Open Data des décisions de justice : le ministère de la Justice tenu de publier (enfin) un calendrier

Open Data des décisions de justice : le ministère de la Justice tenu de publier (enfin) un calendrier

2016-2021

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Marc Rees

Publié dans

Droit

25/01/2021 4 minutes
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Open Data des décisions de justice : le ministère de la Justice tenu de publier (enfin) un calendrier

Le Conseil d’État exige du ministère de la Justice la publication du texte d’application d’une disposition de la loi Lemaire orchestrant l’Open Data des décisions de justice. Un long combat puisque cette loi sur la République Numérique fut publiée voilà plus de… quatre ans.

Souvenez-vous. Dans ses articles 20 et 21, la loi Lemaire du 7 octobre 2016 prévoyait la mise à disposition du public des décisions rendues par les juridictions civiles comme administratives. Un valeureux effort au profit de l’Open Data des décisions de justice, trop souvent inaccessibles pour le commun des mortels sauf à être abonnés à des publications spécialisées.

Le Parlement avait renvoyé à un décret le soin de détailler quelques menues questions, puisque ces mises à disposition du public doivent se faire « dans le respect de la vie privée des personnes concernées » outre être précédées « d'une analyse du risque de ré-identification ».

En décembre 2016, la Chancellerie nous indiquait cependant que le basculement vers cette ouverture ne se ferait pas d’un claquement de doigt. Compte tenu de l’ampleur du chantier, cette mise à disposition ne serait que « progressi[ve] et sur plusieurs années »...

La patience ayant ses limites, l’association Ouvre-Boîte, qui milite pour cette ouverture, avait saisi le Conseil d’État dès 2018 pour espérer l’effectivité de ce chantier. Sa procédure visait d’abord la non-publication du fameux décret.

De la loi Lemaire au décret de juin 2020

Problème, entre-temps, la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice modifia les textes introduits par la Loi Lemaire pour étendre cette obligation d’occultation (version antérieure, version modifiée)

Désormais, « lorsque sa divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage, est également occulté tout élément permettant d'identifier les parties, les tiers, les magistrats et les membres du greffe ».

Et le même texte d’interdire que les données d'identité des magistrats et des membres du greffe, lorsqu’elles sont disponibles, puissent « faire l'objet d'une réutilisation ayant pour objet ou pour effet d'évaluer, d'analyser, de comparer ou de prédire leurs pratiques professionnelles réelles ou supposées ».

Ce n’est donc finalement que le 30 juin 2020 que le fameux décret attendu depuis 2016 fut publié. 

Satisfaction de l’association Ouvre-Boîte ? Pas vraiment : l’aventure rebondissait puisque ce texte administratif chargeait le garde des Sceaux de prendre cette fois un arrêté pour définir la date à compter de laquelle les décisions de justice seraient finalement mises à la disposition du public. Dans l’intervalle, le décret explique que la situation reste inchangée, et qu’il n’y a donc pas d’Open Data des décisions de justice contrairement à ce qu’impose la loi.

open data décision

Un arrêté à publier dans les trois mois

Le Conseil d’État n’a pas suivi les conclusions du gouvernement qui militaient pour un non-lieu, le décret réclamé ayant été publié entre-temps.

Dans son arrêt du 21 janvier dernier, la haute juridiction administrative rappelle en effet que « l'exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit mais aussi l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi, hors le cas où le respect d'engagements internationaux de la France y ferait obstacle ».

Et, comme ici, « lorsqu'un décret pris pour l'application d'une loi renvoie lui-même à un arrêté la détermination de certaines mesures nécessaires à cette application, cet arrêté doit également intervenir dans un délai raisonnable ». Et pas quatre ou cinq ans après la loi qui lui sert de socle.

En conséquence, le Conseil d’État ordonne au ministre de la Justice de prendre ce fameux arrêté « dans un délai de trois mois ».

Pour l’association Ouvre-Boîte, à l’origine de la procédure, cette décision « ne veut pas dire que l'open data sera effectif dans trois mois ». L’arrêté fixera en effet le calendrier de déploiement permettant de savoir quelles données seront disponibles et quand.

Elle note au passage qu’en judiciaire, « d'après les prises de position de la Cour de cassation, une mise à disposition de toutes les décisions des hautes juridictions pourrait intervenir d'ici la fin de l'année, et on viserait début 2022 pour les cours d'appel ». 

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Écrit par Marc Rees

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

De la loi Lemaire au décret de juin 2020

Un arrêté à publier dans les trois mois

Commentaires (4)


Quelques idées d’autres lois qui attendent leurs décrets ?
J’ai comme l’impression qu’il doit y en avoir un bon paquet.



Fabz31 a dit:


Quelques idées d’autres lois qui attendent leurs décrets ? J’ai comme l’impression qu’il doit y en avoir un bon paquet.




J’ai pas dressé d’inventaire, mais tu peux trouver l’info sur chaque texte publié au JO, rubrique “état d’application de la loi”
Ex sur la PPl Avia https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl18-645.html (tout en bas)


Merci, j’avais déjà cherché cette rubrique mais sans la trouver.



Dommage qu’on ne puisse pas faire une recherche en fonction de ce critère.