Après une année 2020 record, l’Autorité de la Concurrence dévoile son plan d’action pour 2021

Après une année 2020 record, l’Autorité de la Concurrence dévoile son plan d’action pour 2021

« Merci » Apple

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Sébastien Gavois

Publié dans

Droit

05/01/2021 9 minutes
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Après une année 2020 record, l’Autorité de la Concurrence dévoile son plan d’action pour 2021

L’Autorité de la Concurrence publiait il y a quelques jours son bilan d'une année 2020 pas comme les autres, où elle a explosé son record de sanctions. 2021 devrait également être chargée, avec une attention particulière portée au numérique, développement durable et concentrations « sous les seuils ».

« Nous avons fait en sorte que l’examen des concentrations d’entreprises se poursuive avec des délais très brefs, nonobstant les contraintes liées à l’état d’urgence sanitaire », explique Isabelle De Silva, présidente de l’Autorité de la Concurrence (AdlC). Ce, sans avoir utilisé les « délais supplémentaires qui étaient prévus par les ordonnances prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire » précise-t-elle.

En 2020, l'Autorité a rendu 23 décisions en matière de pratiques anticoncurrentielles et 12 avis. L'année précédente, on en comptabilisait respectivement 27 et 19. Le nombre de décisions au titre du contrôle des concentrations est également en baisse avec « plus de 200 » en 2020, contre pas moins de 270 l’année dernière.

Pour autant, les 12 mois passés étaient l'occasion de quelques « records » et nouveautés.

1,8 milliard d’euros de sanction, les 2/3 dans l’affaire Apple 

Tout d'abord celui du montant des sanctions : près de 1,8 milliard d’euros au total, le triple de 2019. C’est également beaucoup plus qu’en 2014 et 2015, deux années importantes à ce titre (1 et 1,25 milliard d’euros).

Cela s'explique principalement par l’affaire Apple, le fabricant ayant été sanctionné à hauteur de 1,1 milliard d’euros. L’Autorité rappelait d’ailleurs que c’était sa « sanction la plus élevée ». Pour 2020, viennent ensuite Tech Data (76 millions d’euros) et Ingram (63 millions d’euros).

2020 a été marqué par son « avis d’envergure » sur la situation concurrentielle en Corse. Elle a également été l’occasion de mettre en œuvre, « pour la première fois, […] les pouvoirs qui lui ont été confiés par la loi EGALIM ».

Cela a « débouché sur des engagements remédiant aux risques pour la concurrence suscitée par deux rapprochements à l’achat d’envergure en matière de MDD [Marque De Distributeur, ndlr] (Auchan/Casino/Metro/Schiever et Carrefour/Tesco) » se félicite l'Adlc.

Comme l’année dernière, elle revendique être « l’Autorité nationale la plus active au sein du réseau européen de concurrence ». Son budget pour l’année qui vient de s’écouler est de 23 millions d’euros, en hausse de 500 000 euros sur un an. Celui de 2021 n’est pas précisé.

De nouvelles lignes directrices sur les concentrations

L'Adlc a terminé une « profonde rénovation » de ses lignes directrices sur les opérations de concentration et prépare désormais un document-cadre destiné aux entreprises pour « appréhender, de façon actualisée et pédagogique, le cadre d’analyse, les méthodes d’examen, les options possibles, afin de les éclairer sur la façon dont l’Autorité est susceptible de se prononcer sur les rapprochements ou fusions-acquisitions ».

Elle précise que « les préoccupations liées au développement durable continueront à être intégrées en 2021 dans la pratique décisionnelle de l’Autorité, qui s’attachera à cibler les pratiques anticoncurrentielles les plus dommageables en la matière ». Un sujet dans la tendance du moment, bienvenu dans de telles analyses.

Elle apportera bien entendu une « attention toute particulière aux cartels qui viennent fausser les processus de commande publique », notamment avec l'arrivée de nouveaux dispositifs de contrôle (qui ne sont évidemment pas détaillés). Elle précise simplement qu’elle mettra « à profit les outils numériques fondés sur l’OSINT ».

En 2021, elle se concentrera sur l'économie numérique…

On retient également de ces derniers mois la création du « nouveau service dédié à l’économie numérique », désormais « pleinement opérationnel ». Il est donc paré pour affuter l’expertise de l’Autorité sur trois points pour l’année à venir : « plateformes, algorithmes [et] sciences de la donnée ».

Dans tous les cas, l’économie numérique promet d’être un gros morceau de 2021. L’Autorité s’était déjà penchée sur le sujet cette année, notamment avec sa « décision ordonnant à Google, dans le cadre de mesures conservatoires, de négocier avec les éditeurs et agences de presse la rémunération au titre des droits voisins ».

Une décision qui avait été attaquée par Google devant la Cour d’appel, qui a rendu son verdict en octobre. Quoi qu’il en soit, l’instruction par l’AdlC continue et, en 2021, elle vérifiera que Google a bien respecté les mesures conservatoires et se prononcera sur le fond du dossier.

… le secteur financier, la publicité et la musique

Dans les prochains mois, l’Autorité rendra son avis sur « la transformation concurrentielle du secteur financier », qui fait suite à une autosaisine. Elle reviendra ainsi « sur l’évolution de la dynamique concurrentielle dans le secteur financier, avec l’émergence des Fintechs, mais aussi sur les conséquences liées à l’arrivée massive des GAFA dans la sphère des services de paiement ».

En 2021 également, elle publiera son avis – demandé par la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale – sur la concentration dans le secteur des musiques actuelles. Ce sera « la première fois que l’Autorité se penchera, dans un avis d’ensemble, sur le secteur des musiques actuelles pour examiner les évolutions concurrentielles qui le traversent, sous l’effet notamment du développement des supports et modes de consommation numériques ».

Faisant suite à l’avis de 2018 sur la publicité en ligne, des enquêtes contentieuses sont en cours et devraient aboutir en 2021. Deux vagues exemples sont donnés : « l’une concernant les services d’intermédiation dans le secteur de la publicité en ligne et l’autre, les pratiques de collecte massive de données ».

Elle tiendra sous peu une séance sur la demande de mesures conservatoires présentées par l'IAB France (qui représente les acteurs de la publicité en ligne), MMA France (les principaux acteurs présents sur les médias mobiles), UDECAM (une association de mise en relation des différents acteurs des médias et de la communication) et le Syndicat des Régies Internet (SRI), relative aux modifications annoncées par Apple sur iOS14.

Dans l’ensemble, son « service de l’économie numérique poursuivra sa montée en puissance ». Il est ainsi question de « la mise en place d’outils permettant de suivre en temps réel l’évolution des conditions générales d’utilisation des plateformes numériques et d’approfondir la surveillance des marchés publics par le biais d’algorithmes ».

Des améliorations « notables » et le développement durable

En 2020, l’adoption de la loi DDADUE a permis des améliorations notables pour la suite : « l’élargissement du champ de la procédure simplifiée […] et la suppression de la procédure de l’avis de clémence, qui permettra de traiter encore plus rapidement les demandes de clémence, outil essentiel à la détection des cartels secrets ».

L’Autorité attend en 2021 une ordonnance pour la directive ECN+, qui comportera plusieurs avancées : 

  • Introduction du principe d’opportunité des poursuites, qui permettra à l’Autorité de mieux adapter ses moyens aux enjeux les plus significatifs pour la concurrence
  • Possibilité pour l’Autorité de se saisir d’office en matière de mesures conservatoires
  • Faculté de prononcer des injonctions structurelles dans le cadre de pratiques anticoncurrentielles
  • Relèvement sensible du plafond applicable aux associations d’entreprises, qui passe à 10 % du chiffre d’affaires global.

Covid-19 et concentration « sous les seuils » dans le radar

Étant donné les dégâts causés par la crise sanitaire de 2020, l'Adlc prévient qu’elle sera particulièrement attentive aux opérations de concentration « portant sur des enseignes du commerce de détail en difficulté économique. L’année 2021 devrait voir cette tendance se poursuivre ». Elle veillera notamment à ce que certaines « n’échappent pas artificiellement à son contrôle en raison de la faiblesse du chiffre d’affaires réalisé en 2020 ».

Elle verra d'ailleurs l'un de ses vœux exaucés par la Commission européenne : certaines acquisitions « échappaient à tout contrôle », car le chiffre d’affaires de la cible était trop faible pour atteindre un certain seuil… quel que soit le montant du rachat. C’était le cas lorsque Facebook a croqué WhatsApp en 2014 pour 16 milliards de dollars : en dépit d'un montant titanesque, le chiffre d'affaires de WhatsApp était trop faible pour déclencher une notification obligatoire. Cette « faille dans le contrôle national et européen des concentrations » sera bientôt corrigée.

Enfin, l’AdlC rappelle que la Commission européenne a annoncé en 2020 « qu’elle accepterait désormais, revenant sur la doctrine qui était jusqu’alors la sienne, les renvois, par des autorités nationales de concurrence, d’opérations de concentration "sous les seuils" ». 2021 sera l’occasion de passer à la pratique, et l’Autorité de la Concurrence mettra immédiatement en place « une veille sur les marchés afin de détecter les opérations qui pourraient être soumises à renvoi à la Commission européenne ».

Écrit par Sébastien Gavois

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Sommaire de l'article

Introduction

1,8 milliard d’euros de sanction, les 2/3 dans l’affaire Apple 

De nouvelles lignes directrices sur les concentrations

En 2021, elle se concentrera sur l'économie numérique…

… le secteur financier, la publicité et la musique

Des améliorations « notables » et le développement durable

Covid-19 et concentration « sous les seuils » dans le radar

Le brief de ce matin n'est pas encore là

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