Observation du Soleil : une « heureuse coïncidence » pour Solar Orbiter

Observation du Soleil : une « heureuse coïncidence » pour Solar Orbiter

La chance, ça se provoque

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Sébastien Gavois

Publié dans

Sciences et espace

20/05/2021 6 minutes
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Observation du Soleil : une « heureuse coïncidence » pour Solar Orbiter

Parfois la nature est capricieuse et rien ne se déroule comme prévu, alors que dans d’autres cas une succession de coïncidences permet d’aller plus loin que prévu. C’était le cas il y a quelques semaines avec Solar Orbiter qui étudie le Soleil, alors que la sonde n’a même pas entamé sa mission principale.

Solar Orbiter est une mission de l’Agence spatiale européenne en partenariat avec la NASA. Elle a décollé en février 2020 à bord d’une fusée Atlas V. Il y a un an, elle passait à 77 millions de kilomètres seulement de la surface du Soleil. Elle s’approchera ensuite jusqu’à 42 millions de kilomètres plus tard durant sa mission.

Pour l’occasion, elle a capturé des images de notre Soleil, comme jamais auparavant. Quelques mois après ce « survol », les premières publications scientifiques étaient mises en ligne avec des « phénomènes intéressants » à la clé… mais qui soulevaient au passage de nouvelles questions.

Depuis, Solar Orbiter continue sa phase de croisière avant d’attaquer sa mission principale, dès novembre. Un an après son lancement, en février de cette année donc, elle est passée relativement près de notre étoile – à la moitié de la distance entre la Terre et le Soleil – ce qui « a permis entre autres aux équipes de procéder à des observations spécifiques et de vérifier les réglages des instruments ».

Pendant ce passage au périhélie, la sonde se trouvait « derrière » le Soleil vue depuis la Terre, rien de grave si ce n’est que cela « entraîne des taux de transfert de données très faibles ». Le temps nécessaire pour récupérer les données est donc important, mais plusieurs bonnes surprises sont déjà au programme.

Quand le hasard fait bien les choses

Solar Orbiter dispose de dix instruments à son bord : quatre in situ, activés la majeure partie du temps pour récolter des données sur l’environnement, et six de télédétection qui ne sont mis en service que lors de phases de vérification et ensuite lors des campagnes de mesures.

« Par une heureuse coïncidence, trois des instruments de télédétection de Solar Orbiter ont saisi deux éjections de masse coronale (CME) dans les jours qui ont suivi le passage au plus près. L’imageur dans l’ultraviolet extrême (EUI), l’imageur héliosphèrique (SoloHI) et le coronographe Metis ont capturé différents aspects de deux CME qui ont fait éruption au cours de la journée », explique l’ESA.

Si c’était la première détection du genre pour l’instrument SoloHI, Metis en avait déjà identifié une le 17 janvier et l’imageur dans l’ultraviolet extrême en avril 2020. Ce n’est pas tout : « une bonne partie des instruments in situ ont également détecté une activité au niveau des particules autour des CME de février 2021 ; les données sont en cours d’analyse et seront présentées à une date ultérieure », explique l’Agence spatiale européenne.

Si cette dernière parle d’une « heureuse coïncidence », c’est que les mesures de SoloHI ont été enregistrées pendant « une période de télémétrie "bonus" » qui n’était pas prévue.

Suite à des améliorations sur les antennes terrestres réalisées après la planification de la mission, l’équipe de Solar Orbiter a pu « transmettre des données à des moments où elle ne s’attendait pas à pouvoir le faire ». Les taux de télémétrie sont par contre limités et le choix à donc été fait de « ne recueillir les données que d’une seule plaque de détection (l’instrument en comporte quatre) sur une période de deux heures, sans savoir qu’une CME avait été saisie ».

Trois autres satellites sur le pont

Second cadeau bonus : ces éjections de masse coronale ont également été détectées depuis la face « avant » de notre étoile par deux satellites, Proba-2 de l’ESA (sur une orbite héliosynchrone à 720 km d’altitude) et SOHO (observatoire solaire et héliosphèrique, sur une orbite héliocentrique au point de Lagrange L1).

Cerise sur le gâteau, le STEREO-A de la NASA a également eu un aperçu des CME. Contrairement aux autres sondes et satellites, il ne se situe pas sur ligne Soleil-Terre lors des mesures. Ces postes d’observation permettent « aux scientifiques d’avoir une vue globale des événements ».

Comprendre la « météo spatiale » et notre étoile

Mais pourquoi est-ce important de détecter et analyser des éjections de masse coronale ? Il s’agit en fait d’un élément crucial de la « météo spatiale », rappelle l’ESA. L’Agence donne des exemples concrets : « Ces particules provoquent des aurores sur les planètes dotées d’une atmosphère, mais elles peuvent aussi engendrer des dysfonctionnements dans certaines technologies et être dangereuses pour les astronautes non protégés ».

Pour les chercheurs, « il est donc primordial de comprendre les CME et de pouvoir suivre leur progression à mesure qu’elles se propagent dans le Système solaire ». Avec des mesures par trois instruments de Solar Orbiter combinés aux trois autres satellites, les chercheurs vont pouvoir s’en donner à cœur joie.

Les éjections de masse coronale ne sont qu’une des parties de la mission de Solar Orbiter, qui doit aussi faire « des observations rapprochées sans précédent du Soleil et des hautes latitudes solaires, fournissant les premières images des régions polaires inexplorées du Soleil ».

Les mesures doivent aussi permettre de mieux comprendre « le fonctionnement de notre étoile en termes de cycle solaire de 11 ans, et sur la façon dont nous pouvons mieux prévoir les périodes de tempête spatiale ». Les conséquences peuvent pour rappel être importantes : « des black-out électriques, des perturbations radio et des satellites endommagés », explique Kader Amsif, responsable des programmes Soleil, héliosphère et magnétosphères au CNES.

On se souviendra par exemple qu’une éruption solaire a plongé dans le noir la ville de Montréal en 1989. Selon Francis Rocard, responsable du programme d'exploration du Système solaire au CNES, « la responsabilité de [cette] éruption solaire a été évoquée dans la perte de la sonde soviétique Phobos 2, qui devait observer Mars et ses satellites ». 

On pense également à la conquête de l’espace par les humains, avec notamment un voyage habité vers Mars et l’installation d’une base sur la Lune avec la présence d’astronautes en permanence sur place, comme dans la Station spatiale internationale.

Écrit par Sébastien Gavois

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Sommaire de l'article

Introduction

Quand le hasard fait bien les choses

Trois autres satellites sur le pont

Comprendre la « météo spatiale » et notre étoile

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Commentaires (2)


Merci pour ce merveilleux article :).



zoufboss a dit:


Merci pour ce merveilleux article :).




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