Drones : la préfecture de police de Paris échoue à contourner la loi CNIL

Drones : la préfecture de police de Paris échoue à contourner la loi CNIL

Arf, le flou

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Marc Rees

Publié dans

Droit

04/01/2021 6 minutes
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Drones : la préfecture de police de Paris échoue à contourner la loi CNIL

Le 15 décembre dernier, le Conseil d’État a une nouvelle fois asséné une gifle au ministère de l’Intérieur sur l’usage des drones équipés de caméras. L’usage d’un floutage sur les flux vidéo n’a pas été jugé suffisant. Une victoire pour la Quadrature du Net, jusqu’au vote de la loi Sécurité globale.

En mai 2020, le Conseil d’État épinglait la Préfecture de Police de Paris pour l’usage de drones destinés à épauler les forces de l’ordre dans le contrôle des mesures de confinement. En jeu, nulle sombre règlementation sur le droit aérien, mais la législation sur les traitements de données personnelles.

Des drones équipés de caméras un peu trop performantes pour surveiller les populations ? Voilà autant de traitements de données identifiantes pour les individus passant dans son spectre.

Le juge administratif constata sans mal que ces drones policiers ne disposaient d’« aucun dispositif technique de nature à éviter (…) que les informations collectées puissent conduire, au bénéfice d’un autre usage que celui actuellement pratiqué, à rendre les personnes auxquelles elles se rapportent identifiables ».

En clair, des visages filmés, des images stockées ou transmises à un centre de commandement, sans qu’on ait la moindre idée de leur destin ou de leur encadrement (durée et lieu de stockage, traitements ultérieurs, dispositifs de sécurité, etc.)

Or, si l’article 31 de la loi CNIL autorise ce genre de traitements mis en œuvre pour le compte de l'État, lorsqu’ils ont « pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté », c’est à l’impérieuse condition qu’un texte les encadre préalablement.

La Quadrature du Net, qui avait obtenu cette première victoire accompagnée par la Ligue des Droits de l’Homme, a remis le couvert devant les juridictions administratives. Et pour cause, la Préfecture de Police, toujours sans texte, a continué à utiliser ces flottes après la phase de confinement, comme l’ont révélé plusieurs témoignages durant les manifestations, à l’appui de photos et vidéos diffusés par la presse et des particuliers sur les réseaux sociaux.

Le flou du spectacle

Devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris, choux-blanc. Le 4 novembre dernier, le « TA » rejetait la demande de l’association. La Préfecture de police de Paris fit utilement reluire son nouveau système présenté dans cette note. Elle a imaginé et ajouté en effet dans ses serveurs un dispositif de floutage automatique et en temps réel des données à caractère personnel transmises par les caméras. Prix de la prestation, 24 000 euros.

Argument de poids : avec ces visages et ces plaques d’immatriculation désormais floutées, les flux vidéo envoyés à la salle de commandement de la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) ne drainent plus de données personnelles. CQFD.

Sauf que devant le Conseil d’État, cette présentation n’a pas été jugée suffisante, et pas seulement parce que la Préfecture est maitresse de cette technologie.

Déjà dans la note précitée, elle relève que « le dispositif de floutage étant totalement maîtrisé par la Direction opérationnelle des services techniques et logistiques, il [sera] possible de faire évoluer le dispositif pour répondre, si le cadre juridique évolue et le permet, à de futures demandes de la DOPC (floutage réversible, dénombrement, LAPI, ….) » (lecture automatique des plaques d’immatriculation).

Des traitements de données à caractère personnel, malgré tout

Les juges ont surtout relevé que « le dispositif de surveillance litigieux, qui consiste à collecter des données, grâce à la captation d'images par drone, afin de les transmettre, après application d'un procédé de floutage, au centre de commandement de la préfecture de police pour un visionnage en temps réel, constitue un traitement ».

Or, en décomposant chaque phase, le système procède encore et toujours à un traitement de données personnelles. Ainsi, « la circonstance que seules les données traitées par le logiciel de floutage parviennent au centre de commandement n'est pas de nature à modifier la nature des données faisant l'objet du traitement, qui doivent être regardées comme des données à caractère personnel ». Rien qu’en amont, il y a bien une captation (traitement) de données personnelles (visages et autres plaques d’immatriculation).

Code en main, le juge des référés a donc estimé remplies les différentes conditions de cette procédure d’urgence : d’un côté, un nombre important de personnes susceptibles de faire l'objet des mesures de surveillance, outre de possibles atteintes à la liberté de manifestation, et de l’autre l’incapacité pour le ministère de l’Intérieur de démontrer que « l'objectif de garantie de la sécurité publique (…) ne pourrait être atteint pleinement, dans les circonstances actuelles, en l'absence de recours à des drones ». Ambiance.

Il a donc enjoint au Préfet de cesser de surveiller les rassemblements de personnes sur la voie publique, « tant que n'aura pas été pris un texte autorisant la création, à cette fin, d'un traitement de données à caractère personnel ».

« La CNIL doit passer à l’action et sanctionner les forces de police nationale et de gendarmerie qui continuent d’utiliser des drones ou des hélicoptères pour surveiller les manifestations ou faire appliquer les règles sanitaires. Nous lui avons mâché le travail, à elle de prendre le relais » réagit la Quadrature du Net.

Une victoire...en attendant la proposition de loi sur la Sécurité globale

Ces drones équipés de caméras possiblement ultraperformantes ne resteront pas longtemps au sol au regard de l’actualité parlementaire. L’article 22 de la proposition de loi sur la Sécurité globale, actuellement au Sénat et déjà adoptée par les députés, va autoriser l’usage d’aéronefs équipés de caméras pour un grand nombre de finalités.

Parmi elles, il s’agira de faciliter le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves, ou encore assurer la sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public.

Écrit par Marc Rees

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Le flou du spectacle

Des traitements de données à caractère personnel, malgré tout

Une victoire...en attendant la proposition de loi sur la Sécurité globale

Le brief de ce matin n'est pas encore là

Partez acheter vos croissants
Et faites chauffer votre bouilloire,
Le brief arrive dans un instant,
Tout frais du matin, gardez espoir.

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Commentaires (19)


2021 L’année du lance-pierres pour dégommer les drones policiers (ça va devenir une discipline olympique) :mdr2:


En mai 2018 ? mai 2020 plutôt non :francais:



ça craint quand même tout ça :fou: car en effet ça reviendra si cette nouvelle loi passe. A voir ensuite si elle sera retoquée comme la loi avia :yes: mais j’ai un doute :censored:


Une bataille de gagnée :bravo:




:roll:
Comme dit en fin d’article, les lots suivants arrivent et necessiteront la vigilance pour compenser les velléités
:duel1:


Quand tu vois le bordel le jour de l’an alors que couvre feu… useless les drones !


Le droit ne nous permet pas de faire ce qu’on veut alors changeons le droit.



Quand on y pense c’est une vision assez particulière de l’état de droit…



wanou2 a dit:


Le droit ne nous permet pas de faire ce qu’on veut alors changeons le droit.



Quand on y pense c’est une vision assez particulière de l’état de droit…




C’est bien tout le problème. Ça va plus loin chez les éditorialistes de certaines télé : “si la Constitution ne permet pas de le faire, changeons la.” Heureusement qu’elle est difficile à modifier.


Les mêmes éditorialistes qui racontent qu’ils sont impuissants face aux traités de l’UE (rejetés par les électeurs), là changer une virgule dans un texte est inconcevable pour eux :roule:



(demande ‘F. Hollande’, il en sait quelque-chose)



:windu:


”…assurer la sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique…”



La guerre, c’est la paix :roll:
La liberté, c’est l’esclavage :roll:
L’ignorance, c’est la force :roll:



Le bilan de la “sécurité des rassemblements” par Macron: lemurjaune.fr



sebtx a dit:


2021 L’année du lance-pierres pour dégommer les drones policiers (ça va devenir une discipline olympique) :mdr2:




Et en plus, avec les masques, tu as une arme quasi prête à l’emploi ! :D


C’est une “victoire pour la QdN”, mais uniquement parce qu’il y a des branques en face (l’administration de la préfecture, avec leur chef Lallement qui n’est “pas dans notre camp”). Le recul des libertés est juste repoussé, mais il arrivera bien assez vite.
A moins que les parlementaires saisissent le CC sur la future loi (j’en doute), et qu’il se prononce sur l’inconstitutionnalité de ce flicage permanent. La raison de la sécurité aura toujours la primeur face à la défense des libertés.


Personnellement je comprends totalement l’utilisation de ces drones dans les cas susmentionnés où des individus ne cherchant que la confrontation avec les participants à la manifestation ou les forces de l’ordre sont de plus en plus nombreux. D’autre part, certaines manifestations sont illégales et volontairement violentes et il s’agit là d’avoir un moyen de les étudier afin de prévenir ce genre d’évènements et ainsi éviter les bagnoles des gens qui n’ont rien demandé qui crament, les commerçants qui se font éclater leurs vitrines (déjà qu’en ce moment ils ont pas bcp de budget alors si en plus ils ont des frais de réparation…).



En bref, je pense qu’on devrait effectivement attendre que la loi soit votée afin d’avoir un cadre légal pour l’utilisation de ces drones mais leur utilisation ne constitue en rien un frein à la liberté d’expression mais bien aux casseurs et autres individus violents.


Toi, tu sembles ne jamais avoir manifesté de ta vie et de ne connaître des manifestations que les débordements que t’en montre la télévision. :roll:



unguest a dit:


…certaines manifestations sont illégales…




En démocratie une manifestation ne peut pas être illégale, l’état n’a pas son mot à dire sur la fin d’une manifestation politique. La manifestation s’arrête quand une solution politique a été trouvé aux demande des manifestants :chinois:



unguest a dit:


(déjà qu’en ce moment ils ont pas bcp de budget alors si en plus ils ont des frais de réparation…).




Tu connais le principe d’une assurance ?
Quant aux autres propos, no comment, les manifestants sont tous des casseurs, c’est bien connu !


Je sais bien que ce n’est pas tout le monde qui est casseur, certains casseurs s’en prennent même aux manifestants eux-mêmes; preuve que ça part vraiment n’importe comment. Cependant, la part de casseurs dans les manifs ainsi que les dégâts ne diminuent pas voire augmentent ces derniers temps et le drone pourrait aider à mieux comprendre comment freiner tout ça d’un point de vue stratégique.



(reply:1846113:ProFesseur Onizuka)
Mais, c’est cela : toutes les manifestations sont légitimes 😁, l’état n’a rien à dire, le peuple a toujours raison, etc.
C’est sans conteste le meilleur chemin pour amener une dictature à la faveur des désordres engendrés.



Le point soulevé ici était la dérive dictatoriale en cours de l’état français, qui utilise une scélérate obligation de déclarer les manifestations avec horaire de fin obligatoire pour encercler, gazer, matraquer, éborgner, grenader, arracher les mains et tuer (Rémi Fraisse, Zineb Redouane) pendant les manifestations politiques :windu:



Les Français voit l’état élu “engendrer le désordre” et se rapprocher des dictatures aujourd’hui :windu:



alain_du_lac a dit:




Alors quand le peuple conteste les décisions, c’est du “désordre engendré” , et quand il conteste pas, c’est qu’il est d’accord avec les mesures prises ?



T’a pas besoin d’amener la dictature, elle est déjà là, avec ce raisonnement….