La grande loi sur l’audiovisuel ayant été abandonnée et le projet de loi sur le piratage encore incertain, les députés LREM ont déposé une proposition de loi dédiée au monde du sport. Des dispositions s'attaquent tout particulièrement aux contrefaçons dans ce secteur, armées d'ambitieux outils. Explications.
Avec leur proposition de loi destinée à « démocratiser le sport en France », les parlementaires de la majorité veulent « faciliter l’accès aux pratiques physiques et sportives pour tous les Français, et notamment ceux qui en sont aujourd’hui les plus éloignés ».
Cet objectif « implique de faciliter l’accès aux infrastructures, multiplier les aménagements de plein air et de mener des actions de sensibilisation, d’améliorer le quotidien des bénévoles et des pratiques en club dans un cadre d’organisation renouvelé ».
Mais pas seulement. Crampons aux pieds, les députés LREM profitent de la fenêtre pour intensifier la lutte contre la retransmission illicite des manifestations et compétitions sportives. La raison nous avait été expliquée par Aurore Bergé : quand les droits du foot baissent en valeur, « ce n’est pas juste la ligue qui va en souffrir, c’est tout le financement du foot amateur, votre gamin qui va à son club le dimanche, club qui bénéficie du financement de la ligue grâce à la taxe Buffet ».
La taxe sur la cession de droits télévisés d'événements sportifs prévue à l’article 302 bis ZE du Code général des impôts. Son taux est fixé à 5 % du montant des encaissements. Son produit « atteint environ 50 millions d’euros, contribue au financement du sport à hauteur d’une part plafonnée, augmentée en 2019 de 25 à 40 millions d’euros », chiffre sur ce point, le rapport de la députée relatif à la communication audiovisuelle.
Le sujet des compétitions sportives avait déjà intéressé la Hadopi et le CSA. En mars 2020, dans une étude écrite à quatre mains, les deux autorités relevaient aussi que « les éditeurs de télévision, en particulier les chaînes payantes, subissent la concurrence déloyale d’acteurs illégaux qui captent une audience importante sans jamais avoir acquis de droits de diffusion de compétitions sportives ». « La consommation d’offres illégales constitue une perte et génère un manque à gagner en termes d’abonnements et d’audience ».
Une trousse à outils taillée contre le streaming illicite
Le texte veut compléter le Code du sport avec un arsenal taillé pour la lutte contre le piratage de ces compétitions, notamment en streaming. Concrètement, une chaine ou une ligue sportive pourra saisir le président du tribunal judiciaire pour obtenir « toutes mesures proportionnées propres à prévenir ou à faire cesser cette atteinte, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier ».
La plume est volontairement floue et généreuse pour permettre à la juridiction d’envisager toutes les mesures possibles pour faire cesser l’atteinte à ses intérêts. Cette procédure devra concerner un site qui diffuse de manière répétée des matchs (de foot ou autre) sans autorisation.
La mesure envisagée est particulièrement ambitieuse puisque le texte autorise le président du tribunal judiciaire à ordonner, au besoin sous astreinte, la mise en œuvre de ces mesures de blocage pour chacune des journées du championnat, ce sur un an.
Le blocage, le retrait ou le déréférencement pourra donc être décidé avant que l’infraction ne soit répétée. Mieux, la décision pourra viser un site nommément ou même un site qui n’a pas encore été identifié à date. C’est le système de l’ordonnance dynamique qui devrait rendre jalouses les industries culturelles.
Un blocage des sites futurs, via une ordonnance dynamique
Pour s’attaquer à ces sites ou miroirs futurs, la ligue ou la chaîne communiquera aux FAI ou encore aux moteurs leurs « données d’identification nécessaires » en suivant les modalités recommandées par la Hadopi. Soit une sorte de liste noire que les FAI auront à bloquer.
Dans ce cadre, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet se voit en outre chargée d’établir des modèles d’accord type que les parties prenantes (titulaires de droits, ligues professionnelles, les chaînes, les FAI, et toute personne susceptible de contribuer à remédier aux atteintes) seront invitées à signer.
Ces accords détermineront :
- les conditions d’information réciproque en cas de violations des droits
- les mesures qu’elles s’engagent à prendre pour les faire cesser
- l’intervention, si nécessaire, de la Hadopi pour constater l’existence de ces violations et la répartition du coût de ces mesures
Des agents de la Hadopi assermentés
Le texte entend également assermenter les agents de la Hadopi à constater les faits susceptibles de constituer des atteintes aux droits des acteurs concernés. Ils pourront agir directement, ou sur saisine du titulaire de droits, de la ligue ou de la chaîne.
Ils pourront dans ce cadre,
- Participer sous un pseudonyme à des échanges électroniques
- Reproduire des œuvres
- Extraire, acquérir ou conserver des éléments de preuve
- Acquérir et étudier les matériels et logiciels propres à faciliter la commission des atteintes aux droits (en pense aux box Kodi)
Leurs constats seront consignés dans un procès-verbal. Ces agents Hadopiens seront même habilités à informer les titulaires de droits, la ligue professionnelle ou la chaîne de TV « des faits qu’ils ont constatés et leur communiquer tout document utile à la défense de leurs droits ».
Leur constat permettra de nourrir leur mission (notamment en amont de l’identification de ces sites), et faciliter les actions des acteurs privés, outre l’exécution des décisions de justice à l’égard des sites miroirs. Pour ces derniers, voilà un moyen économique de déporter sur l’État la charge des différents constats qu’ils auraient normalement été amenés à dresser.