La nouvelle régulation des plateformes adoptée en commission parlementaire

La nouvelle régulation des plateformes adoptée en commission parlementaire

Amitiés bruxelloises

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Marc Rees

Publié dans

Droit

26/01/2021 9 minutes
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La nouvelle régulation des plateformes adoptée en commission parlementaire

Le projet de loi « séparatisme » termine son examen en commission spéciale. Enclenché à cette occasion, le futur de la régulation des plateformes. Le texte est prêt pour son passage en séance avant le Sénat. Bilan d’étape sur les dispositions touchant au numérique.

Le texte, rebaptisé projet de loi « confortant le respect des principes de la République » sera en séance à partir du 1er février. Là, les parlementaires pourront à nouveau proposer une série d’amendements sur chacune des dispositions. La base de travail sera non le texte initial déposé par le gouvernement, mais sa version modifiée en commission spéciale.

Dans cette version modifiée, plusieurs articles concernent directement « la lutte contre les discours de haine et les contenus illicites en ligne ».

Ils ont eu pour rapporteure l’inévitable Laetitia Avia, la députée LREM qui avait déjà tenté de faire passer sa loi contre la haine avant sa vaste censure du Conseil constitutionnel. La députée a donc « remis le couvert », espérant voir plusieurs dispositions passer cette fois.

L’article « Samuel Paty »

Le premier article à suivre introduit une nouvelle infraction, très inspirée de l’article 24 de la proposition de loi sur la sécurité globale, celui qui sanctionne le fait de diffuser l’image du visage d’un agent des forces de l’ordre à des fins manifestement malveillantes. 

L’article 18 dont il est ici question a été adopté sans profond changement par rapport à la version initiale. Avec l'assassinat de Samuel Paty en mémoire, il sanctionne le fait de révéler, diffuser ou transmettre (donc toutes les actions possibles) des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne.

Ce n’est pas tout. Ces « informations » devront permettre d’identifier ou de localiser une personne ou les membres de sa famille dans le but de l’exposer à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens. Un risque que l’auteur de la révélation, de la diffusion ou de la transmission « ne pouvait ignorer ».

Un millefeuille de conditions est donc exigé, mélangeant volonté délictuelle (« dans le but ») et faute caractérisée (« ne pouvait ignorer »). Ce responsable encourra en l’état, trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, et même cinq ans et 75 000 euros quand les faits visent une personne dépositaire de l’autorité publique ou sont commis au préjudice d’un mineur.

Une procédure non publique contre les sites miroirs

Les députés ont profité de cette fenêtre pour réécrire une partie de la loi sur la confiance dans l’économie numérique. Dans le droit actuel, lorsque le juge impose des mesures destinées à prévenir ou faire cesser un dommage, il faut d’abord passer par l’hébergeur puis à défaut, par le fournisseur d’accès. Pour accélérer ces traitements, ce cheminement hiérarchique (appelé principe de subsidiarité) est supprimé.

Autre nouveauté prévue par le texte gouvernemental, la lutte contre les sites miroirs. Un chantier qui avait débuté en matière de propriété intellectuelle voilà plusieurs années, décliné ici pour s’attaquer aux contenus dits « haineux ».

Hypothèse : une décision de justice exige le blocage d’un site parce qu’il recèle d’infractions considérées comme odieuses : injures aggravées, apologies de certains crimes, provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence, harcèlement sexuel, traite des êtres humains, proxénétisme, pédopornographie et provocation au terrorisme mais aussi exposition de mineurs à des messages violents ou pornographiques. Le cas cité ? Democratie Participative, site raciste et homophobe. 

Si ce site réapparait sous un autre nom de domaine, il faut en principe une nouvelle procédure. Dans le texte en gestation, une « autorité administrative » (sans doute l’OCLCTIC), le cas échéant saisie par toute personne intéressée, pourra désormais demander aux hébergeurs et aux FAI d’étendre le blocage à ce miroir, si les contenus sont « identiques » ou simplement « équivalents ».

Un blocage des équivalents inspiré d’une décision de 2019 de la Cour de justice de l’Union européenne. Cette demande pourra aussi être exprimée à l’égard des moteurs de recherche, des annuaires ou tout autre service de référencement.

Tout se fera sans publicité. La demande est sans formalisme, les débats avec les intermédiaires se feront sans lumière, ni oreille. Et FAI, hébergeurs, moteurs et autres annuaires pourront accepter d’y faire suite. S’ils refusent, l’autorité judiciaire pourra être saisie, en référé ou sur requête, pour étendre ce blocage.

L’article 20 du projet de loi introduit pour sa part la possibilité de comparution immédiate à l’égard des auteurs de certaines infractions issues de la loi de 1881 qui en était traditionnellement privé. Cela vise la provocation à la discrimination, à la haine, à la violence, l’apologie des crimes de guerre ou encore la provocation à des crimes contre l'humanité.

L’anticipation du futur règlement DSA

Le gouvernement a profité de ce projet de loi pour imposer cette fois une série d’obligations aux plateformes. Obligations que Paris espère voire adoptées dans le « Digital Services Act ». La future bible européenne pour moderniser la responsabilité de ces acteurs.

Lors d’une récente audition, Cédric O a précisé les vœux gouvernementaux : « notre objectif est de prétranscrire dans le projet de loi, sous la forme d’un amendement, les dispositions du DSA relatives aux grandes plateformes et aux grands réseaux sociaux ».

Il admet que le sujet est sensible « tant juridiquement (…) qu’au niveau européen » et ce 6 janvier 2021, il indiquait que cet amendement serait transmis « au Conseil d’État, qui devrait l’étudier avant l’examen en séance ». Toujours selon le secrétaire d’État au numérique, « compte tenu de cette sensibilité juridique et de l’enjeu de la conventionnalité, il n’est pas tout à fait certain que le Conseil d’État l’approuvera. Mais si le Conseil nous y autorise, nous l’introduirons en séance ».

Ce plan d’attaque n’a pas été vraiment respecté. L’amendement a été présenté et adopté dès le stade de la commission spéciale, sans que l’on ne dispose de l’avis du Conseil d’État.

Sensibilité ? La France entend s’écarter du droit actuel, pour anticiper un droit futur à l’aide de nouvelles obligations que devront respecter religieusement plateformes et autres réseaux sociaux. Une gesticulation juridique pour le moins hasardeuse qui devrait tôt ou tard être examinée par la Cour de justice de l’Union européenne. Si elle est saisie.

Lorsque le DSA entrera en vigueur, ses normes écraseront celles adoptées par la France, puisqu’un règlement est d’application directe. « Ce que nous allons prétransposer ne correspond pas à l’intégralité du DSA, dont certains éléments vont d’ailleurs évoluer au fil de la discussion européenne : il s’agit de la partie relative aux obligations de moyens pour les très grands réseaux sociaux. Compte tenu de l’urgence, nous traitons le gros du problème : la modération des contenus haineux sur ces très grands réseaux ».

Une pluie d'obligations de moyens 

Mais que prévoit en détail l’amendement gouvernemental adopté ? Le texte impose une ribambelle d’obligations dites de « moyens » à ces acteurs, avec le CSA comme gendarme. L’autorité administrative, autrefois vissée sur le tube cathodique, gagne ainsi de nouvelles compétences pour régenter l’ensemble des réseaux sociaux.

Quelles sont ces obligations ? La liste est très longue. Ils devront par exemple mettre en œuvre des procédures et des moyens humains et technologiques proportionnés permettant « d’informer, dans les meilleurs délais, les autorités judiciaires ou administratives des actions qu’ils ont mises en œuvre à la suite des injonctions émises par ces dernières ». Ils devront conserver temporairement les contenus qui leur ont été signalés et qu’elles ont retirés, « aux fins de les mettre à la disposition de l’autorité judiciaire pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales ».

Ils auront à désigner un point de contact « chargé de la communication avec les autorités publiques pour la mise en œuvre des dispositions » de cet article phare du projet de loi.

Ils devront mettre « en œuvre des procédures et des moyens humains et technologiques proportionnés permettant d’accuser réception sans délai des notifications relatives aux contenus » dits haineux et devront « garantir leur examen approprié dans un prompt délai ». En cas de retrait, ils devront informer l’auteur des publications litigieuses, tout en lui indiquant les voies de recours internes et judiciaires dont il dispose.

Des obligations de reporting sont également introduites. Le CSA, lui, sera chargé de veiller au respect de l’ensemble de ces obligations. Il disposera d’un accès aux principes de fonctionnement des outils automatisés auxquels les plateformes ont recours (paramètres, méthodes et données utilisées, etc.)

Le Conseil pourra mettre en demeure les réticents voire, s’il ne se plie pas, lui imposer une sanction d’un montant maximal de 20 millions d’euros ou 6 % du chiffre d’affaires annuel mondial. Dans certaines hypothèses, notamment en cas de communication d’informations fausses ou trompeuses, cette somme est ramenée à 1 % du chiffre d’affaires annuel mondial.

Écrit par Marc Rees

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Sommaire de l'article

Introduction

L’article « Samuel Paty »

Une procédure non publique contre les sites miroirs

L’anticipation du futur règlement DSA

Une pluie d'obligations de moyens 

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Commentaires (7)


C’est précisément le CSA (dont le président est parachuté par l’élysée) qui refuse tout temps de parole à l’UPR, parce que les français n’ont pas le droit de comprendre que l’UE est à l’origine de 90% de leurs problèmes (économiques, écologiques, migratoires, sociétaux, etc). Donc s’imaginer que ces fascistes vont œuvrer dans le sens de la démocratie est peu avisé.
Quant à utiliser des faits divers abominables pour faire passer un texte qui le sera tout autant, le problème est que ceux qui définissent ce qu’est un “terroriste” ou un “discours de haine” sont les mêmes qui se sont assis sur notre référendum de 2005, pour ensuite nous imposer leur UE anti-démocratique et son drapeau de l’apocalypse, d’abord sur nos plaques d’immatriculation, nos bâtiments publics, et maintenant dans nos écoles !
2022 approche - ne nous y trompons pas : tout sera fait pour censurer les opposants au régime mondialiste - et là je pense aussi aux gilets jaunes, aux “bons” flics qui n’ont pas trahi le peuple, aux “bons” médecins qui n’ont pas trahi leur serment, et globalement à tous les gens de bonne foi que LREM rêve de faire taire et d’enfermer - parce qu’on est là : couvre-feu, confinement, prison ou camisole chimique - c’est la suite logique - et certains y sont déjà.
Pensez-y.


Non, juste que beaucoup de monde s’en fou de l’UPR. :transpi:


D’un côté on a les autorités administratives indépendantes (AAI) qui sont utiles pour la société et qui font avancer les choses et qui ont des personnels compétents dans leurs domaines –> ce sont principalement celles dites “techniques” : CNIL, ARCEP, AMF, ASN…



Et puis de l’autre on a des AAI pleines de partis pris, qui pondent des trucs abscons, qui sont inefficaces et qui gesticulent “pour un pognon de dingue” avec pleins de copains parachutés… ce sont les AAI dites “politiques”. Et devinez qui l’on retrouve : CSA, HADOPI, Commission Nationale du Débat Public…


J’ai l’impression qu’en France, l’utilisation du blocage DNS reste privilégié - c’est tant mieux, car il reste excessivement simple de changer de serveur DNS.
Mais à un moment je pense que ça va réagir :




  • Les FAI vont bloquer le port 53 vers l’extérieur, comme ils bloquent déjà le port 25 ?

  • Comment la justice FR va réagir lorsqu’ils se rendront enfin compte que Firefox (et d’autres ) utilisent DOH, précisément car le blocage de sites via DNS est vu comme de la censure , fut-elle dans un contexte légal, et donc à combattre. Bloquer les IP c’est pas possible, notamment à cause des CDN. A la fin des fin, est-ce que que ces législateurs ne font pas du wishfull thinking ?



hansi a dit:


C’est précisément le CSA (dont le président est parachuté par l’élysée) qui refuse tout temps de parole à l’UPR, parce que les français n’ont pas le droit de comprendre que l’UE est à l’origine de 90% de leurs problèmes (économiques, écologiques, migratoires, sociétaux, etc). Donc s’imaginer que ces fascistes vont œuvrer dans le sens de la démocratie est peu avisé. Quant à utiliser des faits divers abominables pour faire passer un texte qui le sera tout autant, le problème est que ceux qui définissent ce qu’est un “terroriste” ou un “discours de haine” sont les mêmes qui se sont assis sur notre référendum de 2005, pour ensuite nous imposer leur UE anti-démocratique et son drapeau de l’apocalypse, d’abord sur nos plaques d’immatriculation, nos bâtiments publics, et maintenant dans nos écoles ! 2022 approche - ne nous y trompons pas : tout sera fait pour censurer les opposants au régime mondialiste - et là je pense aussi aux gilets jaunes, aux “bons” flics qui n’ont pas trahi le peuple, aux “bons” médecins qui n’ont pas trahi leur serment, et globalement à tous les gens de bonne foi que LREM rêve de faire taire et d’enfermer - parce qu’on est là : couvre-feu, confinement, prison ou camisole chimique - c’est la suite logique - et certains y sont déjà. Pensez-y.




Non la durée de parole est proportionnelle aux voix c’est a dire pas grands choses


La durée de parole proportionnelle, ça donne ça : LCI remplit ses quotas de gauche la nuit
Équitable en effet. Macron en journée, la gauche, les verts (ou autre, peu importe) en boucle de 2h à 4h30 du matin.


La révolution gronde :windu: Hansi a oublié dans sa liste de problème la Covid. Il est certain, bien que des obligations existent, que tous les biais légaux sont utilisés pour «masquer» des opinions qui ne serait pas conforme au courant de pensé d’un medium. Nous le faisons tous, je ne m’encombre pas d’exposer le contraire de ma pensée.
Mais tout en reconnaissant votre droit et liberté d’expression, prenez-vous aussi position dans la vie réelle en vous engageant dans un mouvement politique, syndical ou tout autre association visant à changer notre «monde» ? J’ai souvent entendu des hurleurs qui ne votent pas, en vouloir à la Terre entière et à particulièrement à ceux qui nous gouvernent. 2022 inexorablement approche, c’est vrai.