Depuis 2004, Apophis est source de fantasmes et inquiétudes en tout genre, car la probabilité qu’il entre en collision avec la Terre n’était pas nulle. Si on sait qu’il ne faut pas s’inquiéter pour les prochaines décennies, les scientifiques affirment désormais qu’il n’y a « aucun risque d'impact pour les 100 prochaines années au moins ».
Apophis est un astéroïde géocroiseur, c’est-à-dire que sa trajectoire le fait passer près de celle de la Terre. Depuis sa découverte en 2004, il « fascine » les scientifiques et le grand public, car il « effectue régulièrement des passages proches » de notre planète. Le dernier date du mois dernier, à une confortable distance de 16,8 millions de km, soit près de 44 fois la distance Terre-Lune.
L’astéroïde reviendra à environ 40 millions de kilomètres de la Terre en décembre 2027 puis en septembre 2028, après avoir rendu visite à Vénus en 2024. Mais surtout il passera « à seulement 31 000 km de la surface terrestre (soit 12 fois plus proche que la Lune) » en avril 2029. 31 000 km représentent légèrement moins que l’orbite des satellites géostationnaires (36 000 km).
Apophis est donc placé sous haute surveillance par les agences spatiales et sa trajectoire surveillée de près. Lors de son dernier passage, les scientifiques ont pu écarter tout risque de collision pour les 100 années à venir et, pour la première fois, ils ont pu étudier l’astéroïde par la technique des occultations stellaires, « une prouesse du fait de sa petite taille », explique l’Observatoire de Paris.
Quand le dieu du mal et de la destruction perd de sa superbe
Apophis mesure environ 340 mètres et pèse la bagatelle de 40 à 50 millions de tonnes. Il a été découvert le 19 juin 2004 par R. A. Tucker, D. J. Tholen et F. Bernardi à l’observatoire de Kitt Peak, en Arizona. « Les premiers calculs indiquaient une probabilité de 2,7 % pour qu’il percute la Terre en 2029. Tout risque de catastrophe a depuis été écarté par des calculs plus précis », rappelle le CNES.
Ce nom ne doit d’ailleurs rien au hasard : dans la mythologie égyptienne, Apophis est le « dieu du mal et de la destruction qui habitait dans les ténèbres éternelles », rappelle le JPL de la NASA. Si le risque a été rapidement écarté pour 2029, il restait une incertitude concernant le prochain rendez-vous en 2036.
La distance de ce passage dépend en effet de nombreux paramètres et son étude nécessite d’avoir des données précises. Or, les scientifiques avaient encore « une petite incertitude de 600 m sur sa trajectoire », expliquait en 2019 l’astrophysicien Patrick Michel à 20 Minutes.
« Selon s’il passait ou non dans ce que l’on appelle un "trou de serrure", l’astéroïde pouvait rentrer en collision avec la Terre en 2036 », ajoutait-il. Dans ce contexte, un trou de serrure gravitationnel doit être pris au sens figuré : il s’agit d’une petite zone de l’espace susceptible de modifier la trajectoire de l’astéroïde s’il devait passer dedans.
« C’est en 2013 qu’on a éliminé cette solution, lorsque Apophis est repassé près de la Terre. On a pu faire des observations radars, plus précises, sur sa trajectoire », ajoutait Patrick Michel. Alors qu’il était au début classé au niveau 4 sur l’échelle de Turin (qui monte jusqu’à 10) – une première – il est depuis redescendu à 0.
Même si les risques ont été écartés pour les prochaines décennies, Apophis continue d’être placé sous haute surveillance, notamment car son passage à un peu plus de 30 000 km représentera une opportunité scientifique relativement unique. Depuis certaines régions du globe (hémisphère est), il sera par exemple visible à l’œil nu dans le ciel.
Premières occultations pour Apophis, avec des confirmations…
Pour en revenir à l’annonce de l’Observatoire de Paris, ce dernier rappelle que « les occultations stellaires permettent non seulement de déterminer la taille et la forme des petits corps du Système solaire à des précisions subkilométriques, mais également d’en donner des positions extrêmement précises ».
Les 7 et 22 mars 2021, deux occultations ont pour la première fois été mesurées aux États-Unis : « Au total, 3 stations ont enregistré l’événement du 7 mars et une station a enregistré celui du 22 mars, qui durait moins de 0,1 seconde ». Apophis est ainsi devenu « le premier objet de quelques centaines de mètres à être observé par occultation stellaire ». Une mise en abime pour se rendre compte de la difficulté est proposée par l’Observatoire : « Cela revient à mesurer la taille d’une pièce d’un euro à une distance de 1 000 km ».
Ces données ne remettent pas en cause les estimations précédentes et ne relancent donc pas de débat sur un risque de collision : « Les positions déduites sont complémentaires et équivalentes en précision aux observations radars ». Elles ont néanmoins « l’avantage d’être beaucoup moins coûteuses »… mais avec aussi l’inconvénient d’arriver des années plus tard.
Cartes de prédiction des occultations par Apophis le 7 mars 2021 (gauche) et le 22 mars 2021 (droite).
…et des retombés scientifiques « inédites »
Il ne faut en revanche pas négliger la portée de cette annonce selon les chercheurs :
« Au-delà d’exclure tout risque de collision avec la Terre pour les 100 prochaines années, ces observations ont également permis de mesurer des accélérations très faibles du mouvement d’Apophis dues à l’effet Yarkovsky (une très petite force due à l’émission thermique du corps), ce dernier ayant un rôle prépondérant sur la dynamique de l’objet (trajectoire et futures rencontres proches avec la Terre). Les retombées scientifiques sont donc inédites. »
La liste de tous les objets célestes identifiés comme passant à « proximité » de la Terre (NEO Earth Close Approaches) est disponible par ici. Sur cette page, se trouvent les dates et distances des prochains passages d’Apophis par rapport à la Terre, la Lune et Vénus.
NASA et ESA écartent tout risque pour 2068… et plus si affinité
De son côté, la NASA rappelait il y a quelques semaines qu’une « petite chance d'impact en 2068 subsistait » jusqu’à présent, mais c’est également du passé grâce aux mesures du mois de mars. Notez qu’il ne s’agit pas que des données récupérées durant les occultations, mais d’un mélange avec celles des radars.
« Un impact en 2068 n'est plus dans le domaine des possibles, et nos calculs ne montrent aucun risque d'impact pour les 100 prochaines années au moins », affirme Davide Farnocchia du Center for Near-Earth Object Studies (CNEOS) de la NASA.
Dans le même temps, l’Agence spatiale européenne (ESA) retirait Apophis de sa liste à risque, « pour la première fois » 17 ans après sa découverte. D’autres objets célestes sont surveillés de près par les Agences spatiales, mais rien d’inquiétant pour le moment et aucun risque de collision à court terme… du moins sur les objets identifiés: le danger peut toujours venir d'astéroïdes inconnus.