Arcom ou Hadopi 3 : ce que prévoit la future loi contre le piratage

Hadopi + CSA = ARCOM
Droit 7 min
Arcom ou Hadopi 3 : ce que prévoit la future loi contre le piratage
Crédits : Sitade/iStock

Hadopi 3… ou future loi relative à la « protection de l’accès du public aux oeuvres culturelles à l’ère numérique » (PAPOCEN). Voilà le nouveau visage de la lutte anti-piratage bientôt examiné au Sénat. 

« J’ai obtenu un créneau parlementaire. Elle sera présentée en conseil des ministres le 7 avril, pour pouvoir être discutée au Sénat puis à l’Assemblée nationale dans les jours qui suivront ». Roselyne Bachelot l’a indiqué ce matin sur France Culture : la future grande loi contre le piratage entamera donc son parcours parlementaire dans quelques semaines. 

Comme indiqué par Next INpact, l'avant-projet de loi a été transmis hier au Conseil d’État, saisi pour avis. Nos collègues de Contexte ont révélé tout à l’heure ce PDF long d’une trentaine de pages.

Que prévoit-il ? Les dispositions ont un air de réchauffé puisqu'on retrouve des passages entiers du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, déposé en décembre 2019. Non sans adaptation. 

Les futures missions de l’ARCOM

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) sera le fruit de la fusion entre la Hadopi et le CSA.

Elle se voit sans surprise attribuer une mission de lutte contre le piratage, une mission de sensibilisation auprès des scolaires, une mission d’encouragement au développement de l’offre légale et d’observations des usages. Et enfin, une mission de veille des verrous techniques (ou MTP, mesures techniques de protection).

Elles s’inspirent de celles actuellement dévolues à la Hadopi, en les dépoussiérant. Ainsi, l’ARCOM pourra adopter des recommandations, des guides de bonnes pratiques, de modèles et clauses types ainsi que de codes de conduite.

Ces éléments de soft law serviront à l’information du public, mais aussi à alimenter les accords volontaires passés entre ayants droit et intermédiaires techniques afin d’aiguiser la lutte contre le piratage.

Des agents assermentés

L'ARCOM disposera d’agents assermentés, en capacité juridique de constater sur Internet les faits de contrefaçon ou la fourniture d’un dispositif de contournement d’une mesure technique de protection.

Ils pourront participer sous pseudonyme à des échanges électroniques susceptibles de se rapporter à ces infractions, extraire des moyens de preuves, ou encore « acquérir et étudier les matériels et logiciels propres à faciliter la commission d’actes de contrefaçon ».

Bye bye la Commission de protection des droits

La Commission de protection des droits, tourelle pénale de la Hadopi est supprimée, remplacée par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

Elle pourra être saisie par les organismes de défense professionnels (comme l’ALPA), les organismes de gestion collective (la SACEM, la SCPP, etc.) ou le CNC, mais aussi sur la base d’informations transmises par le procureur de la République ou, nouveauté du texte, par un constat d’huissier établi à la demande d’un ayant droit.

L'idée avait été défendue par la Hadopi, notamment en 2015 (voir son rapport, page 89). Elle expliquait alors être « régulièrement sollicitée par des auteurs, interprètes ou producteurs qui constatent la mise à disposition sur les réseaux pair-à-pair de leurs œuvres et souhaitent pouvoir demander la mise en œuvre de la procédure de réponse graduée ». 

Toujours en 2015, elle demandait une modification des délais de saisine lorsqu'« à la suite de la dénonciation de faits de contrefaçon par les ayants droit, des parquets ont, dans certains cas, décidé de [lui] transmettre ces dossiers [...], lorsque l’auteur des faits de contrefaçon n’avait pas été identifié ou qu’ils souhaitaient ordonner un rappel à la loi plutôt que de poursuivre ces faits devant le tribunal correctionnel ». Problème, cette voie était enfermée dans des délais trop courts. L'avant projet de loi fait passer ce délai de six mois à un an.

Dans le futur texte, l'ARCOM se voit aussi dotée de la capacité de caractériser les sites pirates. Une délibération constatera que ces services portent atteinte « de manière grave et répétée aux droits d’auteur ou aux droits voisins ». Et cette liste pourra être rendue publique, comme le préconisait Mireille Imbert-Quaretta en 2014

Avant l’inscription, le site mis à l’index sera convoqué pour faire valoir ses observations et produire les éléments justificatifs. Pour cette convocation, l’Arcom utilisera les données d’identification du site, les fameuses mentions légales. À défaut, elle informera le service concerné par l’intermédiaire de son propre site internet. Cette inscription pourra durer jusqu’à 12 mois (et non 18 mois, comme le voulait la députée LREM Aurore Bergé). 

Quel intérêt ? Cette liste noire pourra être utilisée pour nourrir les accords volontaires passés entre les ayants droit et les FAI ou les moteurs de recherche par exemple.

Lutte contre les miroirs d’un site bloqué en justice

Cet outil veut lutter cette fois contre la réapparition, sous un autre nom, d’un site qui a fait l’objet d’une ordonnance de blocage. Les dispositions ont évolué depuis le texte de 2019, sans doute pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel relatif à la loi Avia, qui prévoyait une mesure similaire. En substance, retenons que l’Arcom pourra être saisie par un des titulaires de droits, parties à la décision judiciaire.

Elle pourra ensuite réclamer des FAI, moteurs ou n’importe quel acteur, l’extension de la mesure de blocage aux sites reprenant en tout ou (grande) partie le contenu du site bloqué. Bien entendu, FAI, moteurs, hébergeurs, annuaires, etc. pourront toujours refuser, mais l’Arcom pourra préparer le terrain bien en amont. Comment ? En adoptant des modèles d’accords types que pourront passer les ayants droit avec ces intermédiaires. Et chacun de ces accords engagera « toute personne susceptible de contribuer à remédier aux atteintes aux droits d’auteurs et droits voisins en ligne à prendre les mesures prévues par la décision judiciaire. »

Si malgré tout l’intermédiaire ne donne pas suite, la justice pourra être saisie aux fins d’obtenir par le juge ce qui n’a pu être obtenu par une demande polie ou un accord.

Piratage des contenus sportifs et ordonnance de blocage dynamique

La section 3 reprend les dispositions relatives « à la lutte contre la retransmission illicite des manifestations et compétitions sportives ». Le gouvernement entend remettre au propre l’organisation des débats puisque ce chapitre issu du projet de loi audiovisuel de 2019 a depuis été intégré dans la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France, actuellement en discussion.

Retenons que le texte bientôt déposé met en place un système d’ordonnance dynamique de douze mois qui permettra de bloquer les sites de streaming actuels et futurs piratant les compétitions sportifs.

L’ordonnance judiciaire doit s’appliquer à tous les acteurs susceptibles d’être concernés, tandis que les accords-types sont également étendus à toute personne susceptible de contribuer à remédier aux atteintes aux droits attachés aux contenus sportifs.

Le juge pourra être saisi pour une chaîne de TV ou une ligue sportive. L’Arcom de son côté pourra, à l’aide des données transmises par les titulaires de droit, identifier de nouveaux sites et notifier leur existence aux intermédiaires techniques, aux fins de blocage. S’ils refusent, là encore le juge pourra être saisi. S’ils acceptent, la mesure se fera sans publicité.

Là aussi, les agents de l’Arcom seront habilités et assermentés pour participer à des échanges en ligne, glaner des preuves en ligne, etc. Enfin, des accords pourront être noués entre les parties prenantes pour huiler ces relations et faciliter les mesures de blocage.

Protection des catalogues audiovisuels

L'avant-projet de loi ne se limite pas à dépoussiérer la lutte antipiratage. Il contient plusieurs mises à jour de la loi de 1986 sur la liberté de communication.

Dans le Code du cinéma et de l’image animée, il insère par exemple un titre relatif à la protection des catalogues audiovisuels, composés des droits et des éléments techniques nécessaires à leur fixation (pellicules, copies positives, etc.).

Le titre assure leur protection spécifique dès lors qu’ils « reflètent la création et la production cinématographique et audiovisuelle européenne et présentent un intérêt majeur au point de vue culturel ou patrimonial ». Une protection qui passe notamment par le contrôle de leur cession, via une autorisation du ministère de la Culture.

Au final, la mort de la Hadopi sera consacrée dans les trois mois suivant la publication de la future loi au Journal officiel. À cette date, tous ses biens seront transférés à l'Arcom.

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