Un étonnant ballet cosmique de cinq exoplanètes « questionne les théories de formation planétaire »

Un étonnant ballet cosmique de cinq exoplanètes « questionne les théories de formation planétaire »

Un système ordonné et chaotique

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Sébastien Gavois

Publié dans

Sciences et espace

25/01/2021 8 minutes
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Un étonnant ballet cosmique de cinq exoplanètes « questionne les théories de formation planétaire »

En combinant les données de plusieurs télescopes, des astronomes ont découvert un système solaire avec six exoplanètes, dont cinq réalisent « un véritable ballet cosmique autour de leur étoile centrale ». Pour les chercheurs, cela « questionne notre compréhension de la formation et de l’évolution des systèmes planétaires ».

Notre Système solaire est bien connu et documenté, notamment grâce aux nombreuses sondes d’explorations qui le parcourent depuis des dizaines d’années. La Terre est évidemment la planète sur laquelle nous avons le plus de données, mais Mars, Vénus et les autres ne sont pas en reste. 

Nous savons également bien comment le Soleil – notre étoile – s’est formé et, avec lui, les planètes, la ceinture d’astéroïdes, le nuage de Oort, etc. De nombreux télescopes ont aussi participé à la découverte et aux premières analyses d’autres systèmes solaires dans l’univers. Autour des étoiles, on trouve parfois des exoplanètes, certaines plus ou moins semblables à la Terre de par leurs positions, leurs tailles, leurs densités, etc.

Aujourd’hui, l’European Southern Observatory nous emmène à 200 années-lumière de la Terre, dans le système TOI-178. Ce dernier est à la fois très loin de nous à la minuscule échelle de notre Terre, mais aussi juste à côté par rapport à l’immensité de l’Univers (la partie observable est une sphère de 93 milliards d'années-lumière de diamètre). Ce système était déjà connu, mais il est bien plus riche en exoplanètes que laissaient le penser les premières analyses.

« Des observations plus poussées nous ont permis de comprendre que le système n’était pas constitué de deux planètes orbitant à distance semblables de leur étoile, mais de plusieurs planètes situées dans une configuration bien particulière », explique Adrien Leleu, auteur principal de la publication à venir dans Astronomy & Astrophysics.

« Un ballet cosmique » d’exoplanètes

Les observations ont été faites via plusieurs sources, aussi bien au sol que dans l’espace : le satellite CHEOPS de l’Agence Spatiale Européenne spécialisé dans la traque d’exoplanètes, ainsi que les instruments NGTS et SPECULOOS de l’Observatoire de Paranal de l’ESO au Chili.

Ils étaient utilisés pour des mesures de transits, c’est-à-dire lorsque les exoplanètes passent devant leur étoile, provoquant donc une diminution de la lumière émise par celle-ci vue depuis le télescope. L’instrument ESPRESSO du Very Large Telescope (VLT) de l’ESO était aussi mis à contribution pour mesurer les vitesses radiales.

Au total, six exoplanètes ont été identifiées, affirment les astronomes. Elles sont « caractérisées par des dimensions comprises entre un et trois diamètres terrestres, leurs masses s’échelonnent entre 1,5 et 30 masses terrestres ». Dans notre Système solaire, Jupiter et Saturne sont bien au-delà de ces chiffres avec 1317 fois le volume et 317 fois la masse de la Terre pour la première, contre respectivement 757 et 95 fois pour la seconde.

Certaines sont rocheuses – comme Mercure, Vénus, la Terre et Mars – mais avec un diamètre supérieur à notre planète bleue, on parle alors de « super-Terres ». D’autres sont gazeuses – comme Jupiter et Saturne – mais avec un diamètre nettement inférieur à celui de Neptune, on parle alors de « mini-Neptunes ».

La planète la plus proche de l’étoile (donc aussi la plus rapide) fait un tour complet en quelques jours seulement – 88 jours pour Mercure, la plus proche du Soleil – tandis que la plus éloignée ne met que « dix fois plus de temps ». Là encore, ce n’est pas la même échelle que dans notre Système solaire ou Neptune met plus de 160 ans pour faire un tour.

Sur les six exoplanètes, les cinq plus éloignées de l’étoile ont un comportement particulier : elles « décrivent un ballet cosmique lorsqu’elles se déplacent sur leurs orbites respectives. En d’autres termes, elles sont en résonance », résume l’ESO. Cette particularité implique « que des configurations planétaires particulières se reproduisent à intervalles de temps réguliers, certaines planètes s’alignant à quelques orbites de distance ».

Une chaine de résonnance en cinq temps : 18:9:6:4:3

Un tel phénomène n’est pas nouveau ou inconnu. On le retrouve dans notre Système solaire, pas forcément avec les planètes, mais avec Jupiter et plusieurs de ses satellites naturels (Ganymède, Europe et Io) : ils sont dans une configuration 1:2:4. Cela signifie que quand Ganymede réalise une orbite complète autour de Jupiter, Europe en fait deux et Io quatre.

Les cinq planètes extérieures du système TOI-178 décrivent une chaîne de résonance de type 18:9:6:4:3. Pendant que la première planète du quintette décrit 18 tours autour de son orbite, la seconde en fait 9, la troisième 6, la quatrième 4 et la cinquième 3.

Dans le cas du système TOI-178, la chaîne de résonance est donc « bien plus complexe » qu’avec les lunes de Jupiter, ajoute l’European Southern Observatory. De plus, c’est l'une des chaines les « plus longues découvertes à ce jour au sein d’un système planétaire ».

Pour montrer en images et en musique le résultat, l’ESO publie un schéma des orbites avec une note de musique spécifique à chaque planète impliquée dans la résonnance : « cette note retentit lorsqu’une planète effectue une orbite complète ou une demi-orbite. Lorsque les planètes s’alignent à ces points précis de leur orbite, elles résonnent ».

Une exoplanète détectée grâce à des calculs

L’ESO explique que, « à l’origine, les scientifiques ne connaissaient l’existence que de cinq des six planètes du système. Mais en suivant le rythme de cette résonance, ils ont déterminé par le calcul la position qu’occuperait la sixième planète lors de leur prochaine fenêtre d’observation ». On calcule et on confirme ensuite par des observations, c’est l'un des fondements de l’astronomie moderne.

Au-delà de la « curiosité mathématique » – et en laissant de côté la première exoplanète qui n’est pas en résonnance avec les autres – cette situation « fournit de précieux indices concernant l’histoire du système » : « Les orbites de ce système planétaire sont parfaitement ordonnées [elles sont dans un ordre décroissant, ndlr], ce qui suggère que ce système a lentement et doucement évolué depuis sa naissance », explique Yann Alibert co-auteur de l’étude. En effet, en cas de perturbation majeure – un impact géant sur une des planètes par exemple – le fragile équilibre de TOI-178 aurait très certainement volé en éclat.

Contraste entre « harmonie rythmique » et « dissonance des densités »

Autre facteur de surprise : la densité des planètes qui semble « assez aléatoire », selon Nathan Hara, également impliqué dans la publication scientifique : « une planète aussi dense que la Terre se situe non loin d’une planète cotonneuse caractérisée par une densité inférieure de moitié à celle de Neptune, suivie d’une planète de même densité que Neptune ». Or, « ce n’est pas ce à quoi nous sommes habitués ».

Si l’on prend encore notre Système solaire comme base de comparaison, nous pouvons le découper en deux : quatre planètes telluriques – Mercure, Vénus, Terre et Mars – pour commencer, suivies par quatre géantes – Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune – mais ces quatre dernières ont toutes une densité entre trois et huit fois inférieure à celle de la Terre.

TOI-178 présente donc deux facettes presque antinomiques pour les astronomes : d’un côté une « harmonie rythmique du ballet orbital » (des planètes en résonnance et ordonnées), de l’autre des planètes qui ne sont pas « correctement rangées » par leur densité. Pour Adrien Leleu (auteur principal de l’étude), ce contraste soulève des questions sur « notre compréhension de la formation et de l’évolution des systèmes planétaires ».

Vers d’autres détections grâce à la chaîne de résonance ?

Pour le moment, aucune des six exoplanètes de ce système solaire ne se trouve dans la zone habitable de leur étoile, mais les chercheurs « imaginent qu’en suivant la chaîne de résonance, ils pourraient détecter d’autres planètes potentiellement situées à l’intérieur ou en périphérie de cette région ». D’une manière ou d’une autre, les chercheurs espèrent à l’avenir mieux connaître les systèmes solaires tels que TOI-178.

Cela pourrait être une mission pour le futur Extremely Large Telescope (ELT) de l’ESO (mise en service prévue en 2025), car il sera « en mesure d’imager directement les exoplanètes rocheuses situées dans la zone habitable d’une étoile et de caractériser leurs atmosphères », ajoute l’European Southern Observatory. L’ELT devra aussi se pencher sur la « mort » de la galaxie ID2299, dont les observations soulèvent aussi de nombreuses questions.

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Écrit par Sébastien Gavois

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Sommaire de l'article

Introduction

« Un ballet cosmique » d’exoplanètes

Une chaine de résonnance en cinq temps : 18:9:6:4:3

Une exoplanète détectée grâce à des calculs

Contraste entre « harmonie rythmique » et « dissonance des densités »

Vers d’autres détections grâce à la chaîne de résonance ?

Commentaires (12)


Fascinant.


la partie observable est une sphère de 93 milliards d’années-lumière de diamètre



… plutôt 13 milliards non ?



L’âge de l’Univers est estimé, en juin 2014, à environ 13,8 milliards d’années [13,798 (± 0,037) x 109 ans13]. La lumière émise par un astre ne peut pas avoir voyagé plus de 13,8 milliards d’années. Par conséquent la lumière issue des objets les plus éloignés que nous puissions détecter, à la limite de la partie observable de notre Univers, aura mis 13,8 milliards d’années pour nous parvenir. Pendant ce temps la lumière aura parcouru 13,8 milliards d’années-lumière et par conséquent ce nombre fixe commodément la distance comobile de la partie observable de notre Univers.
C’est une autre question de savoir à quelle distance géométrique se situent actuellement les objets dont nous recevons la lumière, 13,8 milliards d’années après qu’ils l’ont émise. Pour déterminer cette distance, il faut adopter un modèle d’univers et connaissant la vitesse d’expansion de l’espace en déduire la distance dont se sera éloigné l’objet considéré depuis l’émission des photons. Dans le cadre du modèle standard de la cosmologie la distance actuelle de l’horizon cosmologique est de l’ordre de 46,5 milliards d’années-lumière. Le diamètre de l’Univers observable est estimé à environ 93 milliards d’années-lumière




fr.wikipedia.org/wiki/Univers_observable


serpolet


L’âge de l’Univers est estimé, en juin 2014, à environ 13,8 milliards d’années [13,798 (± 0,037) x 109 ans13]. La lumière émise par un astre ne peut pas avoir voyagé plus de 13,8 milliards d’années. Par conséquent la lumière issue des objets les plus éloignés que nous puissions détecter, à la limite de la partie observable de notre Univers, aura mis 13,8 milliards d’années pour nous parvenir. Pendant ce temps la lumière aura parcouru 13,8 milliards d’années-lumière et par conséquent ce nombre fixe commodément la distance comobile de la partie observable de notre Univers.
C’est une autre question de savoir à quelle distance géométrique se situent actuellement les objets dont nous recevons la lumière, 13,8 milliards d’années après qu’ils l’ont émise. Pour déterminer cette distance, il faut adopter un modèle d’univers et connaissant la vitesse d’expansion de l’espace en déduire la distance dont se sera éloigné l’objet considéré depuis l’émission des photons. Dans le cadre du modèle standard de la cosmologie la distance actuelle de l’horizon cosmologique est de l’ordre de 46,5 milliards d’années-lumière. Le diamètre de l’Univers observable est estimé à environ 93 milliards d’années-lumière




fr.wikipedia.org/wiki/Univers_observable


Merci, voilà quelque chose que j’ignorais également.
:inpactitude:


serpolet


L’âge de l’Univers est estimé, en juin 2014, à environ 13,8 milliards d’années [13,798 (± 0,037) x 109 ans13]. La lumière émise par un astre ne peut pas avoir voyagé plus de 13,8 milliards d’années. Par conséquent la lumière issue des objets les plus éloignés que nous puissions détecter, à la limite de la partie observable de notre Univers, aura mis 13,8 milliards d’années pour nous parvenir. Pendant ce temps la lumière aura parcouru 13,8 milliards d’années-lumière et par conséquent ce nombre fixe commodément la distance comobile de la partie observable de notre Univers.
C’est une autre question de savoir à quelle distance géométrique se situent actuellement les objets dont nous recevons la lumière, 13,8 milliards d’années après qu’ils l’ont émise. Pour déterminer cette distance, il faut adopter un modèle d’univers et connaissant la vitesse d’expansion de l’espace en déduire la distance dont se sera éloigné l’objet considéré depuis l’émission des photons. Dans le cadre du modèle standard de la cosmologie la distance actuelle de l’horizon cosmologique est de l’ordre de 46,5 milliards d’années-lumière. Le diamètre de l’Univers observable est estimé à environ 93 milliards d’années-lumière




fr.wikipedia.org/wiki/Univers_observable


Certes, mais rien d’aussi âgé est visible et on ne sait pas à quoi cela peut ressembler aujourd’hui. Beaucoup d’étoiles ont disparu.


Au temps pour moi :incline:


Merci pour cet article étonnant !



En tant que musicos, je trouve ce phénomène de résonnance - que je compare au phénomène de résonance sympathique, des cordes d’une guitare par exemple se mettent à vibrer spontanément lorsque l’on joue une note en relation harmonique avec leur note de base - fascinant, mais jamais je n’aurais pensé qu’on puisse trouver autant d’objets astronomiques aux orbites “accordées” en même temps !



Là c’est quasi tout un système - cinq corps sur six ! - qui vibre en harmonie, preuve effectivement de l’absence de perturbation significative provenant d’autres corps potentiels (comme l’indique l’auteur, il est très possible qu’il y ait bien plus que six planètes ou objets dans ce système).



Aaahhh, si notre tout petit, microscopique monde pouvait fonctionner ainsi, chacun trouvant sa vibe perso, résonnant en harmonie avec celle des autres et avec la Nature, composant ainsi les plus beaux accords et arpèges cosmiques !



===> Parti sur mon nuage, ne pas déranger svp, thx… ===>


J’ai signalé des erreurs hier. J’ai eu une notification disant qu’elles étaient corrigées, sauf que seule une des trois signalées l’est…



C’est surtout celle-là qui ne va pas du tout :
« Cela signifie que quand Io réalise une orbite compète autour de Jupiter, Europe en fait deux et Ganymède quatre »



Dans mon signalement, j’avais proposé l’inverse : « Cela signifie que quand Ganymède réalise une orbite compète autour de Jupiter, Europe en fait deux et Io quatre »
(Des trois satellites cités, Io est le plus proche de Jupiter : il ne peut donc pas orbiter plus lentement qu’Europe et a fortiori Ganymède, qui est encore plus éloigné…)



(reply:1850635:Trit’)




:chinois:
Exact. Et c’est aussi pour cela qu’il faut citer les planètes dans le bon ordre :
Ganymède, Europe et Io sont dans une résonance 1:2:4



Et pas l’inverse.



(reply:1850635:Trit’)




Je pense, que c’est en partie à cause de moi qui ai proposé hier la correction “Io/Europe/Ganymède” (au lieu de “Europe/Europe/Ganymède” dans l’article de départ).
Avant de me rendre compte que c’était dans l’ordre inverse et de reproposer une correction (avant que ça soit corrigé).


Ah, oui, c’est maintenant corrigé (pour de bon). Merci d’avoir « corrigé » ta correction, et à Vincent (si c’est encore lui qui s’y est collé) !