L'avis du CNNum « n’apporte rien par rapport au corpus législatif actuel »

L’avis du CNNum « n’apporte rien par rapport au corpus législatif actuel »

Interview de la députée Laure de la Raudière

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Xavier Berne

Publié dans

Droit

14/03/2013 5 minutes
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L'avis du CNNum « n’apporte rien par rapport au corpus législatif actuel »

Auteur de plusieurs travaux sur la neutralité du Net ainsi que d’une proposition de loi visant à graver ce principe dans le marbre et à unifier le blocage (voir notre article de septembre 2012), la députée UMP Laure de la Raudière réagit aujourd’hui dans les colonnes de PC INpact à l’avis publié cette semaine par le Conseil national du numérique sur la neutralité des réseaux

laure de la raudière

Laure de la Raudière - Via Facebook.

 

Pour mémoire, le gouvernement a formellement été invité mardi à légiférer en matière de neutralité des réseaux par le nouveau Conseil national du numérique. Dans son premier avis, l’institution préconise en effet de modifier la loi de 1986 sur la liberté de communication, afin d’introduire un article selon lequel :

 

« La neutralité des réseaux de communication, des infrastructures et des services d’accès et de communication ouverts au public par voie électronique garantit l’accès à l’information et aux moyens d’expression à des conditions non-discriminatoires, équitables et transparentes. »

Que pensez-vous de l’avis rendu par le Conseil national du numérique ?

Je suis très heureuse que le CNNum conforte les positions que nous avions eues avec Corinne Ehrel dans notre rapport de 2011, en disant que les enjeux relatifs à la neutralité d’Internet sont essentiels et qu’ils sont liés à la liberté d’expression mais aussi au développement économique et de l’innovation. Ça, c’est une bonne chose.

 

Après, dans les recommandations du Conseil - à savoir renommer l’intitulé de la loi 1986 et de changer le premier article de cette loi - j’observe que c’est une orientation politique forte, mais ce n’est pas normatif ! Ça n’apporte rien par rapport au corpus législatif actuel. Ce sera un objectif politique, important, affiché dans la loi, mais dépourvu de portée normative supplémentaire par rapport au troisième paquet télécom...

 

Lors de notre rapport avec Corinne Ehrel, nous avions dit qu’il fallait aller plus loin si on voulait avoir la possibilité de garantir la neutralité des réseaux : il faut mettre la définition de la neutralité dans la loi, il faut donner les pouvoirs à l’ARCEP afin de faire respecter cette définition et de mettre des sanctions pour les fournisseurs qui enfreindraient la loi.

Les recommandations du Conseil ne vous paraissent donc pas suffisantes ?

Il y a encore un bout de chemin qui est à entreprendre... Ce que met en avant le CNNum c’est qu’il faut tenir compte à la fois de la neutralité sur les réseaux et de la neutralité sur le contenu. C’est aussi pour ça qu’ils veulent rester sur des principes généraux. Mais pour imposer la neutralité sur les réseaux de communication, ce n’est pas suffisant. Je pense qu’il faut aller plus loin que ce que prévoit le paquet télécom ou l’avis du Conseil.

 

réseau

Que préconiseriez-vous aujourd’hui ?

J’ai déposé en septembre 2012 une proposition de loi sur la neutralité des réseaux. Je pense qu’il faut vraiment partir de ce texte et voir comment mettre en œuvre cette neutralité en France et comment porter en parallèle ces dispositions au niveau européen. Cette proposition de loi permet de garantir la neutralité des réseaux. Deuxièmement, elle encadre les possibilités de filtrage d’Internet et en interdit le principe, sans décision de justice.

Les autorités vous semblent-t-elles déterminées à légiférer, comme l’a laissé entendre le  gouvernement lors du séminaire sur le numérique ?

J’ai bien lu le document publié fin février par Matignon, mais entre les annonces et ce qui va être fait, j’attends toujours ! Parce que depuis le mois de juin 2012, les annonces sont permanentes sur la neutralité. C’est parce que je relance le gouvernement, soit par une proposition de loi, soit par des questions écrites, soit par des remarques, qu’ils en parlent. Maintenant, je leur demande de l’action !

 

Mardi soir, nous avons auditionné Fleur Pellerin à l’Assemblée nationale, et elle m’a confirmé qu’elle prenait l’avis du CNNum comme purement consultatif. Maintenant, on sent dans le même temps qu’au gouvernement, il y a des positions qui peuvent être différentes entre les portefeuilles des ministères, par exemple entre Najat Vallaud-Belkacem qui dit qu’il faut encadrer les libertés numériques et puis Fleur Pellerin et le CNNum, qui préconisent de garantir la liberté d’expression sur Internet. Je serais plutôt favorable à cette seconde vision. Je suis inquiète quand j’entends Najat Vallaud-Belkacem dire qu’il faut encadrer les libertés numériques. Faire respecter la loi, bien sûr. Mais encadrer les libertés numériques, ça veut dire autre chose... qui peut facilement ressembler à une forme de «bridage» de la liberté d’expression !

 

Merci Laure de la Raudière.

Écrit par Xavier Berne

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Que pensez-vous de l’avis rendu par le Conseil national du numérique ?

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Commentaires (11)


Laure.. <img data-src=" />




il faut mettre la définition de la neutralité dans la loi, il faut donner les pouvoirs à l’ARCEP afin de faire respecter cette définition et de mettre des sanctions pour les fournisseurs qui enfreindraient la loi



Ca veut dire que les FAI perdraient l’initiative sur la négociation de leurs accords de peering? Enfin perdraient la possibilité de négocier en tous cas…



Ca ferait monter les prix au profit des boites étrangères qui nous fournissent les contenus, je ne suis pas certain que ce soit une si bonne idée.



Passer un premier amendement à la Française par contre serait intéressant…


Une députée UMP qui a les idées claires, c’est moi où la fin du monde est en route ? <img data-src=" />









yvan a écrit :



Ca veut dire que les FAI perdraient l’initiative sur la négociation de leurs accords de peering? Enfin perdraient la possibilité de négocier en tous cas…



Ca ferait monter les prix au profit des boites étrangères qui nous fournissent les contenus, je ne suis pas certain que ce soit une si bonne idée.



Passer un premier amendement à la Française par contre serait intéressant…





Euh, non, tout simplement les fournisseurs de contenus n’arriveraient pas à proposer une qualité de service en France sans interconnexion fiable. Entre ça et les négociations de droits affreuses en France, ben on voit des gros comme Netflix se poser partout en Europe sauf chez nous.



La saturation des liens n’est pas un problème de neutralité, c’est leur gestion et une priorisation du trafic qui est en jeu. Et ça ne change strictement rien au fait que la plupart de ceux qui auraient du simplement rester opérateurs de réseau ne veulent pas investir dans leurs interconnexions, histoire de forcer les gens à utiliser des services maison, donc la négociation est vite faite.









tAran a écrit :



Laure.. <img data-src=" />





+1, tout simplement.









seboss666 a écrit :



La saturation des liens n’est pas un problème de neutralité, c’est leur gestion et une priorisation du trafic qui est en jeu. Et ça ne change strictement rien au fait que la plupart de ceux qui auraient du simplement rester opérateurs de réseau ne veulent pas investir dans leurs interconnexions, histoire de forcer les gens à utiliser des services maison, donc la négociation est vite faite.





Ben justement, prenons le cas le plus connu actuellement : free VS youtube/google, free refuse de payer un service que google monaye, là ça voudrait dire que free serait dans l’incapacité de ‘négocier’ et devrait payer le peering sous peine de prendre une amende?

De mon point de vue ça ne peut qu’augmenter les prix des connexions au web au profit de fournisseurs de contenus généralement étrangers qui monayeront un contenu et le fait de le rendre dispo en prime (en mode beurre + crémière).



Autant je suis partisan d’une interdiction de filtrer par protocole, d’une interdiction d’interdire les contenus en ligne, même les trucs odieux et illégaux autant forcer sous peine d’amende les FAIs à fournir du tuyau non qualifié je ne suis pas convaincu que ce ne soit pas à double tranchant.



Si quelqu’un qui s’y connait mieux peut m’éclairer…









yvan a écrit :



Ben justement, prenons le cas le plus connu actuellement : free VS youtube/google, free refuse de payer un service que google monaye, là ça voudrait dire que free serait dans l’incapacité de ‘négocier’ et devrait payer le peering sous peine de prendre une amende?







Il me semble que le problème est plutôt dans l’autre sens: Free (et les autres FAI) demandent à Google (&co) de cofinancer les tuyaux, sous prétexte que les tuyaux servent pour faire passer leurs contenus. Alors que les FAI sont déjà payés par leurs abonnés et que Google paie déjà les tuyaux jusqu’aux nœuds d’interconnexion.



EDIT: un peu comme la presse qui demande a être payée par Google alors que celui-ci lui fournit un service (indexation, visibilité, etc)









GehNgiS a écrit :



Il me semble que le problème est plutôt dans l’autre sens: Free (et les autres FAI) demandent à Google (&co) de cofinancer les tuyaux, sous prétexte que les tuyaux servent pour faire passer leurs contenus. Alors que les FAI sont déjà payés par leurs abonnés et que Google paie déjà les tuyaux jusqu’aux nœuds d’interconnexion.



EDIT: un peu comme la presse qui demande a être payée par Google alors que celui-ci lui fournit un service (indexation, visibilité, etc)





Ben si les prix pouvaient baisser en faisant payer les vendeurs de pubs pour les tuayux perso je suis preneur.

La comparaison avec la presse est foireuse parce que les FAIs n’ont absolument aucun besoin de référencement.









yvan a écrit :



Ben si les prix pouvaient baisser en faisant payer les vendeurs de pubs pour les tuayux perso je suis preneur.





<img data-src=" /> C’est pas comme ça que ça fonctionne. Et ce que tu acceptes à bras ouverts va à l’opposé de la neutralité du net : si les fournisseurs de contenus (ou du pub) doivent financer les tuyaux des FAI, plus personne ne pourra monter une PME innovante sur le web ou internet parce que les frais pour accéder au marcher seront trop élevés (coût des tuyaux).



De manière générale si on veut un Internet neutre, il faut séparer le plu possible fournisseurs de contenus et FAI. Si il y a des liens entre les 2 (de quelque nature que ce soit), on va rapidement avoir des FAI qui privilégieront un fournisseur de contenu A par rapport à B.







yvan a écrit :



La comparaison avec la presse est foireuse parce que les FAIs n’ont absolument aucun besoin de référencement.





Je parlais pas du référencement en particulier, mais les FAI ont besoin des fournisseurs de contenus: pas de contenus sur Internet = pas d’abonnés.

(on va pas payer un abonnement pour avoir des erreurs 404 ^^)





L’avis du CNNum « n’apporte rien par rapport au corpus législatif actuel »





Autant se mettre un doigt dans le CNNum alors <img data-src=" />








GehNgiS a écrit :



<img data-src=" /> C’est pas comme ça que ça fonctionne. Et ce que tu acceptes à bras ouverts va à l’opposé de la neutralité du net : si les fournisseurs de contenus (ou du pub) doivent financer les tuyaux des FAI, plus personne ne pourra monter une PME innovante sur le web ou internet parce que les frais pour accéder au marcher seront trop élevés (coût des tuyaux).



De manière générale si on veut un Internet neutre, il faut séparer le plu possible fournisseurs de contenus et FAI. Si il y a des liens entre les 2 (de quelque nature que ce soit), on va rapidement avoir des FAI qui privilégieront un fournisseur de contenu A par rapport à B.





J’ai bien compris le principe, juste je ne pense pas que ce soit tout ou rien. De fait google écrase déjà toute petite PME innovante sur son domaine et la question du peering ne se pose quasiment que pour les très gros sites (et serait comptablement ingérable sinon), effectivement le réseau doit rester neutre pour tous les trafics qui n’en affectent pas l’équilibre même par leurs volumes.

Pour ce qui est de l’argument de la petite PME innovante d’ailleurs, son hébergeur lui fait payer déjà son traffic, le pb est plus dans le dialogue hébergeur/FAI, ou tiers 1/FAI, et à ce niveau la neutralité n’existe pas et ne peut pas exister en l’état actuel des contrats qui les lient pour ce que j’en connais.



Laure <img data-src=" /><img data-src=" /><img data-src=" /><img data-src=" />