Les députés s’attaquent à la zoopornographie en ligne

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Droit 6 min
Les députés s’attaquent à la zoopornographie en ligne
Crédits : leungchopan/iStock

Cirques itinérants et delphinariums, exhibition d’animaux sauvages à la TV, montreurs d’ours...Les groupes LREM, MoDem et Agir Ensemble viennent de déposer une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale. Parmi les dispositions, l’une s’attaque aussi à la zoophilie en ligne.

« Nous entendons, à travers cette proposition de loi, répondre aux aspirations de nos concitoyens, en introduisant dans le droit français de nouvelles dispositions visant à relever le seuil actuel de la protection animale ». Voilà comment ces députés introduisent leur texte relatif à la condition animale.

Cette étape législative intervient à la suite d’une mission confiée au député LREM Loïc Dombreval en décembre 2019. Elle s’inscrit également dans la ligne des revendications de l’association Animal Cross. L’article 11, qui s’attaque à la zoopornographie en ligne est d’ailleurs directement inspirée des travaux qu’elle avait intégrés dans son rapport (attention, contenus très explicites), présentées dans nos colonnes en février 2020.

« Nous avons l’espoir qu’un texte sorte dans la deuxième partie de l’année » nous confiait alors Benoit Thomé, président d’Animal Cross, laquelle ne cesse de dénoncer « les souffrances physiques et psychologiques causées aux animaux par les prédateurs zoophiles ».

Contre la zoophilie, que prévoit la proposition de loi portée par la majorité, et donc qui a toutes les chances d’être adoptée ?

Un arsenal de nouvelles mesures

L’article 11 de la proposition vient déjà modifier deux articles du Code pénal, le L. 227‑23 et le L. 227‑24. Le premier réprime aujourd’hui la diffusion, fixation, l’enregistrement ou la transmission de l’image d’un mineur lorsque ces formats présentent un caractère pornographique.

Le second sanctionne lui de trois ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende le fait de diffuser un contenu violent ou pornographique dès lors que ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur.

Demain, l’une est l’autre de ces infractions vaudront aussi lorsque ces contenus sont zoopornographiques, quand bien même lorsque le site dispose d’un « disclaimer » reposant sur une déclaration de majorité.

Un corpus 

Un nouvel article 521‑3 est également programmé, toujours dans le Code pénal. Il permettra notamment de frapper toute la chaîne concernée, de la prise d’image à sa détention en passant par son exploitation ou sa consultation en ligne.  

C’est par exemple le fait, en vue de sa diffusion, d’enregistrer ou transmettre l’image zoopornographique d’un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité qui est frappé. Ces infractions seront punies de quatre ans d’emprisonnement et 60 000 euros d’amende.

Même régime lorsque ces images seront offertes, rendues disponibles, diffusées en ligne, importées ou exportées. Mieux, si ces contenus sont diffusés sur un site Internet ouvert à tous (« un public non déterminé ») alors le quantum sera d’un maximum de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Le texte ne fait pas l’impasse sur un nouveau délit de consultation. Le fait de consulter habituellement (ou en contrepartie d’un paiement) un site mettant à disposition des images ou vidéos zoopornographiques entraînera une amende pouvant atteindre 3 000 euros. Même peine s’agissant du fait d’acquérir ou de détenir ces fichiers.

Cette proposition de loi sera examinée le 26 janvier en séance publique. Elle viendra épauler l’article déjà prévu dans le Code pénal, jugé insuffisant car ne visant que le fait d'exercer des sévices de nature sexuelle envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité.

La satisfaction de l'association Animal Cross

« C’est le texte le plus complet qui n’ait jamais été en France. Il intègre la protection des images, la diffusion, l’hébergement et même la consultation. C’est assez remarquable » applaudit Benoît Thomé, joint par Next INpact.

Le président de l’association Animal Cross note qu’avec de tels quantums des peines, le matériel des auteurs pourra être plus facilement saisi et les possibilités d’investigation seront supérieures. « Autre point, la proposition de loi modifie les articles 227-23 et 227-24 du Code pénal en assimilant la zoopornographie à la pornographie. En tant que tel, cela nous permettra de protéger également les enfants contre ces contenus ».

« Cela met aussi un terme à un certain flou en la matière », estime Benoit Thomé, regrettant les hésitations jurisprudentielles pour assimiler ces deux secteurs. Cette porte législative ouverte, le représentant d’Animal Cross regarde désormais avec intérêt la réforme actuelle du Digital Services Act, pour porter ce sujet à l’échelle européenne. 

Des regrets

Un regret néanmoins, l’absence de disposition pour cibler plus directement les petites annonces. De plus, manque à l’appel un autre point, celui relatif à la définition des sévices de nature sexuelle sur les animaux. Dans son rapport de février 2020, l’association plaidait pour une telle précision législative « pour inclure, de manière explicite, ce qui correspondrait chez l’homme à viol et agression sexuelle ».

En d’autres termes, selon elle, « la pénétration de l’animal, par toute manière, inclut la fellation de l’animal, et la pénétration sexuelle commise par l’animal sur un être humain, les jeux sexuels où les animaux lèchent les parties génitales des êtres humains, devraient par les juges être assimilées aux "sévices sexuels" au sens de l’article 521-1 du Code pénal ».

Elle recommandait de définir ces sévices envers un animal comme :

  • « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, ou sur la personne de l’auteur sans nécessaire condition de violence, contrainte, menace ou surprise » ou
  • « tout acte à caractère sexuel sans pénétration, de quelque nature qu’il soit, commis sur un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, ou sur la personne de l’auteur sans nécessaire condition de violence, contrainte, menace ou surprise ».

« L’animal est un être vulnérable. En tant que telle, la question du consentement ne se pose pas. Il est complètement sous la domination du majeur. Il est donc important de changer de définition », nous commente aujourd'hui le président d’Animal Cross. Il nous révèle que le ministère de la Justice aurait bloqué une telle définition, possiblement pour préserver des actes comme l’insémination artificielle.

Des sites déjà déréférencés, mais pas toujours 

Remarquons que la proposition de loi ne contient aucune mesure sur le déréférencement de ces contenus. En juillet dernier, l’association avait néanmoins salué une « première victoire » suite au déréférencement par Google d’une première liste de sites zoophiles.

Microsoft France, propriétaire de Bing n’avait pas alors répondu à ses demandes. « De manière curieuse, Microsoft ne s’applique pas son propre Code de conduite qui demande de ne pas utiliser ses propres services pour partager du contenu inapproprié, dont les contenus avec "bestialité" ». 

Du côté des hébergeurs, OVH avait au même moment finalement fermé huit sites zoopornographiques et le belge Cyber Technology, trois autres. Problème, soulevait-elle dans un autre communiqué, beaucoup d’autres hébergeurs « ne sont pas identifiables car (…) sont répertoriés sous la société-écran Cloudflare. »  

Cinq mois plus tard, la situation a évolué. Benoît Thomé salue la réactivité de deux hébergeurs, le belge Cyber Technology et OnLine SAS, la filiale d’Illiad. « Ils n’ont pas eu besoin de changement législatif pour que cesse l’hébergement de sites zoopornographiques. Cela s’est fait en quelques heures ».

En bas du classement, il épingle OVH, qui avait certes retiré lui aussi des sites, mais qui ont depuis réapparu dans son paysage. Cinq mois plus tard, Google n’a toujours pas déréférencé la deuxième liste de sites qui lui avait été adressée. Et Bing n’a toujours pas répondu à ses missives. « On est dans l’hypocrisie la plus totale » regrette Benoit Thomé, le doigt sur les conditions générales du moteur cher à Microsoft.

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