Selon le rapport confidentiel du gouvernement dont une partie du contenu a été révélé par BFM Business aujourd'hui, le sujet de la régulation du net a été abordé. Le rapport préconise notamment de faire quelques entorses à la neutralité du net ou encore de taxer les hébergeurs de vidéos tels que YouTube et Dailymotion.
Le retour de la segmentation des forfaits
Le rapport confidentiel du gouvernement, notamment écrit par Arnaud Montebourg, Fleur Pellerin et Aurélie Filippetti, comporte décidément de nombreux volets d'actualité. Outre la castration des pouvoirs de l'ARCEP ou encore ses rapports avec le CSA, la neutralité du net est aussi remise en question. Et à l'instar de la commissaire européenne Neelie Kroes, le gouvernement ne serait pas contre la mise en place de forfaits différenciés.
« Les opérateurs de télécoms doivent conserver la possibilité de proposer des services spécialisés, en complément de l’accès à l’internet 'best effort'. Ils doivent pouvoir mettre en œuvre des pratiques de gestion de trafic, sous réserve qu’elles respectent les principes de pertinence, proportionnalité, efficacité, non discrimination et transparence. Les opérateurs [doivent] développer une offre d’accès de gros aux réseaux Internet, qui soit compatible avec le principe de neutralité, et permettant des traitements différents, dans l’acheminement des flux de trafic ou leur tarification, fondés sur des situations objectivement différentes et proportionnées aux objectifs légitimes poursuivis. »
En somme, pour résumer, proposer plusieurs forfaits en fonction de la consommation et des besoins, ceci dans un but de mieux réguler le réseau, ne gêne en rien le gouvernement. Ce qui signifie la mort des forfaits uniques illimités à la française. Un concept qui serait donc supporté par l'Europe si l'on en croit les propos de Neelie Kroes mi-janvier dernier :
« Selon moi, l’intérêt public ne s’oppose cependant pas à ce que les consommateurs s’abonnent à des offres internet limitées, plus différenciées, éventuellement pour un prix moins élevé. (...) doivent figurer les vitesses effectives dans des conditions normales et toute restriction imposée au trafic, ainsi qu’une option réaliste permettant de passer à un service « complet », dépourvu de telles restrictions. »
Une idée déjà évoquée il y a un peu moins de deux ans par la Fédération Française des Télécoms, sans qu'elle ne sorte réellement des cartons toutefois. Néanmoins, l'idée n'a pas pour autant été enterrée définitivement non plus. Et les opérateurs français ont tout intérêt financièrement à proposer des forfaits différenciés.
Faire payer les services web pour financer les réseaux
Mais la régulation des réseaux ne s'arrête pas là. Le rapport confidentiel préconise ainsi de faire payer les services web pour financer les réseaux, système depuis longtemps souhaité par les opérateurs français, qui estiment que payer des milliards pour que Google et Apple (entre autres) en profitent est anormal.
Les hébergeurs de vidéos en streaming, très gros consommateurs de bande-passante, sont notamment visés par le rapport. Ces services ne doivent pas « pouvoir utiliser sans restriction les réseaux ouverts, et bénéficier d’une tarification attractive conçue pour des utilisateurs de capacité marginale. Une telle utilisation serait à la fois injustifiée et économiquement inefficace. Elle ne permettrait pas aux opérateurs de développer des modèles permettant une juste rémunération de leurs infrastructures, et des investissements importants engendrés par ces usages gourmands en capacité. » Nous n'en saurons pas plus sur comment un tel équilibre de financement pourra être trouvé. La complexité des rapports de force rend par ailleurs bien difficile une telle entreprise.
YouTube et Dailymotion doivent donner leur part pour la création
Enfin, le rapport revient aussi sur un très vieux sujet : le rôle des hébergeurs de vidéos dans la création. En effet, en France, les intermédiaires diffusant des contenus vidéos sont taxés en faveur de divers ayants droit. C'est notamment le cas des fournisseurs d'accès à internet et des opérateurs mobiles. Mais YouTube et Dailymotion ont le statut d'hébergeur et non de service de médias audiovisuels à la demande (Smad). Un statut qui n'implique aucune obligation vis-à-vis du secteur de la création.
Or le gouvernement aimerait changer cette situation. « Ces hébergeurs, lorsqu'ils tirent des revenus directs ou indirects d'une activité audiovisuelle, devraient contribuer au financement de la création, au même titre que les éditeurs et distributeurs traditionnels. »
Pour mémoire, en 2007, l'idée de taxer les hébergeurs de vidéos étaient déjà sur quelques lèvres. 2 % des recettes publicitaires de YouTube, Dailymotion et de leurs concurrents devaient ainsi être ponctionnés. En 2009, l'équivalent néerlandais de la SACEM ne cachait pas son souhait de voir une taxe visant les blogs et autres pages perso, pour le tarif très étonnant de 130 euros hors taxe par an pour 6 vidéos clips diffusées, soit 650 euros par an les 30 vidéos, ou encore près de 8000 euros par an en cas de diffusion d'une vidéo chaque jour. Sachant que ces tarifs devaient donc s'appliquer aux blogs diffusant ces vidéos et non aux hébergeurs eux-mêmes. Enfin, plus récemment, en octobre dernier, Aurélie Filippetti expliquait qu'une taxe en fonction de la densité audiovisuelle du net était envisagée. Une densité potentiellement calculée sur les flux de YouTube et Dailymotion...