La domination et la centralisation, les ennemis numéro un du web

À nous de diversifier nos usages

L'ultra domination de Windows dans le monde de l'informatique a fait énormément couler d'encre à une certaine époque. Aujourd'hui, le débat déchaîne moins les passions, néanmoins, il pourrait bien se déplacer sur le web, tant les risques sont majeurs.

 

Depuis une vingtaine d'années, le marché informatique et du web a plus ou moins naturellement désigné des leaders parfois incontestés. Windows, Intel, ASUS, Internet Explorer (il y a 10 ans), Google, iTunes, l'iPod, l'iPad, MegaUpload, Android, Western Digital, YouTube, Facebook, etc. Dans certains secteurs, il arrive ainsi qu'un seul et unique produit ou service capte plus de 90 % du marché. Au pire des cas, deux acteurs suffisent pour atteindre une telle domination. Hors exception, les marchés de l'informatique, de l'électronique et du web n'aiment pas la diversité, et les consommateurs suivent les tendances assez rapidement.

 

Se tourner vers le dominant est en effet pratique à bien des égards. Cela permet de profiter d'un suivi, d'un développement a priori rapide, d'un écosystème et d'un contenu complet, d'une audience énorme (si l'on est développeurs par exemple), etc. Bref, le leader est rassurant. Mais il peut aussi être un danger, ceci parfois à notre insu. Ces dernières années, les plaintes ou critiques au sujet de certaines dominations se sont ainsi multipliées. Les opérateurs mobiles sont ainsi particulièrement gênés par la domination d'Android et d'iOS (pour des raisons financières), et même certains gouvernements, en Chine par exemple, s'en émeuvent.

Sur le web, la domination d'un acteur, et donc la concentration de centaines de millions d'internautes, est tout aussi problématique, ceci principalement pour diverses raisons.

La question de l'influence

Les cas les plus emblématiques sur le web sont de façon évidente ceux de Google et d'Apple. Le premier, avec une part de marché dans la recherche supérieure à 90 % dans certains pays, en Europe notamment, a une influence sur bien des entreprises à un point inimaginable il y a encore quelques années. Aujourd'hui, en modifiant ses algorithmes, Google peut faire fondre en une petite journée le chiffre d'affaires de milliers de sites, les poussant à mettre la clé sous la porte dans le pire des cas. Pire encore, Google exploite son milliard de visiteurs mensuels pour concurrencer de plus en plus de services, ce qui ne fait qu'accroître sa domination et donc son influence. Un cercle vicieux, mais vertueux pour Google, qui semble sans fin tant la machine est désormais bien rodée.

 

Les exemples de l'influence sont innombrables et peuvent donner le tournis. Le problème est d'ailleurs on ne peut plus sérieux, puisque Google est dans l'œil du viseur de la Commission européenne et de la FTC (USA) depuis un certain moment. De nombreuses sociétés ont ainsi porté plainte contre Google pour abus de position dominante, à l'instar de Twenga l'an passé.

Bastien Duclaux, le co-fondateur et Directeur Général de Twenga, expliquait ainsi son point de vue sur le sujet : « Les pratiques abusives de Google se sont considérablement renforcées en 2011, avec une volonté affichée d'éliminer toute forme de concurrence dans de nombreux secteurs tels que la recherche de vidéos, la recherche d'hôtels, la recherche de produits, la comparaison de billets d'avion, en dépit des enquêtes antitrust en cours en Europe et aux États-Unis ». En début d'année, la FTC a toutefois estimé que Google ne violait aucune règle antitrust. L'Europe, toutefois, n'a pas enterré la hache de guerre.

 


Concernant Apple, son service iTunes Store ne doit pas être pris à la légère. Numéro un des ventes tous supports confondus aux USA depuis déjà 2008, iTunes est un passage obligé pour toutes maisons de disques et tout artiste souhaitant voir sa musique se vendre. Et ce n'est pas l'essor du streaming qui changera cette situation, les modèles et les gains étant différents. Aujourd'hui, iTunes représente les deux tiers des ventes en ligne et près d'un tiers de toutes les ventes de musique, devançant toutes les enseignes physiques, qui de toute façon ferment les unes après les autres. Et son influence est tangible depuis de nombreuses années.

En 2010, la major EMI, rachetée depuis peu par Universal Music, ne cachait pas sa crainte d'iTunes dans son rapport financier : « La forte dépendance sur un nombre limité de magasins de musique en ligne, en particulier l'iTunes Store, pour la vente d'enregistrements musicaux, ainsi que l'influence significative résultante qu'ils peuvent exercer sur la structure des prix des magasins de musique en ligne » était ainsi un risque majeur auquel devait et doit encore faire face les maisons de disques. Or trois ans plus tard, le poids d'iTunes dans le marché de la musique s'est largement renforcé. Certes, des sociétés comme Universal Music et Warner Music ont aussi pris du poids, néanmoins, iTunes demeure un monstre et la situation n'est pas près de changer.

 

D'autres sociétés, logiciels et services peuvent aussi être pris en exemple. Internet Explorer, lorsqu'il détenait plus de 90 % du marché, a aussi eu son lot d'influence, notamment sur le développement des sites et les normes appliquées. 

La question de la gestion du réseau

Ils se nomment YouTube et Netflix. Ils se nommaient MegaUpload et MegaVideo. Leurs points communs ? Capter une audience gigantesque, notamment en soirée, et avoir un système centralisé. Si le logiciel très répandu qu'est Skype a pour atout majeur d'exploiter le P2P, les autres services nommés sont tous centralisés et se basent donc tous sur leurs serveurs, leurs capacités de réseaux et celles des FAI. Peu importe le pays, une telle quantité de données est problématique, même si augmenter les capacités serait suffisant pour résoudre la congestion des réseaux. Encore faut-il en avoir la volonté...

 

Il y a deux ans, une étude pointait l'importance gigantesque de Netflix aux USA. Le service de vidéo à la demande illimité représentait ainsi près de 30 % du trafic web lors de certains pics en soirée. Un taux monstrueux pour un seul et unique service, qui a soulevé bien des questions, que ce soit en matière d'infrastructures ou de neutralité du net. En 2010, alors que Netflix n'atteignait « que » 20 % du trafic en soirée, la presse américaine s'inquiétait ainsi déjà de la situation. Et l'essor des TV connectées ne fait que renforcer le phénomène, au point qu'un tiers du trafic nord-américain était capté par Netflix il y a près de six mois lors des pics d'audience.

 

 

Pour YouTube, la problématique est similaire. Si le P2P représentait il y a encore quelques années la majorité du trafic en Europe, aujourd'hui, la vidéo en streaming a pris un poids considérable. YouTube, à lui seul, représenterait près d'un tiers de la consommation sur les réseaux mobiles aux USA, et près de 20 % en Europe lors des pics d'audience. Et la consommation sur les réseaux fixes est considérable, notamment en soirée. Une situation qui oblige les FAI du monde entier à s'adapter, avec plus ou moins de succès. Les pays où l'on paie au Go n'ont que peu de problèmes, la consommation générée par YouTube (ou Netflix) étant compensée par une hausse du tarif de l'abonnement. Pour les pays où l'accès est totalement illimité, telle la France, la solution est plus complexe, nous en avons longuement parlé ces derniers mois.

 

Néanmoins, comme le mentionnait l'opérateur de transit Cogent en 2011 en pleine affaire MegaUpload vs Orange, la congestion des réseaux a parfois bon dos pour les FAI : « France Telecom s’exprime volontiers publiquement sur la congestion des réseaux, mais force est de constater que lorsqu’il s’agit de fournir à ses clients des flux de données de plusieurs mégabits pour ses propres services (vidéo à la demande), cette prétendue congestion ne semble pas poser de problèmes… » Preuve que la situation est plus complexe qu'elle n'en a l'air et que tout ceci est principalement une question d'argent et de captation d'audience.


Les concentrations-dominations entrainent d'autres types problèmes que nous ne développerons pas ici. L'importance de Facebook est logiquement un souci vis-à-vis de la gestion des données personnelles par exemple.

La diversité avant tout

Globalement, laisser un acteur ultra dominer un secteur est sans contestation possible problématique, quand bien même des avantages nombreux peuvent en être tirés (services gratuits, catalogue gigantesque, etc.). La diversité couplée à la décentralisation (s'il s'agit d'un service gourmand en trafic) est ainsi la seule solution viable si nous souhaitons éviter certaines déconvenues dans le futur. Le meilleur exemple récent est évidemment le marché des navigateurs.

 

Véritable contre-exemple il y a une bonne dizaine d'années, l'émergence de Firefox puis de Chrome ont totalement modifié le paysage et fait évoluer le web à une vitesse étonnante, alors que la stagnation était de mise auparavant. Aujourd'hui, même si cela varie selon les pays, Internet Explorer, Firefox et Chrome disposent de fortes parts de marché. Et même Safari est en essor. Le secteur des navigateurs n'est toutefois pas à l'abri de tomber dans certains travers. Google Chrome croît constamment et nous ne savons pas où il s'arrêtera. Quant à Webkit, il équipe trois des cinq plus gros navigateurs du marché fixe, et son poids dans le mobile est gigantesque.

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