Fichiers policiers : la CNIL en porte-à-faux

Le gardien en narcolepsie
Droit 3 min
Fichiers policiers : la CNIL en porte-à-faux

Le passage en force du ministère de l’Intérieur à l’occasion de la publication des décrets sur les fichiers PASP et GIPASP, étendant le fichage policier aux « opinions politiques », met en lumière la faiblesse des pouvoirs de la CNIL, constate Mediapart. 

Un recours déposé par la CGT, FO, la FSU, le Syndicat des avocats de France (SAF), le Syndicat de la magistrature (SM), Solidaires, l’Unef, ainsi que l’association Gisti, doit être examiné ce mercredi 23 décembre par le Conseil d’État à partir de 15 heures. Mediapart a tenté d'expliquer ce pourquoi la principale institution chargée de protéger les données personnelles des Français se trouve désormais en porte-à-faux.

Le rôle de la CNIL en question

La CNIL a en effet rendu des avis mitigés et formulé des réserves sur ces trois textes, tout en en validant l’essentiel. Elle n'avait cependant pas été consultée pour l’introduction des « opinions » dans le cadre des fichiers PASP et GIPASP, cette mention ayant été ajoutée après les avis.

« L’avis ne constitue ni une autorisation ni un refus », explique Émilie Seruga-Cau, cheffe du service des affaires régaliennes et des collectivités territoriales à la Commission. « Le but est de conseiller le gouvernement et celui-ci est susceptible de modifier son texte pour tenir compte de l’avis ou de l’examen ultérieur fait par le Conseil d’État. »

« Si la CNIL est bien une autorité de conseil, il serait justement dans l’intérêt du gouvernement de lui soumettre des mesures qui risqueraient de ne pas passer devant le Conseil d’État », poursuit Félix Tréguer, sociologue et membre de La Quadrature du Net. « Elle devrait pouvoir faire passer ses arguments, mais on voit bien qu’elle n’y arrive pas. »

Quelle protection contre le « tout surveillance » ?

Alors que, depuis la loi informatique et libertés de 1978, ses avis devaient être « conformes » et donc suivis par le gouvernement, sa réforme en 2004 ne les a rendu que « consultatifs ». 

Plusieurs anciens membres de la CNIL s’étaient alors invités dans le débat avec une tribune publiée dans Le Monde, soulevant plusieurs points résonnant avec la polémique actuelle.  En effet, avant la loi du 6 août 2004, il était strictement interdit « de collecter et d’enregistrer des données sensibles (origine ethnique, opinions politiques ou religieuses, mœurs, etc.). Ce principe – conquête du Parlement lors du vote de la loi de 1978 – serait désormais assorti de neuf dérogations », s’inquiétaient les signataires.

L’une d’elles concerne justement les « fichiers intéressant la sécurité publique, la défense et la sûreté de l’État, c’est-à-dire les plus sensibles de tous les fichiers ». De plus, « lorsqu’ils comportent de telles données sensibles, ces fichiers ne peuvent être mis en œuvre actuellement que par décret pris après un avis conforme de la CNIL et du Conseil d’État. Désormais, l’avis de la CNIL ne liera plus le Conseil d’État et encore moins le gouvernement, puisque la réforme vise précisément à le libérer de cette contrainte. »

Concernant la publication des avis de la CNIL au Journal Officiel, les signataires s’interrogeaient : « Où est, là encore, la cohérence d’une garantie qui consiste, alors qu’il s’agit de fichiers à haut risque, à publier un texte valant autorisation, indifférent à l’opinion voisine pouvant être opposée ? N’est-ce pas préférer au débat les polémiques stériles en prenant à témoin une opinion incrédule lorsqu’elle constatera que le fichier aura déjà été créé et les textes qui l’organisent publiés ? En somme, on offre une transparence qui, en réalité, met fin au dialogue en évitant le débat. »

« Aujourd’hui, la CNIL est devenue une organisation assez technocratique et pas très politique », regrette Tréguer. « Pourtant, lors des débats sur la loi Informatique et libertés de 1978, elle avait été présentée comme un gardien devant empêcher le basculement dans une société de surveillance. On ne peut que constater qu’elle a échoué. »

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