Sécurité globale : de multiples risques selon la Commissaire aux droits de l’Homme

Sécurité globale : de multiples risques selon la Commissaire aux droits de l’Homme

Une critique de plus contre le texte LREM

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Marc Rees

Publié dans

Droit

17/12/2020 6 minutes
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Sécurité globale : de multiples risques selon la Commissaire aux droits de l’Homme

Dunja Mijatović, Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, vient d’adresser un courrier à la commission des lois du Sénat. Elle épingle la proposition de loi relative à la sécurité globale. Un texte bientôt examiné au sein de la chambre haute, et qui ne se limite pas à l'article 24.

À l’occasion de ce courrier, la Commissaire estime que les craintes exprimées sur ce texte par de multiples organisations « n’ont pas été dissipées » après le vote par l’Assemblée nationale. Elle profite de l’occasion pour « partager avec vous un certain nombre de questions que ce texte soulève au regard des normes relatives aux droits de l’homme, en particulier celles du Conseil de l’Europe ».

Ses attentions se concentrent sur les nouveaux outils déployés dans les mains des forces de l’ordre et d’abord les articles 20 à 20 ter de la proposition de loi.

Ces dispositions « prévoient notamment d’accorder à de nouvelles catégories d’acteurs de la sécurité la possibilité de visionner des images de vidéosurveillance de la voie publique et d’assouplir les modalités de l’accès en temps réel par les services de police et de gendarmerie, voire de police municipale, aux images réalisées par les bailleurs en vue de la protection des parties communes des immeubles collectifs à usage d'habitation ».

Elle craint des ingérences dans le droit à la vie privée, protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, dont la justification doit être démontrée. De même, « l’accès aux images de vidéosurveillance des parties communes des immeubles collectifs à usage d'habitation soulève, en outre, la question de la protection de la propriété garantie par l’article 1er du Protocole Additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme ».

Elle rappelle à ce titre que la Commission européenne pour la démocratie par le droit considère « qu’en règle générale, seule une surveillance ponctuelle et temporaire des lieux privés par les autorités publiques peut être considérée comme nécessaire et proportionnelle ». La Commissaire invite donc la commission des lois à délimiter au mieux ces articles pour tenir compte des textes européens.

Un oeil critique sur l'exploitation des caméras piéton

L’usage des caméras piéton par les forces de l’ordre à des fins « d’information du public sur les circonstances des interventions », permettra de diffuser sur les réseaux sociaux des vidéos officielles des interventions.

L’enjeu, prôné par les partisans du texte, est de « rétablir la vérité sur certaines images, parfois fausses […] qui circulent, notamment sur les réseaux sociaux, en leur opposant les images de l’enregistrement ». Pour la Commissaire néanmoins, « la possibilité, pour des policiers et gendarmes, de répliquer devant le tribunal de l’opinion à des images diffusées par des tiers, que semble en réalité recouvrer cette nouvelle finalité, ne m’apparaît pas constituer un but légitime justifiant une ingérence dans le droit à la vie privée des personnes filmées ».

Elle rappelle aussi que les agents pourront avoir accès aux enregistrements vidéo et la loi en formation exige que des garanties soient apportées pour assurer l’intégrité des fichiers. Dans sa lettre, la Commissaire suggère à la commission des lois de « préciser les conditions et modalités d’accès direct aux images par les personnes ayant procédé à leur enregistrement, de manière à garantir l’intégrité effective des enregistrements ».

Une remarque qu’avait déjà exprimée le député Philippe Latombe lors des débats à l’Assemblée nationale, mais vainement. Ses amendements destinés à muscler la sécurisation de ces données furent tous rejetés.

Autre point exprimé dans le courrier : « une garantie défaillante du droit à la vie privée et de la protection des données personnelles serait d’autant plus dommageable qu’elle risquerait de dissuader les personnes soucieuses du respect de ces droits de participer, notamment, à des manifestations et d’entraver ainsi leurs libertés d’expression et de réunion pacifique ».

Des motifs trop flous pour justifier l'usage des drones avec caméra

L’article 22 sur les drones, qui pourront être déployés pour de nombreuses finalités, notamment pour collecter des éléments de preuves pour l’ensemble des infractions en vigueur dans notre droit, n’échappe pas aux critiques. « Les images numériques des organisateurs et des participants à une manifestation ne doivent pas être enregistrées, sauf lorsque cela est spécifiquement autorisé par la loi et nécessaire dans les cas où il y a des raisons probables de croire que les organisateurs ou les participants se livreront à une activité illégale grave ».

La liste des motifs de recours aux drones est jugée trop longue et floue. « Il apparaît primordial de renforcer les garanties des droits de l’homme et des libertés fondamentales des personnes soumises à la surveillance opérée par ces caméras aéroportées » implore en effet la Commissaire. Elle demande une définition plus stricte de ces motifs « en améliorant les modalités d’information des personnes visées et veillant à ce que les conditions d’enregistrement, de traitement et de conservation des images soient conformes aux exigences de l’article 8 de la CEDH et de la Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel ».

La diffusion des images du visage des policiers

L’article 24 sur la diffusion des images du visage des policiers dans un but malveillant attire aussi ses attentions. « Cet article tel qu’il est soumis à votre examen demeure, à mon sens, insatisfaisant du point de vue du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

Elle dénonce une atteinte à la liberté de la presse, garantie par l’article 10 de la CEDH. De même, cette nouvelle infraction ne serait pas « nécessaire » en ce sens que de nombreuses dispositions permettent déjà de sanctionner ces faits. « Je m’inquiète également du risque d’auto-restriction de la liberté d’informer découlant de l’imprécision de la notion de « but manifeste », ainsi que du sentiment d’impunité que la moindre capacité des journalistes et/ou citoyens de documenter l’action des forces de l’ordre par la diffusion d’images de leurs opérations pourrait susciter chez certains policiers, gendarmes ou policiers municipaux. »

« Je vous exhorte donc à supprimer cette interdiction » écrit-elle, après avoir relevé que cette disposition pourrait « aggraver la crise de confiance entre une partie de la population et une partie des forces de l’ordre ».

Écrit par Marc Rees

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Sommaire de l'article

Introduction

Un oeil critique sur l'exploitation des caméras piéton

Des motifs trop flous pour justifier l'usage des drones avec caméra

La diffusion des images du visage des policiers

Le brief de ce matin n'est pas encore là

Partez acheter vos croissants
Et faites chauffer votre bouilloire,
Le brief arrive dans un instant,
Tout frais du matin, gardez espoir.

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Commentaires (8)


Clémentines et cœurs sur toi !!!


Oh ben ça alors, cette loi irait à l’encontre des droits de l’homme ?
On l’avait pas vu venir !



Espérons que notre appareil législatif fasse marche arrière parce que c’est du grand n’importe quoi ce projet de loi.


ça reviendras sous une autre forme comme pour Avia


FRANCE : Pays de naissance de la déclarations des droits de l’Homme.



Vois ce que tes enfants en ont fait …


Il est symptomatiques qu’à chaque nouvelle législation liberticide l’Europe rappelle à l’ordre les polytocards français. Leur France étatiste n’a jamais été la défenderesse des Droits de l’Homme, même en théorie. Les avancées obtenues à un moment ont toutes été, et sont encore, sujettes à un dépeçage systématique selon l’air du temps. On ne demande surtout pas l’avis des concernés.



La théorie parajuridique dite de l’oignon, qui stipule que tant que le cœur d’un droit n’est pas atteint on peut le peler, est arbitraire et contraire à l’esprit des textes fondateurs, mais elle est le levier qui leur permet d’imposer graduellement le détricotage de nos libertés en passant les filtres des gardiens censés les préserver.



La prochaine guerre sera civile.


ça manque de gens ‘com.pétants’ dans ce “Gouv.” !




  • c’est flagrant–>à chaque fois ils se font retoquer par : “CC. ,C. d’Etat, Bruxelles, CDH. , etc…”
    :eeek2:


Imaginez ces (ir)responsables sous Vichy.


C’est leur inspiration, y compris dans le soutien à la police dans ce qu’elle a de plus lié à ses origines : crée par Pétain.
À vomir.