La commission mixte paritaire a été conclusive sur le projet de loi Arcom. Députés et sénateurs sont parvenus à trouver un arbitrage entre les versions du texte destiné notamment à fusionner la Hadopi et le CSA. De nouvelles armes sont donc sur la rampe pour lutter contre les sites illicites de streaming ou de « direct download ».
Le nouveau visage de la lutte antipiratage en France se précise. Jusqu’à présent, trois outils complémentaires étaient à disposition des sociétés de défense des industries culturelles.
D’un, les traditionnelles actions en contrefaçon, sanctionnées au maximum de 3 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende, outre d’éventuels dommages et intérêts.
De deux, l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, qui permet d’obtenir du juge le blocage des sites entre les mains des FAI ou leur déréférencement dans les moteurs.
Enfin, l’édifice Hadopi qui s’attaque aux abonnés, du moins ceux incapables, malgré plusieurs avertissements, de sécuriser leur ligne afin d’éviter que des mises à disposition illicites aient lieu sur les réseaux P2P. La contravention maximale est alors de 1 500 euros.
Le projet de loi Arcom consacre la pseudo-mort d’Hadopi, en fait une fusion de ses compétences avec celles du CSA au sein d’une nouvelle entité, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
Il donne surtout naissance à une nouvelle gamme d’instruments qui viendront se cumuler aux trois préexistants afin d’enrichir davantage encore les moyens de lutte. En clair, la riposte graduée ne va pas disparaitre. Elle perdurera. Tous les amendements qui visaient à la supprimer ont tour à tour été rejetés.
Des listes noires de sites pirates, l’Arcom tiers de confiance
Dans le texte résultant de la commission mixte paritaire, arbitrage entre la version du projet de loi adopté par les députés et celle des sénateurs, l’Arcom se voit dotée du pouvoir d’édicter des listes noires de sites qu’elle aura préalablement qualifiés comme « pirates ».
Dans le jargon, ceux portant « atteinte, de manière grave et répétée, aux droits d’auteur ou aux droits voisins », selon les constats dressés par ses agents.
Ces listes pourront être rendues publiques, pourquoi pas dans une optique de « name and shame ». D’ailleurs, les annonceurs devront eux-mêmes révéler leurs liens commerciaux avec ces sites dans leur rapport annuel, ou sous des modalités que précisera l’Arcom.
La vocation première de ces listes noires sera surtout de nourrir les accords passés entre les industries culturelles et là encore les acteurs de la publicité ou ceux des banques. L’enjeu ? Couper les vivres des sites mis à l’index. C’est l’approche « follow the money ».
En ce sens, l’Arcom interviendra ici comme un tiers de confiance. En contraste, les accords déjà noués sous l’égide du ministère de la Culture se sont toujours allègrement passés des compétences de la Hadopi.
Le projet de loi n’impose pas l’intervention de cette autorité, mais la rend possible, nuance. Les sociétés de défense et les acteurs de la « pub’ » ou des banques pourraient très bien continuer à se passer des services de cette nouvelle autorité, s’ils le souhaitent.
Miroir, mon beau miroir
Autre article arbitré en « CMP » : celui relatif à la lutte contre les sites miroirs. Le scénario est celui d’un jugement ordonnant le blocage d’un site, site qui revient quelques heures plus tard sous une forme (.org bloqué, retour en .net).
Dans un tel cadre, un titulaire de droits, partie à la décision judiciaire, pourra saisir l’Arcom pour espérer voir étendue la décision de blocage.
En pratique, une fois saisie, l’autorité demandera à n’importe quel intermédiaire visé par la décision initiale, d’empêcher l’accès au nouveau site, pour autant que celui-ci reprenne en totalité ou de manière substantielle ces contenus. Dans les mêmes conditions, les moteurs de recherche pourront être mis dans la boucle.
Pour faciliter l’implication des FAI et les moteurs, qui restent libres d’ignorer les missives de l’Arcom, le législateur confie à l’autorité le soin de rédiger des modèles d’accords où toutes les parties prenantes s’engageront à lutter de concert contre les contrefaçons en ligne.
Accord volontaire ou pas, en cas de difficulté, le juge pourra toujours être saisi afin de contraindre l’extension des mesures de blocage et déréférencement des miroirs.
Le piratage des compétitions sportives
Autre article adopté en CMP, celui relatif à la lutte contre la retransmission illicite des manifestations et compétitions sportives.
On retrouve un peu la même logique, mais avec une différence notable liée aux caractéristiques du secteur. Le point de départ réside dans « des atteintes graves et répétées au droit d’exploitation audiovisuelle » des chaînes et ligues sportives.
Dans la version finalement retenue, ces acteurs pourront saisir le juge en urgence « afin de prévenir ou de remédier à une nouvelle atteinte grave et irrémédiable » à leurs droits. Le juge pourra alors ordonner des mesures préventives pour chacune des journées figurant au calendrier officiel de la compétition ou de la manifestation sportive, et ce dans la limite de douze mois.
Dans la trousse à outils ? Blocage, retrait ou encore déréférencement, peu importe pourvu que l’arme choisie soit propre « à empêcher l’accès à partir du territoire français » au site de streaming.
Grande nouveauté dans notre paysage juridique, le législateur prévoit que cette mesure pourra cibler les sites identifiés, mais également ceux qui ne l’ont pas encore été à la date de l’ordonnance.
Pour pointer les miroirs et autres sites de contournement dans ce secteur, il est prévu que le titulaire de droits communique à l’Arcom, au fil de l’eau, les données d’identification des nouveaux venus.
Après constat par ses agents d’une atteinte à leurs droits, l’autorité adressera la liste de ces nouveaux sites aux intermédiaires visés dans la première ordonnance, afin de leur réclamer l’extension des mesures décidées par l’ordonnance. S’ils rechignent ou trainent la patte, le juge pourra être saisi à nouveau.
Pour éviter pareils grains de sable dans cette injonction dite « dynamique », l’Arcom aura là encore pour tâche de rédiger des modèles d’accord où les parties s’engageront à être de bonne composition.
Neuf membres, finalement
Enfin, sur un volet plus formel, il a été décidé que celle-ci disposerait de neuf membres (contre un modèle à 7 membres, défendu par les députés).
Ils seront nommés par décret « en raison de leurs compétences en matière économique, juridique ou technique ou de leur expérience professionnelle dans le domaine de la communication, notamment dans le secteur audiovisuel, ou des communications électroniques ».
Trois seront désignés par le Président de l’Assemblée nationale, trois autres par le Président du Sénat. Un membre en activité du Conseil d’État et un autre de la Cour de cassation seront désignés, respectivement, par le vice-président du Conseil d’État et le premier président de la Cour de cassation.