas comprendre exactement le périmètre des supports entrant effectivement dans le champ de la perception.

Selon le texte publié au Journal officiel, « un téléphone mobile reconditionné permettant d’écouter des phonogrammes ou de visionner des vidéogrammes ou une tablette tactile multimédia reconditionnée au sens de la présente décision est un appareil d’occasion au sens de l’article L. 321-1 du code de commerce qui fait l’objet d’une mise en circulation après avoir subi des tests portant sur ses fonctionnalités afin d’établir qu’il répond aux obligations légales de sécurité et à l’usage auquel le consommateur peut légitimement s’attendre, ainsi que, s’il y a lieu, une ou plusieurs interventions afin de lui restituer ses fonctionnalités, telles que notamment ses capacités d’enregistrement ».

Or, à partir de quand un produit d’occasion devient-il du coup reconditionné ? Une société qui revend son parc de produits après avoir effectué des tests et procédé à l’effacement des mémoires entre-t-elle dans le champ des débiteurs ? Quid des ventes sur Le Bon Coin ou d’une société qui se contente de vérifier qu’une autre a bien effacé ces contenus avant de remettre le téléphone sur le marché ?

Des labels, les promesses de Matignon

En attendant ce chantier aux contours incertains, les reconditionneurs n’ont toujours pas d’informations sur les mesures de soutien qui avaient été évoquées par Matignon lors d’un échange avec la filière.

Aucune nouvelle par exemple du chèque « reconditionné » qui avait été un temps évoqué parmi les mesures sur la table destiné à accompagner ces sociétés, souvent des PME. Faute de mieux, les acteurs s’organisent, établissent ou préparent des labels de qualité pour tenter de singulariser leur travail.

Écrit par Marc Rees

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Un sort fixé en novembre ?

De multiples contentieux

Qu'est-ce qu'un téléphone reconditionné ? 

Des labels, les promesses de Matignon

Le brief de ce matin n'est pas encore là

Partez acheter vos croissants
Et faites chauffer votre bouilloire,
Le brief arrive dans un instant,
Tout frais du matin, gardez espoir.

Commentaires (8)


Donc si on réinitialise tout le téléphone mais qu’on laisse un vidéo de “gentil matou faisant des conneries”… ce n’est pas du reconditionnement ? (pas les capacités d’enregistrement restituées)



eres a dit:


Donc si on réinitialise tout le téléphone mais qu’on laisse un vidéo de “gentil matou faisant des conneries”… ce n’est pas du reconditionnement ? (pas les capacités d’enregistrement restituées)




Bon bah go demandé a apple et google de téléchargé une vidéo de chat, puis de reset sans touché a la video de chaton xD


C’est bon, Apple a déjà tout prévu, on a déjà tous “The Mircale (Of Joey Ramone) - Songs of Innocence - U2”



jpaul a dit:


C’est bon, Apple a déjà tout prévu, on a déjà tous “The Mircale (Of Joey Ramone) - Songs of Innocence - U2”




Cool donc go portons plainte :)


je ne comprends pas un truc : si il y a une commission qui se charge d’établir un barème pour les bien reconditionnés, sur quelle base juridique peuvent-ils réclamer une redevance sur les biens reconditionnés depuis 2015 ?



(reply:1892810:Skiz Ophraine)




Tu connais pas les cons volant chefs d’escadrilles qui osent tout ?
Par chez moi en Bretagne vers paimpol dans le milieu de la mer on appelle ça des manches à couilles ou des peignes culs au choix. La référence fera plaisir au député menacé et cité en lien dans l’article. Mon paternel lui ayant dit que pour moi c’était un héros vue le parti auquel il appartient et ces prises de positions intelligente aux combien rares parmi ses collègues.


Il est toujours courageux pour un député de faire le job avec conviction et de ne pas être noyé par la position du groupe.



(reply:1892810:Skiz Ophraine)




Car les ayants droit estiment que les barèmes qu’on pensait réservés aux produits neufs ne distinguaient pas : ils s’appliquaient aussi bien aux téléphones et tablettes neufs que d’occasion.