Un projet de décret d’application de la loi anti-gaspillage de février dernier a été envoyé à la Commission européenne. Il prévoit de rendre plus lisible l’information relative aux « mises à jour des logiciels pour les biens comportant des éléments numériques ». Explications.
On parle souvent de l’obsolescence programmée comme étant matérielle : un appareil trop fragile pour survivre au temps, des soudures mal réalisées, avec pour objectif un remplacement récurrent et une dépendance à un producteur.
Depuis l’entrée des logiciels dans nos objets du quotidien (téléphones, machines à laver, voitures, etc.), un nouveau type d’obsolescence programmée, plus précise et pernicieuse, est apparue. Les appareils deviennent obsolètes car il n’est plus possible de les mettre à jour. On pense tout de suite aux smartphones, mais c’est aussi le cas de GPS embarqués dans les véhicules, ou encore des robots de cuisine. C'est ce que l'on appelle communément l'obsolescence logicielle.
Le futur décret d’application en question dresse la liste des informations que le producteur devra bientôt fournir au vendeur, qui devra lui-même les transmettre au consommateur.
Des mises à jour au grand jour
Ce décret souhaite faciliter la circulation des informations essentielles au fonctionnement de l’appareil en question afin de protéger le consommateur. L’objectif est de promouvoir une plus grande transparence sur le mode de fonctionnement des logiciels embarqués.
Un « support durable » devra donc obligatoirement permettre au consommateur de savoir quels sont les logiciels qui ont à être mis à jour ainsi que la durée durant laquelle le producteur maintiendra ces logiciels à jour.
Ces informations devront désormais être fournies par le vendeur « sans frais » et « de manière lisible et compréhensible », avant, mais aussi après, la vente d’un bien comportant des éléments numériques.
Une garantie commerciale
Dans le détail, le décret instaure une section Garantie commerciale au Code de la consommation. Cette section comprendra quatre articles. Le premier indique que « le producteur d’un bien comportant des éléments numériques communique sans frais au vendeur les informations relatives aux mises à jour des logiciels fournis lors de l’achat de ce bien, y compris les mises à jour de sécurité, compatibles avec un usage normal du bien ».
Selon la loi, l'usage du bien est considéré comme normal quand ses fonctionnalités répondent aux attentes légitimes du consommateur. Un critère qui laissera une marge aux fabricants.
Pour les informations répondant à ce critère, on devra retrouver « la durée pendant laquelle les mises à jour sont fournies ou la date à laquelle la fourniture des mises à jour pour le bien concerné prend fin ».
L’article 1er du décret prend soin de préciser que « le producteur communique également au vendeur, sans retard injustifié et sur support durable, toute information relative aux évolutions des mises à jour. A ce titre, il l’informe des conséquences des mises à jour fournies au-delà de la durée ou de la date indiquée au 2° sur les performances du bien ».
On se souviendra ici du cas d’Apple, dont une mise à jour bridait les performances de certains iPhone
Sur Android, ce sont les constructeurs qui décident du rythme d’implémentation des mises à jour… et certains y mettent plus de bonne volonté que d’autres. C’est pourtant un critère décisif lors du processus d’achat pour le consommateur, trop souvent absent des brochures.
Il faut néanmoins noter qu’il existe certains « bons élèves » en la matière. Google, par exemple, a déployé sur ses smartphones Pixels des mises à jour pendant plusieurs années. C’est aussi le cas de Oneplus, même si la politique de la firme chinoise semble avoir changé en la matière depuis novembre.
Ces informations seront mises à disposition du consommateur, avant la conclusion de la vente. On imagine par la piste d'un affichage dédié, sous forme d'une ligne supplémentaire sur les caractéristiques de chaque appareil. Reste la question des informations relatives aux évolutions des mises à jour qui seront là encore mises à disposition, conduisant le consommateur à aller chercher cette donnée en boutique ou sur les sites des vendeurs.
Une protection accrue sur la durée
Le décret, qui est programmé pour le 1er avril 2021, a surtout pour objet de préciser les conditions d’application de l’article 27 de la loi de février 2020. En effet, celui-ci dispose que la «période [de maintien des mises à jour] ne peut être inférieure à deux ans».
Cette période pourra même dépasser ce calendrier s'agissant de « la fourniture continue d’un contenu numérique ou d’un service numérique pendant une période supérieure à deux ans ».
Dans un tel cadre, le texte précise que « le vendeur veille à ce que le consommateur reçoive les mises à jour, y compris les mises à jour de sécurité, nécessaires au maintien de la conformité du bien durant toute la période pendant laquelle le contenu ou le service numérique est fourni, quel que soit le type de bien concerné ».
On a donc ici un corpus légal qui permettra au juge de lutter contre le manque de transparence à l’origine de nombreux scandales portant sur des mises à jour affectant la qualité de l’appareil en question, ou sur l’abandon de celles-ci sans information préalable du consommateur.
Au-delà de la lutte contre l'obsolescence logicielle, la loi anti-gaspillage prévoit plusieurs mesures pour agir en faveur de la durabilité des appareils numériques. Entre autres, elle entend faciliter la réparation et l'accès aux pièces détachées issues de l'économie circulaire ou encore imposer aux vendeurs d'afficher un indice de réparabilité.