Une activation par défaut du contrôle parental. Voilà selon nos informations la piste défendue par Bruno Studer, le président de la commission des Affaires culturelles. Interrogé par Next INpact, le député LREM du Bas-Rhin explique son objectif, alors qu’une série d’auditions est organisée sur le sujet, non sans soulever de difficultés notamment techniques.
En novembre 2019, dans la lignée des propositions de la ministre Laurence Rossignol de 2017, le chef de l’État donnait six mois aux acteurs de l’Internet pour « proposer des solutions robustes » pour lutter contre l’accès des enfants au porno en ligne. À défaut, menaçait Emmanuel Macron, « nous passerons une loi pour le contrôle parental automatique ».
Ne voyant rien venir en mai 2020, l’initiative StopAuPorno.fr avait déjà demandé à l’exécutif de tenir ses promesses. Près d’un an et demi après ce discours présidentiel, le député Bruno Studer revient à la charge. Une série d’auditions est actuellement menée avec, à terme, la piste d’une proposition de loi obligeant les acteurs du numérique à activer par défaut le contrôle parental.
Pourquoi envisagez-vous cette activation par défaut ?
Il ne s’agit pour l’heure que d‘une piste de réflexion. Je repars du discours du Président de la République de 2019 où le chef de l'Etat réclamait une solution robuste pour prévenir l’accès des mineurs aux sites pornos. Un sujet sur lequel je me suis penché. Nous en avons discuté ensemble.
Nous devons désormais arriver à massifier l’utilisation du contrôle parental qui, par ailleurs a d’autres avantages, notamment en permettant aux parents de répondre à la problématique du temps d’écran. C’est une solution globale, mais qui est principalement axée sur l’accès aux sites pornographiques.
La plateforme JeProtegeMonEnfant.gouv.fr a été lancée il y a quelques semaines. C’est très bien, mais quand je regarde les chiffres, je constate que le contrôle parental reste utilisé dans une minorité de cas, et semblerait-il, il y a encore de très gros écarts entre les catégories socio-économiques. Plus vous être un enfant de catégorie sociale aisée, plus vous êtes protégés, et inversement.
La question que je pose : quand est-ce qu’on passe à une étape supplémentaire dans l’utilisation de ces solutions ? C’est dans cet esprit-là que je m’interroge : est-ce qu’une loi est nécessaire, peut-elle être efficace ou pas ?
En tout état de cause, il ne faut pas se tromper dans le sens que l’on peut lui donner. Le contrôle parental est un moyen de remettre du dialogue humain dans la relation entre les parents et leurs enfants autour des écrans, plutôt que de demander à ces parents d'activer une solution techniquement pas forcément accessible à toutes et à tous.
Le point de départ de ma réflexion est que s’il était activé par défaut, sa désactivation supposera une décision de ceux qui sont responsables de l’intérêt psychique et physique des enfants à savoir les parents. Et peut-être qu’à ce moment, on ferait du contrôle parental, un outil de dialogue familial.
Une loi adoptée l’an passé permet déjà d’enclencher des procédures de blocage à l’encontre des sites pornographiques. Est-il nécessaire de cumuler ces législations ?
C’est exactement pour cela que j’ai entamé un certain nombre de consultations. Mon idée est de dire que c’est nécessaire. Il faut remettre de l’humain dans un monde de plus en plus technique. Un certain nombre de parents ne se rendent pas compte de ce qui se passe sur Internet, de la facilité d’accès à ces contenus, ni à quel point il est facile de contourner les interdits sur Internet y compris la désactivation du contrôle parental.
Malgré toutes les mesures qu’on pourra prendre, il faut alerter. Je me dis que si vous êtes un parent et qu’il y a cette démarche nécessaire à la désactivation, cela interpelle, outre que l'on peut profiter de cette étape, que ce soit chez le FAI, le constructeur, etc., pour mettre en place de la prévention ou des explications.
En 2019, le Président de la République avait donné six mois aux acteurs pour trouver des solutions robustes, sous la menace d’une activation automatique du contrôle parental. Où en est ce projet ?
Les acteurs proposent de plus en plus de solutions, il faut le reconnaitre, il y a une vraie volonté de bien faire. Pour autant, ils se renvoient un peu la balle. On est aujourd’hui au-delà des six mois, avec un confinement qui est passé par là et un temps d’écran qui a augmenté. Moi, je fais mon travail de parlementaire et pose des questions. On verra les réponses apportées par les uns et les autres.
Techniquement, un contrôle parental peut fonctionner avec une liste noire des sites à bloquer, qui est susceptible d’être (presque) infinie…
On est en train de réfléchir à cela. Je suis législateur. La loi est là pour fixer un cadre général. Cela ne veut pas dire qu’il faille ignorer les difficultés techniques et juridiques du sujet, mais nous expertisons cela et je me suis rapproché des services de Cédric O à ce sujet. Il y a ce qui relève de la loi et ce qui relève du pouvoir règlementaire.
Que vous répondent, au fil de vos auditions, les acteurs privés, en particulier les FAI et les opérateurs mobiles ?
Ils pointent effectivement du doigt ces difficultés parce qu’on a affaire à beaucoup de situations différentes. Celles de l’accès aux données mobiles, l’accès sur les box, avec des interfaces techniques différentes. Il y a aussi l’idée que les contenus pour adultes ne sont pas interdits, mais réservés aux adultes.
Les fabricants soulignent pour leur part l’existence du marché du reconditionné. Nous sommes en train de faire le recensement de toutes ces difficultés techniques. Je suis dans une optique de protection des enfants, et bien entendu, ne souhaite pas demander des choses impossibles.
Quel serait le calendrier de votre proposition ?
C’est à la fois urgent et pas urgent. On voit bien qu’entre le moment où le Président de la République a réclamé des solutions robustes en 2019 et l’entrée en œuvre de la plateforme, il s’est passé un certain nombre de temps, car il s’agit de faire travailler des acteurs qui n’ont ni les mêmes intérêts ni les mêmes contraintes et cadres juridiques. Je n’ai pas de calendrier en tête, mais je travaille activement.
Pour trouver des contenus pornographiques, il faut les chercher. Comptez-vous mettre les moteurs de recherche dans la boucle ?
Oui bien sûr et l’avantage quand vous rencontrez Google, comme je l’ai fait hier, vous rencontrez à la fois le moteur de recherche, la plateforme vidéo et le fournisseur de système d’exploitaion, Android, sachant que selon les versions, Google Family Link est parfois activé par défaut, parfois non.
Je rencontre tout le monde, y compris les sites de contenus pour adultes pour voir comment ils répondent à ce souci qui nous anime. Un site pour adulte est un site pour adulte. Le principal argument de ceux qui sont un peu dubitatifs face à ma démarche, est qu’il ne faut pas croire que le contrôle parental est un outil miracle. Évidemment. Je ne suis pas naïf. Je conçois cependant ce projet comme une étape incontournable pour remettre de l’humain entre parents et enfants, mais aussi entre les entreprises et les utilisateurs.