L’avocat Arash Derambarsh dépose une plainte avec constitution de partie civile contre la Sorbonne et plusieurs des enseignants. Il dénonce un faux et usage de faux en écriture publique. Explications.
Les rebondissements dans l’affaire de la thèse intitulée « Fichiers de police, un encadrement légal et sociétal dans un environnement controversé » se multiplient.
Le 27 avril dernier, la formation disciplinaire de l’Ordre des avocats de Paris prononçait la radiation d‘Arash Derambarsh. Celui-ci a depuis fait appel.
La décision avait été rendue après les accusations de plagiat dirigées contre le principal intéressé, dont la thèse lui a permis d’accéder au titre d’avocat.
Elle intervenait en effet après une série de tweets du compte Thèse et Synthèse, et surtout une première décision de la section disciplinaire de la Sorbonne. Le 21 juillet 2020, celle-ci retirait le diplôme de doctorat à celui devenu avocat. Selon les pièces, en 2019, l’École Doctorale de Droit de la Sorbonne (EDDS) avait procédé à « la vérification informatique » du document litigieux avant de constater de nombreuses similitudes.
« Plagiat » vs « erreurs de méthodologie »
Le mis en cause a toujours contesté ces accusations, préférant évoquer des « erreurs méthodologiques ». Une explication rejetée par l’Ordre dans sa décision d’avril dernier : si les noms des auteurs « étaient cités dans la bibliographie, soit dans une section de la thèse séparée de plusieurs centaines de pages des passages litigieux », le procédé dépasse à ses yeux « la simple erreur de méthodologie (…), conjuguée à la modification ponctuelle de mots choisis au sein des passages recopiés pour le reste ».
Une pratique « qui a pour vocation d’interdire au lecteur, à dessein, de savoir que monsieur Arash Derambarsh n’est pas l’auteur des passages qui sont reproduits dans sa thèse ».
Ni maladresse ni erreur de méthodologie pour l’Ordre, qui préfère parler d’appropriation ayant « délibérément trompé le jury de thèse concernant la consistance du travail d’analyse délivré, afin d’obtenir [le] diplôme de docteur en droit ».
L’erreur de méthodologie « aurait été corrigée par la production d’une (ou plusieurs) versions dites "améliorées" de sa thèse », rappelle certes la décision, avant de juger la défense « particulièrement confuse », incapable de révéler « l’apport des travaux personnels de recherches, d’analyse, de synthèse, de proposition – donc "la thèse" (au sens générique du terme) soutenue, concernant le sujet » abordé.
Au fil d'une décision d'une vingtaine de pages, l’Ordre l’a finalement reconnu coupable d’avoir « frauduleusement dissimulé, lors de la procédure d’inscription au barreau de Paris, que le certificat d’aptitude à la profession d’avocat n’avait pu être obtenu que sur le fondement d’une thèse obtenu par fraude ».
Elle lui reproche tout autant d’avoir exercé sa profession « à compter de sa date de prestation de serment », sur ce même fondement.
Ou encore d’avoir produit trois versions de sa thèse dans le cadre de l’instruction de la procédure, où deux ont été qualifiées par la section disciplinaire de « versions falsifiées ».
Et enfin d’avoir « sollicité et obtenu la confidentialité de la communication de sa thèse pendant 30 ans afin de dissimuler de très nombreux empreints de texte sans référence ».
Autant d’atteintes aux « principes de dignité, de conscience, de probité, d’honneur, de loyauté et de délicatesse », chers à la profession.
« Faux et usage de faux en écriture publique aggravée »
Seulement, l’avocat par deux fois sanctionné par les instances disciplinaires revient à la charge.
Représenté par Me Yassine Bouzrou, il a déposé une plainte avec constitution de partie civile pour « faux et usage de faux en écriture publique aggravée ».
Elle se fonde sur l’attestation de Bruno Dondero, professeur agrégé des facultés de droit et professeur à l’École de droit de la Sorbonne.
Ce civiliste, spécialiste en droit privé, avait finalement repris en 2015 la direction de sa thèse sur les fichiers de police jusqu’à la soutenance au mois de décembre de la même année.
Dans son attestation, citée par la plainte, l’enseignant assure avoir « constaté, à la lecture de la décision rendue par cette commission (décision qui ne m’a jamais été communiquée par l’Université), que certains de mes propos ont été déformés ».
Il prend un exemple « j’ai indiqué à la commission disciplinaire qu’il appartenait selon moi à l’École doctorale de vérifier que la composition du jury était correcte du point de vue réglementaire, ce qui a été transcrit comme la déclaration que " [je n’ai] pas fait attention aux contraintes réglementaires" ».
Il affirme encore « n’avoir pas reçu de compte-rendu des échanges avec la commission disciplinaire, et j’ajoute qu’il m’a été dit à la fin de mon audition que ces échanges étaient "confidentiels" et que je ne devais pas en faire état à M. Derambarsh, ce que j’ai scrupuleusement respecté. Je constate en revanche que la décision de la commission disciplinaire, qui comme je l’ai dit ne m’a jamais été communiquée par l’Université, a en revanche été manifestement adressée à de nombreux journalistes et largement diffusée sur les réseaux sociaux. »
Taux de similitudes
Des éléments considérés comme suffisamment graves par Arash Derambarsh pour justifier cette action, considérant au regard de ces affirmations, que ces propos auraient été « déformés et mal retranscrits ».
Une procédure dirigée contre la Sorbonne Université et tous les membres de la formation de jugement de la commission de discipline. Nous avons contacté plusieurs de ses membres. Une seule nous a répondu, pour nous indiquer ne pas avoir de réaction à titre personnel, nous renvoyant vers le service juridique de la Sorbonne, sans retour positif à ce jour.
Relevons que dans son attestation, l’enseignant estime que ni lui ni le jury de thèse n'avaient « identifié de plagiat dans cette thèse. Si cela avait été le cas, il est évident que la soutenance aurait été interrompue et que le diplôme n’aurait pas été attribué ».
Selon le logiciel Compilatio, utilisé en amont de la première procédure, le taux de similitude dans la fameuse thèse a été établi à 76 %. Suite à une vérification manuelle, ces taux ont grimpé à 100 % sur 258 pages et 47 % sur 52 pages.