Laure de la Raudière (Arcep) : du « vrai calvaire » sur le cuivre à la « pression » sur la fibre

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Laure de la Raudière (Arcep) : du « vrai calvaire » sur le cuivre à la « pression » sur la fibre

Mercredi, Laure de la Raudière était à la Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat pour parler de « la problématique de l'aménagement numérique du territoire ». Il était donc question du plan France Très Haut Débit et du New Deal Mobile.

La nouvelle présidente de l’Arcep (et pour les six années à venir) avait déjà passé une audition il y a quelques semaines. Elle n’était alors que proposée pour ce poste et devait recevoir la validation des députés, obtenue depuis sans problèmes dans les deux chambres. Cette semaine, elle n’était plus candidate, mais officiellement à la tête du régulateur depuis deux mois.

Dans son discours introductif, Laure de la Raudière est revenue sur « la qualité du service du réseau cuivre » qui fait l’objet de nombreuses tensions entre Orange (propriétaire du réseau), les fournisseurs d'accès et les clients. Elle a une nouvelle fois réaffirmé que ce sujet est « une de [ses] préoccupations majeures, au même titre que les enjeux de couverture numérique du territoire en très haut débit fixe et mobile ».

Réseau cuivre : « la situation n’est pas acceptable »

Si le cuivre est voué à disparaitre à l’horizon 2030 comme l’a déjà annoncé Orange, la présidente rappelle à juste titre qu’« il y a beaucoup de Français qui ont encore uniquement l'accès soit au téléphone soit à Internet par le cuivre, il faut qu'ils puissent avoir un service de qualité jusqu’à ce qu'on puisse les basculer sur la fibre ». Ce réseau continuera donc de représenter « un enjeu essentiel encore pendant quelques années ».

« Je sais que dans beaucoup de territoires, c'est un vrai calvaire pour les populations, et que la situation n’est pas acceptable. Aujourd'hui, c'est un sujet qui est assez compliqué à appréhender avec les outils juridiques dont dispose l'Arcep. Je vous le dis franchement […] j'aurai à cœur de suivre ce sujet », ajoute Laure de la Raudière, sans en dire davantage sur ses intentions pour le moment.

Laure de la Raudière Arcep mars 2021

Retour sur le futur décommissionement du cuivre

Le régulateur des télécoms en profite pour rappeler un point important. « Orange a la possibilité d’une fermeture commerciale anticipée du cuivre, en amont de la fermeture technique », mais à plusieurs conditions prévues par l’Arcep : que le déploiement du réseau FTTH soit achevé sur la zone, que les offres d’accès soient suffisamment complètes et opérationnelles, et enfin que les opérateurs commerciaux aient eu le temps de venir se raccorder au réseau FTTH sur la zone de fermeture.

Une expérimentation se déroule à Lévis Saint Nom, dans les Yvelines. L’arrêt effectif du réseau cuivre est programmé pour le 31 mars, après quoi « l’accès à tous les services de téléphonie classique et d’Internet se fera […] uniquement via la fibre optique ». Le FTTH déployé par Orange est « accessible à l’ensemble des opérateurs ».

Laure de la Raudière réaffirme son soutien au décommissionnement du cuivre d’ici fin 2030 et s’explique : « Je dirais que ce n'est pas rationnel d'avoir deux réseaux en parallèle pour la rentabilité du secteur. Pour des raisons écologiques aussi : ça ne sera pas bon pour l'environnement d'avoir d'entretenir deux réseaux et des équipements sur les deux. Et on pense que pour les citoyens, plus ils seront rapidement sur un réseau avec une qualité de service à très haut débit, plus c'est bon pour le développement numérique de notre pays ».

98 % de lignes éligibles au « bon haut débit » (8 Mb/s)

La présidente en profite pour (re)faire un point rapide sur l’accès à Internet en France : 70 % des locaux sont éligibles au très haut débit (soit 30 Mb/s minimum en téléchargement) et 60 % à de la fibre optique… avec une forte disparité dans les territoires. Les zones très denses sont à 92 % d’éligibilité au THD, les moins denses privées à 86 % et les RIP à 48 % seulement. On retrouve le même genre d’écart sur la fibre optique.

La présidente du régulateur présente un observatoire en intégrant le « bon haut débit » – 8 Mb/s minimum – dont l’objectif était d’arriver à 100 % des lignes éligibles à fin 2020. C’est loupé… mais de peu. La France compte 73 % de locaux éligibles au THD, dont 60 % en fibre optique, 7 % en cuivre (VDSL2), 4 % en câble uniquement (via SFR) et 2 % en THD radio. 25 % sont éligibles au « bon haut débit », dont 16 % en cuivre (8 à 30 Mb/s) et 9 % en 4G fixe.

Il reste ainsi 2 % de locaux  inéligibles au bon haut débit via une connexion terrestre, le satellite n’étant pas pris en compte dans ces calculs. Les différences entre les zones denses et moins denses sont assez peu marquées cette fois puisque les chiffres varient entre 2 et 3 %.

Laure de la Raudière Arcep mars 2021Laure de la Raudière Arcep mars 2021

Fibre optique : l’Arcep distribue les mauvais points

Passons maintenant au sujet qui fâche : le raccordement de la fibre et le fameux mode STOC qui fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois. Laure de la Raudière rappelle que cette technique a été mise en place pour « faire venir les grands opérateurs sur les RIP ».

Il y a quelques jours, le gendarme des télécoms faisait part de son « étonnement » face à une situation qu’il qualifiait de « difficilement compréhensible ». Aujourd’hui, Laure de la Raudière en ajoute une couche : « Ce qui se passe n’est absolument pas normal, parce qu’il y a une dégradation finalement des réseaux qui sont juste construits avec de l'investissement public et l'investissement privé ».

Elle rappelle que, « depuis l'année dernière, l'Arcep a animé un groupe de travail entre les opérateurs pour pouvoir résoudre ces problèmes de procédure ». De nouvelles conventions ont été proposées par certains acteurs (sous la houlette d’InfraNum), mais sans changement tangible pour le moment.

Ces conventions « ont été signées pour la plupart entre les opérateurs d'infrastructures et les opérateurs commerciaux, nous allons maintenant suivre les indicateurs, c'est-à-dire suivre les indicateurs de taux de raccordement défaillants sur tout le réseau fibre ». Le régulateur aura « d'abord accès aux indicateurs des opérateurs d'infrastructure » (ceux qui déploient le réseau sur le terrain), puis à ceux des opérateurs commerciaux (les fournisseurs d‘accès) « à partir de juillet ».

Ces résultats seront rendus publics « afin de mettre la pression, d'identifier les problèmes, de focaliser l'action sur les difficultés qui sont posées, et d'identifier aussi si des opérateurs fonctionnent mieux que d'autres ou pas ». Une menace de « name and shame » que le régulateur a déjà brandi par le passé, pour la 5G par exemple.

Laure de la Raudière distribue ensuite les mauvais points aux « opérateurs », sans mettre en cause le gendarme dans cette affaire : « C'est aux opérateurs de contrôler leurs sous-traitants […] Le contrôle des sous-traitants doit être fait par celui qui est donneur d'ordre, celui qui a signé le contrat avec son sous-traitant ». D'autre part, elle rappelle que l'opérateur d'infrastructure « peut décider de ne plus laisser l’accès à son réseau » à un opérateur commercial qui ne « fonctionne pas bien ».

La présidente rappelle « les responsabilités de chacun » (surtout des opérateurs au sens large du terme) et balaye d’un revers de la main la responsabilité de l’Arcep sur la question des sous-traitants : « Moi je souhaite rappeler que le contrôle des sous-traitants n’est pas de la responsabilité de l'Arcep, c'est vraiment de la responsabilité des entreprises avec lesquelles les sous-traitants ont contractualisé ».

Une piste étudiée : le pré-branchement chez les clients

Laure de la Raudière reconnait que l'on est « dans une phase de déploiement à grande ampleur », mais elle ajoute rapidement que le « taux d’échec au raccordement qu’on rencontre aujourd’hui n’est pas acceptable ». Le déploiement à marche forcée ou presque n’est pas une excuse.

Elle évoque une piste pour tenter d’inverser la tendance : le pré-branchement. Comme son nom l’indique, il s’agit de raccorder directement le client à la fibre, pour que sa ligne soit « déjà préparée avant la vente ». Elle justifie cette dépense comme une avance sur l’avenir : « on fermera le cuivre, on aura besoin de ce branchement, ça ne sera pas une dépense inutile ».

La question qui fâche n’a par contre pas de réponse : « Il faut voir comment on peut financer cela ». Quoi qu’il en soit, cette annonce s’interconnecte parfaitement avec la déclaration de Cédric O, qui veut faire de la fibre optique un service universel en 2025.

Aller au-delà du New Deal, qui sera « peut-être pas suffisant »

Dans le courant de l'année, le régulateur ajoutera à son site Mon Réseau Mobile des indicateurs de qualité sur la couverture 4G, comme il en existe déjà sur la 2G/3G : « nous allons regarder comment articuler aussi pour la 4G ces notions de bonne et très bonne couvertures ».

Cela devrait permettre « d'avoir aussi des pourcentages de couverture 4G qui seront à différents niveaux d'usage » et donc d’amener « de la transparence vis-à-vis du service offert aux utilisateurs », tout en améliorant la connaissance de la réalité de la couverture. C’est un grief qui revient souvent : le décalage entre les cartes de couverture théorique et la réalité du terrain, malgré la hausse récente du taux de fiabilité à 98 %.

Pour les zones blanches, le New Deal suit son cours. Il permet évidemment d’améliorer les choses, mais Laure de la Raudière pense qu’il sera nécessaire d’aller plus loin : « je suis convaincue que le New deal ne sera peut-être pas suffisant, donc travaillons dès maintenant avec vous à la couverture complémentaire nécessaire ».

« Je suis vraiment à votre disposition pour travailler sur les mécanismes futurs si nécessaire, et envisager ce qui devrait être mis en place après le New deal, si on en a besoin », ajoute-t-elle. Aucune piste n’a été évoquée.

La question des pylônes est revenue sur le tapis, mais principalement sur les enjeux environnementaux et d’intégration du paysage. Les questions de la pénurie qui touche les poteaux métalliques d’Orange et du possible retard que cela pourrait entrainer n’ont pas été évoquées.

  • Laure de la Raudière Arcep mars 2021
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Un détour par le numérique soutenable et la 5G

La question de l’écologie a été abordée brièvement : « Nos propositions s’orientent sur trois volets », explique Laure de la Raudière. « Le premier, c'est mieux connaître et surveiller l'empreinte écologique des différents acteurs du numérique. Il faut que la puissance publique puisse se doter d'un instrument solide. L'Arcep en a sur la partie opérateur, mais pas d'outils pour collecter des informations et faire des enquêtes sur les GAFA et les entreprises du numérique ».

« Le deuxième volet d’orientation est d'intégrer l'enjeu environnemental dans les choix de régulation. Et le troisième est d'accroître les incitations économiques, notamment pour les équipementiers et les utilisateurs, afin de réduire l’empreinte carbone du numérique ».

Pour finir, un mot sur la 5G, désormais accessible dans plus de 9 000 communes en France, « dont beaucoup sont couvertes en 700 MHz [donc par Free Mobile car c’est le seul opérateur pour le moment à réutiliser cette banque de fréquence, ndlr], donc avec une 5G qui n’est pas forcément la même que celle qui a été lancée à Nice en 3,5 GHz ». 

Comme nous l’avons déjà expliqué à de nombreuses reprises, « sur la bande de 3,5 GHz vous disposez de plus de bande passante et donc vous aurez naturellement un débit plus élevé ». Si Free sépare bien la couverture en 700 MHz de celle en 3,5 GHz, on regrette que les débits ne soient pas indiqués sur la carte, alors que c’est le cas chez ses concurrents.

Laure de la Raudière Arcep mars 2021Laure de la Raudière Arcep mars 2021

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