Le tribunal judiciaire de Paris a ordonné le 13 août dernier à Twitter et Telegram de lui donner l’identité du propriétaire d’un compte intitulé « Pôle central en marche ». Nouvelle décision qui montre que sur le web l’anonymat n’existe pas.
Le 4 février 2021, La République en Marche a découvert l’existence d’un compte Twitter intitulé Pôle Central En Marche, créé en juin 2019 et comptant 400 abonnés. En plus du compte Twitter, il existe aussi un groupe Telegram dénommé Pôle Central En Marche (1500 inscrits).
Ces comptes reprenant les caractéristiques de ses comptes officiels, LaREM a adressé un message de mise en demeure à l’administrateur anonyme du canal Telegram. Face à l’absence de réponse, LaREM a assigné les sociétés Telegram Messenger LLP, Twitter INC et Twitter France SAS devant le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir la communication des coordonnées et autres données personnelles du titulaire des comptes litigieux.
L’audience s’est tenue le 22 juin 2021 et la décision, en référé, du tribunal judiciaire de Paris a été rendue le 13 août. Une décision favorable au parti présidentiel.
Confusion avec les comptes officiels de LaREM
D’abord, le tribunal a jugé l’assignation de la République en Marche irrecevable en ce qui concerne Twitter France. C’est en effet la branche irlandaise de Twitter International Company qui est responsable du traitement des données de ses utilisateurs localisés en Europe, comme le précise la politique de confidentialité de Twitter.
Mais si les demandes formulées à l’encontre de la société Twitter France sont jugées irrecevables, celles concernant Telegram et Twitter Inc. ne le sont pas.
Pour justifier de sa demande en référé, la République en Marche soutenait que les comptes Twitter et Telegram de Pôle Central En Marche présentaient « un trouble manifestement illicite », leur nom provoquant « une confusion incontestable avec les comptes officiels de LaREM », qui l’exposait à un préjudice considérable.
Adresse IP, mail, nom et prénom du titulaire du compte
S’appuyant sur l’article 6-II de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, les plateformes doivent conserver les données permettant l’identification des titulaires des comptes. Le décret d’application précise même que les données doivent être conservées un an à compter de la fermeture du compte.
Le tribunal a donné raison à LaREM, considérant que le Pôle central en Marche avait repris des éléments appartenant au parti présidentiel, des faits susceptibles d’être qualifiés de « parasitaires », quand bien même le compte semble particulièrement favorable à la majorité actuelle.
LaREM n’avait d’autre choix que de saisir le juge des référés « pour identifier le titulaire des comptes qui du fait de la reprise de leurs caractéristiques, provoque une confusion incontestable avec ses comptes officiels. »
Le tribunal a précisé que la demande d’identification portait sur l’adresse IP utilisée pour la connexion au service, au moment de la création du compte, la date de création du compte, les nom et prénom du titulaire ainsi que l’adresse mail.
S’il n’a pas prononcé d’astreinte, le tribunal a condamné Twitter et Telegram aux dépens. À noter, si Twitter a répondu à l’assignation, Telegram a refusé une nouvelle fois le pli communiqué au siège londonien de la société.
Aucune surprise
Au-delà de l’identité du demandeur, cette décision judiciaire n’est pas très surprenante. Alors que le ministère de l’Intérieur fustige régulièrement l’anonymat des réseaux sociaux, les tribunaux exigent la levée du pseudonymat, dès lors que le demandeur justifie d’un intérêt suffisant.
Ainsi, Capital avait révélé en début d’année une affaire concernant Jean-Philippe Tanguy, candidat Debout la France aux européennes. L’élu, qui a depuis rejoint le Rassemblement national, avait eu la mauvaise surprise de voir ses échanges privés publiés par un compte Twitter intitulé @LegrandCharles8. Pour découvrir qui était derrière ce doxing, il avait saisi la justice. La Cour d’appel de Paris lui avait donné raison, compte tenu du caractère diffamatoire des tweets.