La « loi pour une sécurité globale préservant les libertés » n'a pas préservé les libertés

Au-delà du nom
Droit 5 min
La « loi pour une sécurité globale préservant les libertés » n'a pas préservé les libertés
Crédits : Marc Rees (Licence CC-BY SA 3.0)

Hier, le Conseil constitutionnel a décapité plusieurs articles de la « loi pour une sécurité globale préservant les libertés », nom officiel du texte défendu par Gérald Darmanin.

Le Conseil constitutionnel, saisi par plus de 60 députés et 60 sénateurs, outre le Premier ministre, a détecté plusieurs contrariétés de la loi sur la Sécurité globale, devenue celle en outre « préservant les libertés » en fin d’examen parlementaire.

L'article 1er tentait de confier aux policiers municipaux et aux gardes champêtres de certaines communes des attributions de police judiciaire en matière délictuelle, et ce au fil d’une expérience de 5 ans.

Problème repéré par le Conseil constitutionnel : le législateur a oublié d’organiser « un contrôle direct et effectif du procureur de la République » sur ces personnes. Ainsi, « ne sont pas prévues la possibilité pour le procureur de la République d'adresser des instructions à ces derniers, l'obligation pour ceux-ci de le tenir informé sans délai des infractions dont ils ont connaissance, l'association de l'autorité judiciaire aux enquêtes administratives relatives à leur comportement, ainsi que leur notation par le procureur général ».

D'autre part, si les directeurs et les chefs de service de police municipale doivent – pour être habilités à exercer leurs missions de police judiciaire – suivre une formation et satisfaire à un examen technique selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'État, il n'est pas prévu qu'ils présentent des garanties équivalentes à celles exigées pour avoir la qualité d'officier de police judiciaire.

Drones et manque de garanties

D’autres dispositions ont souffert de cet examen, et particulièrement l’article 47 sur l’usage des drones. Services de l'État et police municipale se voient autorisés à capter, enregistrer et transmettre les images de la voie publique, prises d’en haut, à condition que ne soient pas visualisées « les images de l'intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées ». Ces images peuvent en outre être transmises en temps réel au poste de commandement.

« Eu égard à leur mobilité et à la hauteur à laquelle ils peuvent évoluer, ces appareils sont susceptibles de capter, en tout lieu, et sans que leur présence soit détectée, des images d'un nombre très important de personnes et de suivre leurs déplacements dans un vaste périmètre » a relevé le Conseil constitutionnel au point 135 de sa décision. Un constat qui implique l’existence « de garanties particulières de nature à sauvegarder le droit au respect de la vie privée ».

Il note qu’en matière de police judiciaire, ces drones peuvent parcourir les airs pour toute infraction, y compris pour une simple contravention. Et en matière de police administrative, pour de nombreuses finalités, comme la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens, pour la sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique, etc. Et enfin, pour la police municipale, « aux fins d'assurer l'exécution de tout arrêté de police du maire, quelle que soit la nature de l'obligation ou de l'interdiction qu'il édicte, et de constater les contraventions à ces arrêtés ».

Si ces opérations doivent être autorisées par un magistrat, le législateur n’a prévu aucune limite maximale à la durée d'une telle autorisation (sauf pour la police municipale), « ni aucune limite au périmètre dans lequel la surveillance peut être mise en œuvre ». De même, le législateur n’a prévu aucun contingentement (ou plafond annuel) à leur usage.

Pour ces raisons, il considère que « le législateur n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et le droit au respect de la vie privée ». Il déclare inconstitutionnels plusieurs alinéas de l’article en question.

Même sort pour l’entièreté de l’article 48 sur l’usage des caméras embarquées dans les véhicules, notamment parce que ces caméras « peuvent capter, enregistrer et transmettre des images au sein de ces véhicules, sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public, y compris, le cas échéant, de l'intérieur des immeubles ainsi que de leurs entrées ». Le législateur n’a pas davantage prévu de limites maximales à la durée d’utilisation de ces outils « ni aucune borne au périmètre dans lequel cette surveillance peut avoir lieu ».

Ajoutons que « la décision de recourir à des caméras embarquées relève des seuls agents des forces de sécurité intérieure et des services de secours. Elle n'est soumise à aucune autorisation, ni même à l'information d'une autre autorité ».

L’ex-article 24 jugé trop flou

L’ex-article 24, devenu article 52, introduit un délit punissant de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende « la provocation, dans le but manifeste qu'il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, à l'identification d'un agent de la police nationale, d'un militaire de la gendarmerie nationale ou d'un agent de la police municipale lorsque ces personnels agissent dans le cadre d'une opération de police, d'un agent des douanes lorsqu'il est en opération ».

L’expression « en opération » a été jugée trop floue. De même existe une incertitude sur la notion de « but manifeste ». Le Conseil constitutionnel n’est pas parvenu à déterminer s’il « devait être caractérisé indépendamment de la seule provocation à l'identification »

D’autres dispositions sont passées à la trappe, comme celle autorisant le placement sous vidéosurveillance « des personnes retenues dans les chambres d'isolement des centres de rétention administrative et de celles en garde à vue, sous certaines conditions et pour certaines finalités ». Alors que ces placements sont sans limites de temps.

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