Et si l’antimatière s’était regroupée pour former des antiétoiles et ainsi se cacher dans la Galaxie et l’Univers aux yeux de tous ? Ce n’est pour le moment qu’une hypothèse. Mais des scientifiques viennent de fixer une limite haute sur le nombre d’antiétoiles qui pourraient être présentes dans la Voie lactée.
Des chercheurs de l‘Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP), une unité mixte du CNRS et de l'université Toulouse-III-Paul-Sabatier, se sont penchés sur une question assez surprenante au premier abord : « Et si une partie de l’antimatière que l’on croyait disparue se cachait autour de nous sous la forme d’antiétoiles ? ».
S’ils n’apportent de pas réponse binaire (oui ou non), ils posent néanmoins des « limites les plus contraignantes jamais établies sur cette hypothèse ». Pour y arriver, ils ont utilisé les données du télescope spatial à rayons gamma Fermi.
Mais de quoi parle-t-on exactement et quelles sont les implications de ces travaux ?
De quoi est faite une antiétoile ? D’antimatière pardi !
Avant de parler des antiétoiles en elle-même, il est important de faire un détour par l’antimatière. L’IRAP explique ainsi que si elle est « souvent associée au monde de la science-fiction », l’antimatière existe bel et bien et elle est même « observée dans les laboratoires de physique et dans l’espace » ; c’est une réalité.
Matière et antimatière sont un peu les deux faces d’une même pièce. Elles partagent de nombreuses propriétés physiques, comme leur masse et leur durée de vie, mais leur charge électrique et certaines de leurs propriétés quantiques sont inversées. Elles forment un ensemble complètement symétrique : « à chaque particule élémentaire de matière correspond son image en antimatière ».
Et paf ça fait des chocapic de l’énergie
Lorsque de l’antimatière rencontre de la matière, il se produit une annihilation totale libérant au passage une grande quantité d’énergie. Cette désintégration a été mise en équation par Albert Einstein, avec sa célèbre formule « E = mc2 ». Elle fait le lien entre l’énergie (E) et la masse (m) avec la vitesse de la lumière (c) dans l’équation.
Comme le monde et l‘univers que l’on connait est composé de matière, une des grandes questions de la Science est d’essayer de comprendre où est passée l’antimatière. En effet, le Big Bang a produit autant de matière que d’antimatière, les deux devraient donc « s’être annihilées, or nous existons aujourd’hui grâce à un excès de matière. D’où vient cette différence et où est l’antimatière manquante ? ». Bonnes questions…
Actuellement, l’antimatière n’est observée qu’au niveau de traces, « et des recherches suggèrent que le Cosmos tout entier en serait dépourvu. Ceci est considéré actuellement comme un des plus grands mystères de l’Univers », rappelle l‘Institut. Il ajoute que le détecteur de particules Alpha Magnetic Spectrometer (AMS) qui se trouve à bord de l'ISS depuis 2011 « semble indiquer depuis peu qu’il pourrait y avoir plus d’antimatière autour de nous que ce que l’on pensait ». Accrochez-vous à la matière autour de vous, car la suite devrait vous surprendre…
L’antimatière se cache-t-elle dans des « objets invraisemblables » ?
« Celle-ci pourrait se cacher dans le voisinage du système solaire sous la forme d’objets invraisemblables : des étoiles faites d’antimatière, ou antiétoiles ». Il ne faut pas aller trop en vite en besogne : ce n’est qu’une hypothèse.
Si c’était confirmé par des observations, « l’existence de tels objets aurait de lourdes conséquences sur la manière dont on conçoit l’Univers ». La question est maintenant de savoir « comment tester cette hypothèse ? ». Dans un article publié dans la revue Physical Review D, des chercheurs « ont utilisé dix ans de données provenant du télescope spatial à rayons gamma Fermi afin d’évaluer le nombre maximum d’antiétoiles dans notre Galaxie ».
Résultat des courses, sur les 5 757 sources de rayons gammas du catalogue, ils ont isolé « quatorze candidats dont les propriétés d’émission sont comparables à celles attendues pour des antiétoiles ».
Rien ne le prouve pas
Mais attention aux conclusions hâtives : aucune antiétoile n’a été observée et « la nature de ces sources est encore incertaine », il ne s’agit que de potentiels candidats. L’IRAP reconnait qu’il est « bien plus probable qu’elles soient en réalité d’autres types d’émetteurs de rayons gamma bien établis, tels que les pulsars ou les trous noirs ».
À défaut de pouvoir confirmer leur existence, les chercheurs ont estimé « le nombre maximum d’antiétoiles qui pourraient exister dans notre Galaxie, en obtenant les contraintes les plus fortes jamais établies ». Autant dire qu’elles ne seront pas très nombreuses comparé aux étoiles :
« En imaginant qu’elles sont réparties comme les étoiles ordinaires, majoritairement dans le disque galactique, ils ont été en mesure d’établir qu’il y a au maximum une antiétoile pour 300 000 étoiles ordinaires »
Si on prend comme base de calcul 200 milliards comme le nombre d’étoiles dans notre Voie lactée, alors cela donnerait un maximum d’un peu plus de 650 000 antiétoiles. Cela peut sembler élevé, mais il s’agit d’une limite haute en partant du principe que les 14 candidats soient bien des antiétoiles, ce qui est très peu probable.
De la difficulté d’observer une antiétoile
Dans tous les cas, pas une seule n’a été observée jusqu’à présent… une tache qui pourrait être difficile puisqu’une étoile ressemblerait très certainement à une antiétoile. Les processus nucléaires et thermodynamiques seraient à priori les mêmes. On pourrait même imaginer des antigalaxies avec des antiétoiles et des antiplanètes… de quoi donner du grain à moudre aux auteurs de comics et de science-fiction... mais l'on s'éloigne du sujet du jour.
Cela revient donc à chercher une aiguille dans une botte de foin, l'aiguille ressemblant à du foin. Comment savoir alors ? Le plus « simple » en l’état actuel des connaissances serait de faire interagir de la matière avec une antiétoile. S’il y a annihilation, banco ! Les chercheurs ajoutent que, toujours selon leur analyse, « des antiétoiles anciennes, dont l’origine remonterait aux prémices de l’Univers, pourraient plus facilement se cacher des télescopes gamma dans le halo autour de la Galaxie ».
Position dans le ciel des différents candidats du catalogue Fermi. Crédits : IRAP