Grande conjonction entre Jupiter et Saturne : le rendez-vous 2020 est « exceptionnel »

Grande conjonction entre Jupiter et Saturne : le rendez-vous 2020 est « exceptionnel »

Sinon vous pouvez attendre 2080

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Sébastien Gavois

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Sciences et espace

21/12/2020 7 minutes
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Grande conjonction entre Jupiter et Saturne : le rendez-vous 2020 est « exceptionnel »

Ce soir à 19h22, un événement rare va se produire dans le ciel : Jupiter va flirter avec Saturne pour ne faire plus qu’un. Cette conjonction revient tous les 20 ans, mais celle de cette année est notable, car la distance apparente séparant les deux planètes sera très faible. On vous explique tout cela en douceur.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il faut commencer par définir le terme « conjonction », qui est plus complexe qu’il n’y parait. Pour simplifier, c’est lorsque deux astres semblent se rapprocher dans le ciel, du moins pour un observateur placé sur Terre (par exemple), car ils sont en réalité toujours très espacés les uns des autres.

Une définition un peu plus complexe serait de décrire la situation où ils ont la « même longitude géocentrique ou même ascension droite », explique le Larousse. Pour entrer encore plus dans les détails, on vous laisse entre les mains de Patrick Rocher de l’IMCCE (Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides) qui présente trois configurations (qui se produisent toujours au voisinage les unes des autres) : 

Conjonction Jupiter Saturne

Dans la course céleste, Jupiter « prend un tour  » à Saturne

Bien que rare, une conjonction entre Jupiter et Saturne est un événement ponctuel qui n’arrive pas par hasard, bien au contraire : il se produit tous les 20 ans, la prochaine étant ce soir. L’explication est « simple » pour l’Observatoire de la Côte d’Azur : « La période orbitale de Saturne étant de 29,5 années et celle de Jupiter de 11,9 années, on peut calculer que Jupiter "rattrape" Saturne tous les 20 ans (19,86 ans très exactement) ».

La précédente conjonction s’est ainsi déroulée le 28 mai 2000, la prochaine le 31 octobre 2040, et ainsi de suite. Certains événements sont plus « remarquables » que d’autres – lorsque les planètes semblent quasiment se superposer – on parle alors de « grandes conjonctions ».

L’alignement des planètes – vu depuis la Terre – n’est pas toujours parfait, car les plans orbitaux des deux astres sont légèrement différents : l'orbite de Saturne est inclinée de 1,25 degré sur celle de Jupiter : « Lors d'une conjonction, les planètes peuvent se trouver en n'importe quel point de leur orbite, si bien que la distance minimum sur le ciel peut varier entre 0 degré (conjonction juste à l'intersection des orbites) et 1,25 degré, lorsque cette conjonction se déroule à 90° de cette intersection », explique l’Observatoire de la Côte d’Azur.

Conjonction Jupiter Saturne
Crédits : Perth Observatory

Degré, minutes et secondes d’arc, quelques révisions

2020 est une année particulière sur ce point : « la conjonction est très proche du point d'intersection des deux orbites et le rapprochement des deux planètes est remarquable, avec une distance minimale de 0,1018°, soit 6,1' » ou minutes d’arc… mais de quoi s’agit-il ?

Quand on parle de degré ou de minutes dans le cas présent, il s’agit d’une mesure prenant comme base le ciel qui nous entoure sous la forme d’une sphère à 360°. 1° est donc une portion équivaut à 1/360 du ciel. On utilise aussi des sous-unités avec 60 subdivisions : 1° vaut 60 minutes d’arc et une minute d’arc vaut 60 secondes d’arc. Une minute d’arc vaut donc 1°/60 (0,017°) alors qu’une seconde vaut 1°/3600 (0,00027°).

À titre d’exemple, le diamètre angulaire de la pleine Lune est environ de 0,5°, soit 30' (minutes d’arc). C’est quasiment le même que celui du Soleil. Ce dernier est par contre beaucoup plus loin, son diamètre réel étant largement plus important.

Bref, cette unité de mesure permet de quantifier la taille apparente des objets présents dans le ciel, sans tenir compte de leurs taille réelle. Si on reprend les 0,1018° (6,1 minutes d’arc) séparant les deux planètes, on se rend compte que la distance entre les deux planètes sera environ 20 % du diamètre apparent de la Lune.

Ce minimum sera atteint ce lundi 21 décembre à 19h22 heure de Paris. Si, depuis la Terre, Saturne et Jupiter seront très proches et quasiment impossibles à distinguer sans recourir à des jumelles au minimum – les deux planètes formeront un disque unique – elles seront en réalité espacées de 700 millions de kilomètres environ. 

Conjonction Jupiter Saturne
Crédits : NASA

De l’an 0 à 4000 : 200 conjonctions à la loupe

Comme malheureusement trop souvent, les superlatifs ne manquent pas dans la presse lorsqu’il s’agit de parler de cette conjonction. Pourquoi certains parlent-ils d’un événement qui n’avait pas eu lieu depuis 400 ans, d’autres depuis 800 ans, alors que ce phénomène se déroule tous les 20 ans ?

Pour répondre à cette question, l‘Observatoire de la Côte d’Azur propose une frise avec les conjonctions entre les années 0 et 4000, soit 200 événements si vous avez bien suivi (un tous les 20 ans), et la séparation minimale des deux planètes, en degrés : « On retrouve tout d'abord qu'en général elle est de l'ordre de 1°, n'est jamais plus grande que 1,25°. Pour les rapprochements remarquables, il y a quelques valeurs inférieures à 0,1° et l'on voit que pour trouver un rapprochement plus serré que celui de 2020, il faut remonter à 1623 et surtout à 1226, ce dernier étant fréquemment cité dans la presse ».

En effet, le 16 juillet 1623 eut lieu une conjonction avec une séparation inférieure à 0,1°, mais « Jupiter et Saturne n'étaient qu'à 13° du Soleil et donc difficiles à observer dans la lumière du couchant, avec au mieux 45 mn entre le coucher du Soleil et celui des deux planètes ». Pour les scientifiques, « il est possible que personne n'ait pu l'apercevoir ». Pour une conjonction plus intéressante que celle de ce soir, il faut donc remonter encore le temps.

On reprend la DeLorean pour 400 ans de plus en arrière, direction le 5 mars 1226. Cette conjonction est l’une des quatre (sur 4 000 ans) avec une distance inférieure à 0,05°. De plus, les deux astres étaient éloignés du Soleil de 50°. En outre, « le phénomène était bien visible deux heures avant le lever du Soleil (avec en prime Vénus éclatante à quelques degrés). La distance entre les deux planètes n'était que de 2' (0,035 °), et il était impossible à l’œil nu de distinguer les deux astres, étant donné l'éclat de Jupiter par rapport à Saturne ».

Conjonction Jupiter SaturneConjonction Jupiter Saturne

Une autre grande conjonction en 2080, puis en 2417, 2874, 3271…

Certains auront peut-être la chance de pouvoir voir une autre conjonction remarquable le… 15 mars 2080, au lever du Soleil avec un rapprochement de 0,1 degré entre les deux planètes (quasiment comme ce soir). Dans ce grand ballet du Système solaire, on retrouve parfois « des paires de conjonctions serrées », avec des intervalles de 60 ans (2020 et 2080 par exemple) : ce résultat vient du fait « que 60 ans correspondent à peu près à deux périodes orbitales de Saturne et cinq périodes de Jupiter », explique l’Observatoire de la Côte d’Azur.

Et ensuite ? « Il faut patienter jusqu'au 24 août 2417, et se lever aux aurores pour avoir un rapprochement de seulement 0,09°. Mais d'ici là, il se passera bien d'autres phénomènes astronomiques fascinants », conclut l’observatoire de la Côte d’Azur. Après 1226, les prochaines conjonctions à moins de 0,05° sont prévues pour… 2874 et 3728.

Par pur hasard, c’est aussi le solstice d’hiver

Pour une fois le hasard est venu s’ajouter à l’équation : ce 21 décembre 2020 est aussi le jour du solstice de décembre (solstice d'hiver dans l'hémisphère nord), c’est-à-dire le jour le plus court de l'année : « C'est un pur hasard du calendrier, les deux événements (conjonction et solstice) n'ont rien à voir ensemble ».

Petite subtilité au passage, ce 21 décembre n’est « pas celui où le Soleil se couche le plus tôt (c'était le 8 décembre) ou se lève le plus tard (ce sera le 3 janvier 2021) ». Décidément, le Système solaire (et finalement l’ensemble de l’Univers) peut parfois être facétieux.

Conjonction Jupiter Saturne
Crédits : Observatoire de la Côte d’Azur

Écrit par Sébastien Gavois

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Sommaire de l'article

Introduction

Dans la course céleste, Jupiter « prend un tour  » à Saturne

Degré, minutes et secondes d’arc, quelques révisions

De l’an 0 à 4000 : 200 conjonctions à la loupe

Une autre grande conjonction en 2080, puis en 2417, 2874, 3271…

Par pur hasard, c’est aussi le solstice d’hiver

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Commentaires (9)


A observer sous la pluie 😁


Magnifiques nuages ici aussi…


Merci pour cet article qui m’explique à quel point je dois être dégoûté d’avoir des nuages en cette soirée :transpi:


Pareil ici, moi qui espérais faire un peu de photo nocturne. :craint:


J’espère qu’il y a des astrophotographes amateurs à Biarritz, Tarbes, Nice ou Ajaccio
Parce que tous les autres en France vont se faire voir vu la météo :mad:


Oui. Depuis un bon mois on pouvait admirer chaque soir le rapprochement des deux planètes dans un ciel relativement dégagé. Et ce soir, point de final :-(


Merci pour cet article, c’est bien de varier les plaisirs ^^


Quelques photos dans cet article.
En Grand Est, vu dimanche soir (ciel dégagé) mais pas lundi soir (ciel couvert)…


T’as pas de nuages, tu recherches Saturne, tu vois que Jupiter… Super. :fumer:
Sinon, merci Seb pour cet article. :chinois: