Jungle dans la fibre optique : pour l’Arcep, la situation est « difficilement compréhensible »

Surprises sur prises
Internet 5 min
Jungle dans la fibre optique : pour l’Arcep, la situation est « difficilement compréhensible »
Crédits : tomazl/iStock

L’Arcep a récemment donné sa « position » officielle sur la cacophonie dans le déploiement de la fibre optique… et semble tomber des nues face à la situation actuelle. L’Autorité enjoint les opérateurs à améliorer « rapidement la qualité de leurs interventions ».

Le déploiement de la fibre optique avance à un rythme soutenu – on dénombre 24,2 millions de prises raccordables fin 2020 – et les abonnements suivent la même tendance, même s’ils sont comparativement bien moins nombreux. En effet, moins de 50 % des lignes éligibles profitent de la fibre puisqu’il y a un peu plus de 10 millions d’abonnés.

La croissance n’en reste pas moins importante avec 3,3 millions de clients supplémentaires en l’espace d’un an (1,1 million sur le dernier trimestre), et il n’y a pas de raison que la tendance change en 2021. La crise sanitaire n’a par exemple pas empêché les chiffres de l’année 2020 de dépasser allégrement ceux de 2019.

Du STOC de nouilles dans la fibre

Mais cette évolution à vitesse rapide ne se fait pas sans casser des œufs, et cela fait grincer des dents. Notamment sur l’état de certaines armoires de raccordement (ou points de mutualisation), c’est-à-dire là où les opérateurs viennent relier leurs clients à leur propre réseau afin de leur donner accès à Internet.

Elles ressemblent parfois à de gigantesques plats de nouilles, sont en plus ou moins bon état (portes défoncées) et présentent plus ou moins de risques. Ce sont généralement les clients qui en payent le prix avec des coupures de services et/ou des déconnexions sauvages pour brancher d’autres utilisateurs par exemple.

C’était d’ailleurs l'un des chantiers prioritaires que nous avions identifié pour la nouvelle présidente de l’Arcep lors de sa nomination. Elle avait d'ailleurs rapidement annoncé qu’elle se pencherait sur le sujet.

En cause, le mode STOC (Sous-Traitance Opérateur Commercial) qui est pour rappel un « modèle ou contrat dans lequel l’opérateur d’immeuble (OI) [celui qui construit le réseau, ndlr] sous-traite à l’opérateur commercial (OC) [le FAI, ndlr] le raccordement du client final ». Mais l’opérateur commercial peut à son tour faire intervenir un sous-traitant, soit un sous-traitant de sous-traitant. Le plat de nouilles est aussi là, noyant le concept de responsabilité.

L’Arcep, les FAI et les « règles de l’art »

Dans un communiqué, le gendarme des télécoms rappelle que cette pratique « a été consacrée par la décision symétrique de 2015 » et que « la demande d’un opérateur commercial de réaliser le raccordement final constitue généralement une demande raisonnable ». Elle « n’en est pas moins soumise au strict respect des règles de l’art ».

L’Arcep ajoute que « le cadre réglementaire permet pleinement à un opérateur d’infrastructure de suspendre l’accès d’un opérateur commercial au mode STOC en cas de manquement répété de sa part aux spécifications techniques raisonnables et aux règles de l’art ». L’Autorité ne précise pas quand de telles suspensions ont été prononcées.

Prise de conscience à l’Arcep ? 

Silencieuse depuis des mois sur le sujet, le régulateur rappelle que, « face à l’accroissement des signalements, l’Autorité a dès 2019 réuni les opérateurs d’infrastructure et les opérateurs commerciaux en vue d’améliorer l’exploitation des réseaux et de résoudre les difficultés observées ».

Après une période de « prise de conscience », les opérateurs d’infrastructure (via InfraNum) « ont proposé des changements qui ont conduit à l’adoption d’une feuille de route fin mars 2020 ». Celle-ci détaille « les évolutions techniques et contractuelles afin de garantir un meilleur contrôle des interventions par les opérateurs ». Cette feuille de route prévoyait que la première étape soit mise en œuvre fin 2020. 

Désormais, l’Arcep semble tomber des nues et joue la carte de la surprise : « La situation actuelle est difficilement compréhensible »… alors que les sonnettes d’alarme sont tirées depuis des années, tant concernant les choix techniques faits que leur mise en pratique, par ceux intervenants sur le terrain, notamment via les réseaux sociaux.

L’Autorité détaille sa pensée :

« Difficilement compréhensible de retrouver trop souvent ces nouveaux réseaux dans un état de dégradation avancée. Difficilement compréhensible de constater que les opérateurs mettent près d’un an à transcrire dans leurs contrats l’accord qu’ils ont trouvé. Difficilement compréhensible que la qualité de service sur les raccordements puisse être si insatisfaisante dans certains cas ».

L’Arcep en mode Captain Obvious : il est « urgent » d’agir

Elle revient ensuite sur l’annonce récente d’InfraNum concernant les premières signatures de contrats : « Trois des quatre grands opérateurs commerciaux [sans précision sur leurs noms, ndlr] viennent de signer les nouveaux contrats avec Axione, deux avec Altitude Infrastructure ».

L’Arcep semble se réveiller enfin et – un an après l’adoption de la feuille de route – ajoute qu’il est « désormais urgent que toutes les signatures s’achèvent et que les opérateurs améliorent rapidement la qualité de leurs interventions ». On ne peut qu’être d’accord. Mais que sera-t-il mis en œuvre pour accélérer le mouvement ?

Le gendarme des télécoms affirme aussi qu’il appartient aux opérateurs (lesquels ?) « de réparer les malfaçons et à remettre en conformité les points de mutualisation », là encore sans donner aucun détail supplémentaire sur qui devra faire et payer quoi, alors que ce sera certainement l'un des points de tension important à régler. 

Des indicateurs de suivi et de la vigilance

Enfin, l’Arcep ajoute que ses travaux se poursuivent, « avec la mise en place d’indicateurs de suivi, la poursuite des expérimentations et l’évaluation de nouvelles mesures. L’Autorité sera vigilante à l’intégrité des réseaux ».

Espérons qu’elle n’attendra pas un an avant de faire un point de la situation et d’afficher son étonnement après tout le monde, face à une situation « difficilement compréhensible » et qui ne surprend finalement pas grand monde. Car plus qu'hier mais moins que demain, il sera alors à nouveau « urgent d'agir ».

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