La Commission des lois a terminé hier l’adoption du projet de loi sur la gestion de la crise sanitaire. Le texte est désormais paré pour la séance. 12 amendements ont été adoptés lors de ce premier stade de la procédure. 12... sur les 649 qui furent déposés.
Il n’aura fallu que quelques heures aux parlementaires de la commission des lois pour examiner et adopter cette nuit le projet de loi qui avait été présenté lundi en Conseil des ministres.
Pour mémoire, le texte vient largement étendre l’exigence d’un passe sanitaire dans les lieux de loisirs ou encore les centres commerciaux. Il introduit un isolement obligatoire pour les personnes contaminées par le Covid, avec interdiction de sortir sauf sur la plage 10h-12h, sans compter d’autres circonstances exceptionnelles. Autre mesure, l’obligation vaccinale effective à compter du 15 septembre pour tout le personnel des établissements de santé.
Report au 30 septembre du passe sanitaire pour les mineurs
En commission des lois, les députés ont avalisé l’ensemble du dispositif, non sans adopter plusieurs amendements notamment celui reportant au 30 septembre l’exigence d’un passe sanitaire aux mineurs de plus de douze ans.
Il vient décaler en conséquence d’un mois la date d’effectivité du passe pour cette population, fixée par décret pour l’instant à début septembre.
La question des mineurs a été débattue longuement hier soir. Yaël Braun-Pivet, présidente de la Commission des lois, aurait préféré une exemption totale des mineurs, armée de multiples arguments.
« Les adolescents disposent d’un accès au vaccin plus restreint que le reste de la population », « la vaccination ne leur a été ouverte que tardivement, le 15 juin 2021 », ils n’ont accès qu’à un vaccin sur les quatre autorisés dans notre pays. « Contrairement aux adultes, ils ne peuvent pas se faire vacciner par leur médecin traitant, un médecin du travail ou en pharmacie ». « Leur vaccination est subordonnée à autorisation parentale » et enfin, au 11 juillet, « seulement 3,2% des moins de 19 ans ont achevé leur parcours vaccinal ».
Pour la même députée LREM, surtout, cette exemption « évitera de faire peser sur les 12/18 ans, qui ont déjà subi de lourdes restrictions, une charge disproportionnée pour la gestion de la crise sanitaire ».
Des élus LR ont déposé des amendements identiques, avançant eux-aussi que « les mineurs de 12 à 17 ans ne peuvent se faire vacciner que depuis le 15 juin, limitant de fait les possibilités de détenir un passe sanitaire dès le 21 juillet. La question du bilan coûts/avantages se pose de façon différente pour les jeunes, en particulier les mineurs ».
« Quels que soient les amendements qui ont été présentés là, ils constituent un recul avec l’état actuel des choses » a réagi Olivier Véran (1:00:00 de la vidéo) qui a rappelé sa crainte d’une vague sanitaire très forte fin août.
Bon gré mal gré, il a préféré le report à l’exemption totale. La commission des lois a donc préféré l’amendement 631 défendu par les députés Guillaume Gouffier Cha, Laetitia Avia et d’autres élus LREM, amendement qui se contente donc de laisser un délai supplémentaire aux jeunes, plutôt qu’une exemption.
Autre nouveauté, en l’état du texte, les mineurs pourront en outre être dépistés ou vaccinés dès 12 ans, sans le consentement des deux titulaires de l'autorité parentale. Le consentement d’un des parents suffira.
Accès des agences régionales de santé au système Vaccin Covid
Plutôt que de demander aux personnes concernées par l’obligation vaccinale d’apporter les justificatifs correspondants, une autre rustine parlementaire veut éviter « d’imposer aux dizaines de milliers de professionnels de santé libéraux soumis à l’obligation de vaccination l’envoi de leur certificat de vaccination, et aux agences régionales de santé (ARS) de procéder à des vérifications manuelles de ces documents ».
Elle autorise en conséquence « les ARS à accéder au système d’information Vaccin Covid qui comporte déjà les informations nécessaires
Le passe exigé qu’ à partir d’un certain seuil dans les bars
Les députés ont également jugé nécessaire de n’activer le passe sanitaire dans les restaurants et les bars qu’à partir d’un seuil à définir par décret.
« La fréquentation d’un débit de boisson dans les territoires ruraux n’est pas la même que dans les établissements métropolitains, de même que le risque corrélé de propagation ou de circulation du coronavirus. Il convient donc d’adapter le dispositif en conséquence » ont défendu victorieusement les députés Thibault Bazin et Philippe Gosselin.
Autre amendement LREM à avoir passé le cap de la commission, celui destiné à protéger les cafetiers, restaurateurs, etc. des risques de violence anticipés lors des contrôles des justificatifs. Le groupe propose ainsi « que, pour les violences commises sur les personnes chargées de contrôler la détention par les personnes des documents compris dans le cadre du passe sanitaire, soit appliquée une circonstance aggravante ».
« Le personnel des établissements concernés devra contrôler le passe sanitaire des usagers. Ces contrôles peuvent créer des situations conflictuelles et engendrer des comportements hostiles à l’égard des personnels chargés de ces contrôles » a exposé la majorité présidentielle. « Pour limiter ce risque, ce personnel doit bénéficier d'une protection adaptée afin de pouvoir effectuer au mieux ces contrôles, compte tenu de leur rôle prépondérant dans la réussite de la stratégie de lutte contre la covid-19 ».
Exception liée aux biens de première nécessité dans les centres commerciaux
Une exception a été introduite pour les grands magasins et centres commerciaux, où cette logique de seuil est déjà prévue dans le projet de loi initial. « Dès lors qu’aucun autre établissement commercial permettant l'acquisition de biens de première nécessité alimentaires ou médicaux n’est accessible à proximité́ », le préfet pourra en autoriser l’accès sans que soit subordonnée la présentation du fameux justificatif.
Une mesure passée haut-la-main « pour ne pas porter une atteinte disproportionnée aux libertés des personnes au regard des enjeux sanitaires poursuivis ».
Nouvelle infraction pour la présentation ou la proposition de faux passes
Une nouvelle infraction est sur la rampe parlementaire. Elle vise à « enrayer et sanctionner la prolifération de faux documents attestant d’une éligibilité au "passe sanitaire" », dixit Laetitia Avia et d’autres élus LREM. De fait le texte sanctionne le fait de proposer à des tiers, notamment sur Internet, l’utilisation frauduleuse de passe sanitaire de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
« On constate qu'il se développe un marché parallèle de fabrication et de vente de faux passes sanitaires. Ces sollicitations se font notamment via les réseaux sociaux qui sont un lieu propice à ces services tant pour les acheteurs, que pour les vendeurs, et ce d'autant plus que ces documents ne peuvent pas toujours être qualifiés de "faux". Il convient ainsi de créer un délit spécifique à ce phénomène pour l'empêcher de se développer ».
L’infraction est plus large que ne le laisse penser l’exposé des motifs puisqu’elle vient également frapper des mêmes peines le fait pour une personne de présenter :
- un document attestant du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19,
- un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19
- ou un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19 appartenant à autrui
Contrôle accru des députés et sénateurs
Enfin, un dernier amendement prévoit que l'Assemblée nationale comme le Sénat pourront « requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l'évaluation des mesures figurant dans la présente loi ». Selon cette disposition signée par les élus MoDem, « des débats pourront avoir lieu, autant que nécessaire, avant le 31 décembre 2021 afin d’associer pleinement le Parlement à l’évolution de la situation sanitaire au regard des dispositions de la présente loi et aux mesures nécessaires pour y répondre ».
Le texte sera examiné aujourd’hui en séance à 15 heures, où une nouvelle vague d’amendements est attendue. Cette adoption intervient alors que la Défenseure des droits a tiré une nouvelle fois la sonnette d'alarme.
L'alerte de la Défenseur des droits
Elle a publié 10 points d’alerte ou d’attention sur l’extension du passe sanitaire. Elle regrette « vivement le choix d’une procédure accélérée compte tenu de l’ampleur des atteintes aux droits et libertés fondamentales prévues par ce projet de loi ainsi que du caractère inédit de certaines dispositions qu’il comporte ».
Elle dénonce aussi le risque de discrimination à l’emploi, d’atteinte aux droits de l’enfant, outre de trop nombreuses zones d’ombre où « l’espace public sera découpé en lieux accessibles et non accessibles, des personnes privées étant chargées de contrôler la situation sanitaire des individus, et donc leur identité, remettant en cause des principes de liberté de circulation et d’anonymat pourtant longtemps considérés comme constitutifs du pacte républicain ».
Dans la besace de ses critiques, sont pointées des « restrictions de l’accès aux biens et services et cette atteinte à la liberté d’aller et venir, envisagées de manière générale et sans information préalable délivrée suffisamment longtemps en amont ».
Elle s’interroge tout autant « sur le choix d’octroyer à des entreprises publiques et privées une forme de pouvoir de police, assurant elles-mêmes les contrôles de la détention d’un « passe sanitaire » pour les personnes souhaitant accéder à leur service (et éventuellement de leur identité). Ce contrôle devrait relever des autorités publiques, compte tenu des risques inhérents à l’exercice d’un tel pouvoir ».
Autre point d’attention, la nouvelle finalité associée au traitement de données de santé, « à savoir l’édiction, le suivi et le contrôle du respect des mesures individuelles de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement. La Défenseure des droits tient donc par cet avis à alerter (…) sur le risque de glissement vers des pratiques de surveillance sociale générale, auquel pourrait contribuer ce projet de loi ».