Sous le feu des critiques depuis plusieurs mois, Orange annonce des moyens supplémentaires pour entretenir le réseau cuivre et le service universel. 500 millions seront alloués cette année, avec une action plus ciblée dans certaines zones « plus sévèrement touchées ». Avec un arrière-gout de déjà vu…
En mars, Laure de la Raudière – nouvelle présidente de l’Arcep – affirmait devant la Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat que, sur le réseau cuivre, « la situation n’est pas acceptable ».
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Lors du compte rendu de sa mission flash sur le service universel, Célia de Lavergne (LReM) en remettait une couche et appelait « Orange à prendre ses responsabilités ».
Elle en profitait pour rappeler que le service universel « a été mis en place en 2002 et dans le cadre de la privatisation de France Télécom ». Il s’agissait d’avoir un « filet de sécurité qui permettait de garantir à chacun de nos concitoyens un accès de qualité et en continuité d'un service à un tarif abordable ».
Pour elle, les responsabilités sont doubles : « l'opérateur, qui au fond a failli à ses valeurs initiales de missions de service public, mais aussi à l'État qui a mal encadré ce service universel ».
Quelques semaines plus tard, Orange sort du bois et joue les pompiers face à l’incendie latent et à l'approche d'élections locales. La société affirme qu’elle va « renforce[r] le réseau cuivre », promesses chiffrées à l’appui.
Après les attaques, Orange prend des dispositions
L’opérateur rappelle qu’il « consacre chaque année des moyens importants à l’entretien de son réseau cuivre [sans plus de détails, ndlr], et ce en dépit de la baisse du nombre de clients qui sont chaque jour plus nombreux à basculer vers le réseau fibre ». Des efforts qui sont insuffisants selon de nombreux acteurs, clients, ainsi que le régulateur des télécoms, qui a déjà tapé du poing sur la table à plusieurs reprises (nous y reviendrons).
Sous pression, Orange « augmente les budgets consacrés à la maintenance du réseau cuivre (500 millions d’euros en 2021) ainsi que la part consacrée aux opérations de maintenance préventive (+ 24 % par rapport à 2018 pour chaque ligne cuivre en service) ». Seul l’avenir pourra nous dire si c’est suffisant pour redresser la barre.
Des recrutements, des actions ciblées
Le groupe détaille un peu son plan d’action : « Grâce à des recrutements complémentaires, au renforcement des binômes de techniciens mobilisables pour les interventions d’urgence et à l’amélioration des outils d’intelligence artificielle, Orange renforce ses leviers pour améliorer proactivement les points de fragilité éventuels du réseau ».
La question de la sous-traitance n’est pas évoquée alors que c'est l'un des points noirs soulevés par Célia de Laverge : les effectifs « sont aussi passés par la sous-traitance parce qu'ils ont pensé que c'était moins cher, que c'était plus simple, dégradant clairement le service ». « De 70 000 à 15 000 techniciens en 15 ans », ajoutait-elle.
Orange explique que des actions seront menées en priorité dans les « zones les plus sévèrement touchées par les problèmes de qualité de service sur le réseau cuivre ». L’opérateur promet ainsi « des moyens humains et financiers supplémentaires (représentant un budget équivalent à 10 % du budget de maintenance préventive pour 2021). Une première vague de 17 plans est ainsi lancée dès avril 2021 concernant 22 départements ». Cela va dans le sens des déclarations de Célia de Lavergne qui affirmait qu’Orange savait parfaitement où se trouvaient les problèmes.
D’autres engagements sont mis en avant par Orange, notamment « maintenir à son catalogue, jusqu'en 2023, les offres qui relevaient jusqu’à fin 2020 du service universel ("abonnement principal" et "réduction sociale téléphonique") ». La dernière convention signée en 2017 s’est en effet achevée le 3 décembre 2020, mais Orange va reprendre une dose de service universel, soit en étant volontaire, soit par une désignation d’office.
Les conditions restent encore à définir, mais Célia de Lavergne souhaite que le service universel soit divisé en deux parties – téléphonie et haut débit – avec de nouveaux indicateurs plus précis au niveau des territoires (et non pas nationaux). Stéphane Richard avait déjà pris les devants : « Il ne faut pas que des situations locales masquent le fait que sur un plan général un réseau cuivre fait l'objet d'allocation de moyens considérables ».
Orange annonce aussi qu’une « attention particulière pourra être apportée aux sujets relatifs à l’entretien du réseau cuivre (réparations des désordres visuels, remplacement de poteaux, opérations d’élagage ou d’enfouissement, lutte contre les actes de malveillance, …) »… en espérant que la pénurie ne viennent pas jouer les trouble-fête.
Le mobile et/ou le satellite à la rescousse
De plus, « l’ensemble des clients verront leur offre de téléphonie fixe complétée dès cet automne d’un service de prêt de mobile afin de maintenir un accès au service téléphonique en cas de dérangement. En cas de crise collective (ex. intempéries), Orange s’engage à mettre en place si besoin une solution de continuité d’accès par satellite dans la mairie de la commune (point d’accès WiFi) ». Il faudra voir les conditions et les délais de ces actions.
Dans le même temps, le fournisseur d’accès à Internet travaille « également à accélérer la migration des clients du cuivre vers la fibre lorsqu’elle est disponible » ; Orange est pour rappel une importante locomotive du déploiement de la fibre optique en France. Il est ensuite prévu de procéder au décommissionnement du réseau cuivre, qui devrait prendre encore une dizaine d’années au moins.
Comme un air de déjà vu
Le problème de l’entretien du réseau cuivre est cyclique : l’Arcep avait déjà tapé du poing sur la table en 2018 avec une mise en demeure par l’Arcep de « respecter ses obligations de qualité de service du service universel ».
Cela n’avait pas été du gout du FAI, qui avait déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) pour priver l’Arcep de son bâton de gendarme. Ce passement d’armes avait fait grand bruit, même si Orange l’a finalement retirée. Dans tous les cas, le FAI garde sous le coude « son arme nucléaire » expliquait le sénateur Patrick Chaize.
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Quelques années auparavant, en avril 2016, l’Arcep publiait un rapport qui mettait en avant des insuffisances sur la qualité du service universel. Il était question d’objectifs non tenus en 2013 et début 2014. Une enquête avait d’ailleurs été ouverte en mai 2014 et un plan d’action annoncé dans la foulée par Orange. Résultat des courses, les indicateurs étaient revenus « à un niveau satisfaisant » en 2015… avant donc de se dégrader à nouveau.
Bref, c’est une même histoire qui revient de manière plus ou moins régulière. Célia de Lavergne résumait ainsi la situation dans son rapport : quand les pouvoirs publics et/ou le régulateur tapent du poing sur la table et demandent d’améliorer la qualité de service, « ça les force à recruter ».
Pour la députée, cela démontre que l’opérateur historique sait parfaitement où se trouve le problème.