Jungle dans la fibre optique : les pistes de la FFTélécoms pour améliorer les raccordements

Arrêter de faire n’importe quoi ?
Internet 8 min
Jungle dans la fibre optique : les pistes de la FFTélécoms pour améliorer les raccordements
Crédits : tomazl/iStock

C’est au tour de la Fédération Française des Télécoms de dresser un état des lieux des (nombreuses) difficultés rencontrées sur le raccordement des lignes en fibre optique, avec un panorama des solutions possibles. Plusieurs recommandations sont émises, certaines ayant déjà fait leurs preuves.

Depuis des années, le déploiement de la fibre optique se fait à vitesse grand V dans le cadre du plan France THD (Très Haut débit), avec le passage au FTTH des clients parfois à marche forcée. Dans un livre blanc remis récemment au gouvernement, la Fédération Française des Télécoms (FFTélécoms) rappelle les objectifs. De notre côté, nous avions pour rappel fait le point sur ce sujet dans notre second magazine.

Au dernier décompte du premier trimestre de l’année, 25,6 millions de locaux étaient éligibles à la fibre optique (FTTH), pour 11,4 millions d’abonnements. Fin mars, une barrière symbolique était franchie : les abonnements très haut débit dépassaient pour la première fois ceux en haut débit.

Effet STOChastique ou volontaire ?

De (gros) grains de sable sont néanmoins venus gripper les rouages, notamment sur la gestion des lignes dans les armoires de mutualisation. C’est l’objet principal du livre blanc de la FFTélécoms qui se fait l’écho « des difficultés actuelles, remontées par les acteurs de terrain ». Elles « concernent en priorité les infrastructures dégradées ou vandalisées, les échecs de raccordement et les déconnexions de clients » selon la fédération.

Si les causes peuvent être nombreuses, « les opérateurs de la FFTélécoms souhaitent insister sur les dégradations commises contre les infrastructures réseaux, volontaires (actes de malveillance) ou dues aux multiples interventions sur le réseau (armoires endommagées) ». Ils saluent par contre « la signature d’une convention nationale de lutte contre les actes de malveillance et appellent l’ensemble des acteurs à décliner cette convention au niveau de chaque département ».

Un des sujets faisant couler beaucoup d’encre est le fameux mode STOC (Sous-Traitance par l’Opérateur Commercial), c’est-à-dire quand l’opérateur d’infrastructure (celui qui construit le réseau) délègue le raccordement du client à l’opérateur commercial (le FAI)… qui peut lui-même sous-traiter cette opération. 

Arcep, InfraNum, FFTélécoms… les acteurs se mobilisent (enfin)

Sur cette question comme d’autres, le livre blanc fait le bilan de la situation, des expérimentations mises en place et des améliorations possibles. La FFTélécoms est pour rappel un acteur de poids qui compte dans ses rangs une large variété d’opérateurs : Altice (SFR), Bouygues Telecom, Colt, Orange, Prixtel, Syma, Verizon… Iliad (Free) brille toujours par son absence, malgré les appels du pied de la fédération.

Depuis le début de l’année, les choses commencent à bouger « pour de vrai ». Il y a certes eu une « feuille de route » de l’Arcep en mars 2020, mais elle ne devait débuter que fin 2020. Laure de la Raudière s’est également prononcée sur le sujet en janvier 2021 lors de ses auditions avant d’être confirmée comme nouvelle présidente de l’Arcep. 

Il faudra attendre mars pour que l’Autorité sorte (enfin) du bois. Dans un communiqué, le gendarme semblait tomber des nues, affirmant que « la situation actuelle [était] difficilement compréhensible ». Quelques jours auparavant, InfraNum proposait de nouvelles règles avec la mise en place d’un nouveau contrat entre opérateurs d’infrastructure et commerciaux.

La FFTélécoms en rappelle les grandes lignes : 

  • procédures de détection et de reprise des malfaçons ;
  • sanctions progressives en cas de malfaçons, dégradations ou de non-respect des règles de sous-traitance ;
  • mécanismes de mise en demeure pouvant aller jusqu’à l’exclusion d’un sous-traitant d’un opérateur commercial.

La fédération rappelle aussi que, fin 2020, le régulateur des télécoms « a pris une décision symétrique introduisant des engagements de qualité de service de la part des OI [opérateurs d’infrastructures, ndlr] » : ils « devront s’engager contractuellement dès 2021 envers les OC [opérateurs commerciaux, ndlr], puis devront respecter des seuils réglementaires de qualité à compter de début 2023 ».

La mise en place d’indicateurs de suivi annoncé il y a plusieurs mois est toujours en cours ; ils font actuellement « l’objet de discussions bilatérales et multilatérales entre l’Arcep et les opérateurs ».

Je dis « M » comme un emblème

La FFTélécoms détaille ensuite des améliorations déjà mises en place ou en cours de déploiement. La première concerne « une nouvelle ingénierie de brassage, dite forme en "M", au sein des armoires de rue ».

Cette technique a été « reprise par plusieurs opérateurs d’infrastructures, qui ont mené des déploiements expérimentaux avec de très bons retours terrain ». « L’architecture en "M" de l’armoire libère l’espace, limite les risques de "spaghettis", autrement appelés les "nœuds", et rend le brassage plus fluide et intuitif ».

Sur le terrain, les retours des techniciens sont positifs selon la fédération. De plus, cette architecture « limite le risque d’erreur et facilite le changement d’opérateur commercial (ou "churn") ainsi que le retrait des "jarretières" inutilisées ». La FFTélécoms indique qu’il n’y a justement pas de processus unifiés concernant le retrait des jarretières inutilisées, qui peuvent rester dans les armoires et favoriser l’apparition des « spaghettis ». « Un processus doit être discuté et établi entre opérateurs », ajoute-t-elle.

Deux pistes sont mises en avant : « Cette opération pourrait, par exemple, être réalisée par l’opérateur commercial lors de la migration du client ou par l’opérateur d’infrastructures lors de ses tournées de maintenance ».

Livre blanc FFTélécoms
Crédits : Fédération Française des Télécoms

Des photos dernier CRI avec un marquage

Depuis le début de l’année, des comptes rendus d’interventions (CRI) photos sont mis en place : ils prévoient « la prise de photos horodatées avant et après chaque intervention, permettant de contrôler la qualité du travail réalisé par les intervenants et de détecter rapidement l’apparition de malfaçons ».

Une des limitations « est l’incapacité du contrôleur, qu’il soit humain ou mécanisé à base d’intelligence artificielle, de s’assurer que les positions optiques occupées soient conformes aux référentiels informatiques de l’OI ou à celles déclarées par l’installateur ». La fibre optique peut en effet emprunter une route différente du référentiel si, par exemple, la position indiquée est déjà occupée par une autre ligne : « Pour faciliter la résolution de ces situations complexes, une solution unique de marquage de jarretières, exploitable au travers d’une photo, pourrait permettre de contrôler à distance la cohérence des référentiels avec le terrain ».

Livre blanc FFTélécoms
Crédits : Fédération Française des Télécoms

Données fiables, « e-Mutation » et outil inter-opérateurs

D’autres pistes sont évoquées, comme la fiabilisation des informations (référence de la ligne, type de PM, route optique, type de raccordement, position du PBO, etc.) communiquées par les opérateurs d’infrastructure aux opérateurs commerciaux afin que les techniciens puissent raccorder les lignes dans les meilleures conditions.

« Si l’une de ces informations venait à manquer, ou était erronée, il est à craindre que le technicien ne dispose pas du matériel adapté à une intervention de qualité, voire que celle-ci se solde par un échec de raccordement et une insatisfaction client », peut-on lire dans le livre blanc.

L’outil « e-Mutation » est également mis en avant. Il est déjà en production chez la majorité des opérateurs et « renforce l’autonomie des techniciens lorsqu’ils sont confrontés à des difficultés […] Le technicien dispose alors, via une application, d’une visibilité sur les routes optiques disponibles ».

Il peut ainsi « choisir sans recourir à un centre d’appel (Hotline), celle répondant au besoin de l’intervention puis remonte l’information afin que le référentiel de l’OI soit mis à jour en conséquence ». Pour la FFTélécoms, cet outil « doit être généralisé aussi rapidement que possible ».

Partant du principe que « les malfaçons se propagent rapidement si elles ne sont pas reprises dans un délai raisonnable », la FFTélécoms souhaite mettre en place un outil inter-opérateurs de notifications et de suivi. Actuellement, les échanges sont effectués… par courriel, « ce qui ne permet pas une gestion industrielle ».

Le nouveau « protocole est en cours d’étude » pour le moment.

Prévenir les déconnexions, améliorer la base d’adresses

Une réflexion est également en cours concernant la prévention des déconnexions des clients. Le rapport cite en exemple Bouygues Telecom et son outil « Check voisinage » : il s’assure que suite à une intervention, aucun client n’a été déconnecté et indique si besoin la marche à suivre pour le rétablir.

« Des travaux d’expérimentations entre certains OC sont engagés pour partager sur ce sujet et une réflexion inter-opérateurs devrait être menée sur les conditions d’extension d’un tel dispositif au besoin, en associant l’OI ».

Livre blanc FFTélécoms
Crédits : Fédération Française des Télécoms

La Fédération milite pour l’accroissement d‘audits des opérateurs sur le terrain, qui permettent de « renforcer la qualité des interventions et limiter la propagation ou la répétition des malfaçons ».

La formation des techniciens est également mise sur le tapis, ainsi que l’harmonisation des règles d’ingénierie et de la Base d’Adresses Nationales (BAN). Dans ce dernier cas, il « est indispensable que les collectivités se dotent rapidement d’un référentiel d’adresses complet (nommage des voies et numérotation des immeubles ou maisons) normalisée et exploitable tant par les occupants que par les opérateurs ».

L’ensemble des acteurs devra maintenant mettre de la bonne volonté pour que la situation avance dans le bon sens. Dans tous les cas, il y a un gros travail à faire pour remettre en état les armoires qui sont déjà pleines de spaghettis… reste à savoir qui va s’y coller et qui paiera la note.

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