Le second essai était le bon pour le premier étage de la fusée Space Launch System. Maintenant que les voyants sont au vert, l’intégration finale va pouvoir commencer pour un lancement vers la fin de l’année. Ce programme pourrait également récupérer un soutien de poids avec Bill Nelson, proposé comme nouvel administrateur de la NASA.
En janvier, la NASA allumait pour la première fois les quatre moteurs RS-25 de son lanceur lourd Space Launch System (SLS). L’essai avait été écourté au bout de 67,2 secondes seulement après la mise à feu, loin des huit minutes espérées pour arriver à un résultat concluant. La cause de cet arrêt prématuré était « une indication de panne majeure sur un composant du quatrième moteur ».
Après le raté, Artemis passe son test de mise à feu statique
La NASA y voyait du positif malgré tout : « Bien que les moteurs ne soient pas restés allumés pendant toute la durée du test, l'équipe a validé le compte à rebours, l’allumage et a obtenu des données précieuses pour la suite des opérations […] Voir les quatre moteurs s'enflammer pour la première fois […] est une étape importante », affirmaient des officiels de l’Agence spatiale américaine.

Néanmoins, suite à l'analyse des données, la NASA avait conclu qu’un deuxième essai de mise à feu statique était nécessaire afin de fournir davantage de données et notamment valider « la conception de l'étage principal pour le vol ». De plus, cela représentait « un risque minimal » pour le premier étage de la première mission Artemis.
Dans tous les cas, le projet ayant déjà des années de retard et englouti des milliards de dollars (nous y reviendrons), un échec au lancement serait bien plus catastrophique qu’un second essai au sol. D’autant que le premier n’est pas spécialement un échec, sans être non plus un succès total.
Le nouvel essai était planifié pour le 21 février, mais il s‘est finalement déroulé en fin de semaine dernière et sans encombre cette fois-ci : « Le plus gros élément de fusée jamais construit par la NASA, l’étage principal du Space Launch System (SLS) de la NASA, a allumé ses quatre moteurs pendant 8 minutes et 19 secondes », sur le banc d'essai B-2 du Stennis Space Center proche de baie de Saint Louis, dans le Mississippi.
Une étape importante pour le programme Artemis, qui doit renvoyer des humains sur la Lune. Le premier vol est prévu pour 2021 (sans humains à son bord), le second en 2022 avec des membres d’équipage qui resteront en orbite, puis il faudra attendre 2024 et la mission Artemis-3 pour que des humains foulent de nouveau le sol lunaire.
Huit minutes à plein régime, tous les objectifs validés
Comme lors du précédent essai de janvier, la poussée n’était « que » de 7 200 kN, alors que la fusée peut normalement atteindre 8 900 kN à plein régime. La durée de huit minutes n’est pas choisie au hasard : c’est le temps d’allumage des quatre moteurs lors d’un lancement, avant que les étages supérieurs ne prennent le relai.
Cet essai était de nouveau l’occasion de simuler les conditions réelles d’un décollage. Il comprenait donc des phases de petits mouvements des moteurs selon des schémas prédéfinis, afin de diriger la poussée et ainsi orienter la fusée. Ce n’est pas tout : la puissance des moteurs était poussée jusqu’à 109 %, puis baissée à 95 % avant de revenir à 109 %, et d’autres manœuvres étaient aussi de la partie. Bref, des opérations identiques à ce qu’ils « feront pendant le vol » pour s’assurer que la partition sera correctement jouée par l’ensemble des composants.
Maintenant que la répétition générale est terminée, le grand vol n’est pas pour tout de suite. L’analyse des tonnes de données récoltées pendant ces huit minutes continue en parallèle des travaux de « remise à neuf » du premier étage qui servira pour la mission Artemis-1. Il sera ensuite envoyé au centre spatial Kennedy de la NASA, en Floride, afin d’y être assemblé avec les autres parties de la fusée, notamment les deux boosters latéraux et le module Orion.
Comme le rapporte NASA Spaceflight, les premiers retours sont encourageants : « Après notre premier examen de toutes les données, nous avons atteint tous les objectifs du test, même les secondaires […] le système s'est comporté exactement comme prévu », affirme John Shannon, vice-président chez Boeing et program manager pour SLS. L’analyse des To de données va maintenant se poursuivre pendant des semaines.
Bill Nelson (futur patron de la NASA ?) fervent défenseur de SLS
Ce succès doit certainement mettre du baume au cœur de celui qui vient d’être proposé comme nouvel administrateur de la NASA : Bill Nelson. En 2011, le sénateur était en effet un de ceux (avec Kay Bailey Hutchison) qui avaient poussé à l’adoption du programme SLS par l’Agence spatiale américaine.
Il expliquait alors que le développement devait prendre cinq à six ans, avec un coût de 11,5 milliards de dollars, en rappelant qu’il était inférieur aux estimations formulées jusqu’à lors. L’avenir lui donnera tort sur les deux points. On est en effet très loin du compte : le premier vol est attendu pour la fin de l’année (soit dix ans) et le budget dépasserait maintenant les 20 milliards de dollars, soit deux fois plus que prévu.
Bill Nelson n’en était pas à son coup d’essai et il préparait le projet SLS de longue date. Quelques années auparavant, il faisait en effet parler de lui lors de l’arrivée au pouvoir de Barack Obama, en 2009. Alors que le nom de Steve Isakowitz circulait pour prendre la tête de la NASA, le duo Bill Nelson et Kay Bailey Hutchison a bloqué sa nomination pour pousser celle de leur poulain, Charles Bolden. Ce dernier a finalement été nommé et a occupé ce poste entre juillet 2009 et janvier 2017.
C’est « sa croix à porter »
Lori Garver, administratrice adjointe de la NASA entre 2009 et 2013 – en même temps que Charles Bolden –, n’est pas tendre envers la proposition de nomination de Bill Nelson qu’elle présente comme « une tournure ironique des événements » : « Je doute que quiconque au Sénat aujourd'hui soit aussi audacieux. Il a personnellement bloqué le candidat extrêmement qualifié d'Obama pour forcer le sien ». Elle ajoute que cela lui aurait permis de reprendre le contrôle, de contrecarrer les plans du président des États-Unis et de mettre en avant son projet de « fusée monstre ». Deux ans plus tard, SLS était validé.
L’ex-administratrice adjointe de la NASA ajoute que si Bill Nelson est confirmé à ce poste par le Sénat, « son héritage » (alias la « fusée monstre ») « sera sa croix à porter », ce qui ne serait qu’une « douce justice ». « Je suis certaine qu'il soutiendra ce qui est déjà en place : Artemis, commercial crew, SLS, Orion… », ajoute-t-elle.
Ce n’est pas le seul grief envers Bill Nelson. Nos confrères d’Ars Technica proposent une liste de cinq questions qu’ils aimeraient poser au prétendant. L’une d’elles revient sur la nomination de son prédécesseur Jim Bridenstine – en 2017 – quand il avait déclaré que « le chef de la NASA devrait être un professionnel de l'espace, pas un politicien ». Un beau retour de flamme pour celui qui est un politicien.
Il est également connu pour avoir des réticences envers des sociétés privées comme Blue Origin et SpaceX, même s’il a mis de l’eau dans son vin au cours des dernières années (notamment face à leurs succès). Pour rappel, Artemis sera un programme allant bien au-delà de la seule NASA puisque des partenariats avec les sociétés privées et l’Europe ont été signés, notamment sur les modules de service pour Orion.
Quoi qu’il en soit, Space Launch System est bien partie pour continuer sur sa lancée. Ne reste maintenant plus qu’à passer au lancement, probablement d’ici la fin de l’année ou début 2022.
