C'est le grand jour pour le « renouveau de Windows » qui a pour le moment surtout eu droit à une fuite non maîtrisée et à un teaser qui n'était pas du meilleur goût. Heureusement, Microsoft nous prépare une évolution qui va bien au-delà de ce que l'on en a aperçu jusqu'à maintenant.
À 17h, Microsoft présentera le renouveau de son système d'exploitation à travers l'annonce de Windows 11. Une dénomination étonnante alors que la version 10 devait être « le dernier Windows », suivie de mises à jour régulières, actuellement sur un rythme semestriel. Mais l'éditeur voulait sans doute marquer le coup.
Après la publication des premières informations sur cette nouvelle mouture et la fuite d'une build non finalisée, on pouvait se demander pourquoi. En effet, tout semble converger vers Sun Valley, qui est principalement une retouche graphique, alors que Windows 10 a déjà connu nombre de changements profonds. Ajouter des bords arrondis, blanchir l'installation, revoir la barre des tâches et les icônes ne suffit pas à monter en version.
Est-ce une manière de ne pas se laisser distancer par Apple, passé de macOS X à 11 avec Big Sur et sa migration ARM ? D'autant que Monterey sera la version 12 du système. Peut-être. Mais à y regarder de plus près, tout indique que plusieurs des évolutions à venir de Windows toucheront à certaines de ses briques fondamentales, techniques. De quoi bouleverser les habitudes, notamment des développeurs.
Windows 11 bénéficiera d'une évolution graphique
Intel Alder Lake change la donne
Quand un nouveau Windows arrive sur le marché, Microsoft s'étend sur certaines évolutions, beaucoup moins sur d'autres. Pour l'éditeur, il est en effet plus simple d'enthousiasmer les foules et la presse « Tech » sur l'arrivée d'un panneau d'emojis, un thème sombre ou d'éventuels futurs onglets dans l'explorateur de fichiers, que sur une gestion plus fine de la fréquence et du multi-threading des derniers CPU.
Pourtant, l'évolution de Windows 10 a accompagné celles des processeurs Core d'Intel et surtout des Ryzen (Threadripper) d'AMD. Depuis l'introduction de ces derniers en 2017, un long chemin a été parcouru pour intégrer leurs mécaniques de gestion de l'énergie, pilotes et autres fonctionnalités annexes. En général de manière discrète.
Pour s'en convaincre, il suffit de se pencher sur CPPC2, la seconde version du Collaborative Power and Performance Control. Elle n'est évoquée par aucun billet de blog de technique, comme c'est parfois fait pour DirectX, mais a été mise en avant par AMD pour Zen 2. La société expliquait comment la mise à jour de mai 2019 permettait de gérer les changements de fréquence bien plus rapidement au sein de ses processeurs, qui étaient donc plus efficaces.
Et même lorsque CPPC2 est évoquée dans la documentation de Windows (ici, là ou encore là), on ne peut pas dire que Microsoft soit prolixe. Dommage, d'autant que cela a constitué l'un des défis techniques de ces dernières années, notamment lorsqu'il s'agissait de déterminer le « meilleur » cœur des Ryzen 5000 (Zen 3).
Pour Windows 11, le défi sera ailleurs : il faudra notamment adapter le scheduler aux processeurs Alder Lake d'Intel. Ces derniers ont une particularité par rapport aux précédents modèles de bureau du fondeur : ils seront hybrides, équipés de cœurs pouvant être de compositions différentes, à la manière des SoC Big.Little chez ARM.
Dans leur cas, il s'agira des architectures Golden Cove (Big) et Gracemont (Little). Windows 11 devra donc apprendre quand privilégier les uns ou les autres, tant pour un PC fixe qu'un portable. Si certains ont évoqué les gains en performances apportés par les premières builds Windows 11, l'essentiel est ailleurs. Car ces choix peuvent avoir de lourdes implications sur le comportement de la machine, la consommation ou l'autonomie.
D'autant que les cœurs ne partageront pas forcément les mêmes jeux d'instructions. Si l'un peut profiter d'une accélération via DL-Boost ou AVX-512 mais pas l'autre, faut-il en profiter ou opter pour un temps d'exécution plus long si les petits cœurs offrent une meilleure efficacité énergétique ? Tout cela doit-il être pleinement automatisé ou parfois laissé à l'appréciation de l'utilisateur ? Des questions auxquelles Microsoft a dû répondre.
Car pour Alder Lake, qui sera officiellement connu sous le petit nom de Core de 12e génération, le lancement c'est maintenant... ou presque. Les modèles « K » seront les premiers dévoilés peu après la rentrée, d'autres déclinaisons devant arriver un peu plus tard, probablement à l'occasion du CES de Las Vegas en janvier.
Heureusement pour Microsoft et Intel, les processeurs Lakefield (1x Sunny Cove + 4x Tremont) sont disponibles depuis environ un an et ont pu servir de gallop d'essai. Pour rappel, ils s'agit d'une puce à conception hybride elle aussi, mais d'un genre différent : son TDP est de 7 watts seulement, avec un empilement des unités de calcul, des E/S et de la mémoire en 3D via la technologie Foveros d'Intel (voir cette vidéo).
Pour rappel, les processeurs Alder Lake seront gravés en 10 nm, gèreront la DDR5, des lignes PCIe 5.0 et quelques lignes PCIe 4.0, ainsi qu'une connectique avancée. Nécessitant le nouveau socket LGA 1700 et des chipsets de série 600, ils seront l'une des plus grandes évolutions architecturales d'Intel ces dernières années.
Favoriser le développement IA en utilisant les GPU autrement
Autre changement de taille que Windows 11 va accompagner : le fait que les cartes graphiques sont désormais bien plus qu'un produit à destination des joueurs, avec quelques accélérateurs multimédia. Ces dernières années, elles sont utilisées massivement pour des calculs hautement parallélisables, NVIDIA ayant poussé le concept plus loin avec l'intégration d'accélérateurs comme ses Tensor Cores (calculs matriciels, pour l'IA) et RT Cores (ray tracing).
Problème : une bonne partie de l'écosystème autour du développement IA et de l'exploitation des GPU s'est concentré sur des outils sous Linux. Notamment parce que des briques comme Docker ou Python y sont faciles à installer, ce qui n'a pas toujours été le cas sous Windows. Depuis, Microsoft a appris de ses erreurs.
C'est pour cela que la société travaille dur sur certaines briques et outils comme Visual Studio Code, son nouveau Terminal, winget pour l'installation et la mise à jour aisée d'applications, qui pourra accompagner la refonte de son Store. Il accueille d'ailleurs Python et des distributions Linux depuis quelque temps.
Ces dernières peuvent être installées via le sous-système Linux (WSL) introduit en 2016, exploitant un noyau spécifique à Microsoft et la virtualisation depuis sa WSL2 arrivé en 2020. L'évolution suivante est en développement : WSLg, qui permet d'exploiter des interfaces graphiques d'applications Linux, des GPU pour du calcul via CUDA ou DirectML, etc. NVIDIA a même publié un guide d'utilisation de sa bibliothèque RAPIDS.
Dès lors, on comprend mieux pourquoi une partie des annonces de ce soir feront l'objet d'une conférence spécifique visant les développeurs. On espère d'ailleurs que Microsoft fera le point plus sérieusement ce soir sur les évolutions multiplateformes de .Net et son projet Réunion qui sera bientôt finalisé.
Des travaux menés actuellement au sein de la version 21H2 de Windows 10 via le programme Insiders, devant se retrouver dans Windows 11. On attend d'ailleurs de voir si les branches de développement seront fusionnées.
L'installation rapide de WSL2 et winget sont natifs dans la build 21996 de Windows 11
Les clés de sécurité gagnent du terrain
Tout cela n'est rien sans l'évolution de la couche de sécurité. Sur ce terrain, Microsoft a déjà fait beaucoup avec Windows 10. On s'attend néanmoins à ce que l'authentification à deux facteurs ou sans mot de passe aille plus loin. Notamment avec les clés de sécurité en alternative aux fonctionnalités biométriques de Windows Hello.
On peut déjà les utiliser dans le navigateur, pour se connecter à des services comme ceux de Microsoft sans mot de passe. Mais pas pour se connecter à Windows sans passer par une application tierce, comme celle fournie par Yubico, ou un service comme Azure Active Directory. Windows 11 ne devrait pour le moment rien changer à cela.
La build qui a fuité il y a quelques jours a toutefois dévoilé une évolution intéressante : une telle clé, lorsqu'elle est associée à un compte Microsoft, peut être utilisée pour le lier au compte utilisateur de la machine sans effort pendant l'installation. Il suffit de la connecter au port USB, de taper son code PIN, et c'est réglé :
Quid de Windows on ARM, RISC-V ?
Autre sujet d'importance, mais qui fâche cette fois-ci : la stratégie ARM de Microsoft, qui tient pour le moment du pur désastre. Le choix exclusif de Qualcomm, qui n'a pas su mettre sur le marché des plateformes attractives, s'est révélé être l'erreur principale, laissant à Apple tout le loisir d'apparaître comme l'acteur de référence.
Si de multiples machines Windows 10 on ARM ont été annoncées, même au sein de la gamme Surface, elles étaient chères par rapport aux performances affichées et peu attractives par leurs fonctionnalités, ce qui explique sans doute la mollesse de l'écosystème à se constituer. Même Microsoft semble avoir presque abandonné.
On espère bien que Windows 11 marquera une inflexion et permettra de relancer la machine. D'autant que des acteurs comme MediaTek et NVIDIA ont annoncé un partenariat pour de nouveaux SoC ARM cette année, le géant américain misant gros sur de telles architectures pour se développer face à AMD et Intel.
Un SDL Qualcomm Snapdragon Windows on ARM est prévu... pour cet été
Un autre type d'architecture émerge peu à peu : RISC-V. Totalement ouverte, gérée par une fondation suisse, elle fait l'objet de toutes les attentions, de l'European Processor Initiative (EPI) à Intel, Samsung ou Tenstorrent pour des besoins plus ou moins spécifiques. Ubuntu vient d'être portée pour les cartes de SiFive et leurs SoC RISC-V.
L'un des paris de Redmond pourrait être de préparer au plus vite une version de Windows adaptée à de telles platerformes, pour ne pas faire la même erreur qu'à l'époque de la montée en puissance d'ARM. Est-ce que ce sera le cas avant Windows 12 ? Nous ne devrions pas avoir la réponse ce soir, mais espérons qu'elle viendra vite.