Dans une proposition de loi, tout juste déposée, le député LR Guillaume Peltier entend organiser le placement dans « des locaux spécialisés » des Français inscrits au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).
Le FSPRT fut créé après les attentats de Charlie Hebdo, dans un décret non publié. Il est géré par l’UCLAT (Unité de coordination de la lutte antiterroriste).
Selon le résumé dressé en octobre 2018 par ce rapport parlementaire, « il recense et centralise les informations relatives aux personnes qui, engagées dans un processus de radicalisation, sont susceptibles de vouloir se rendre à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes ou de vouloir prendre part à des activités à caractère terroriste ».
Un autre texte publié en mai 2019 a autorisé son croisement avec le fichier de suivi des personnes en soins psychiatriques sans consentement (HOPSYWEB). Une mesure qui permet au préfet d’être informé de l’hospitalisation de personnes fichées, mais qui fut critiquée par la CNIL et les professions médicales.
Elle « implique que chaque personne hospitalisée sans son consentement, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le terrorisme, se retrouve suspecte et potentiellement soumise à un principe de précaution à long terme au risque d’être suivi médicalement sans limite liée à la nécessité des soins », avait commenté le Syndicat des avocats de France.
Alors que vendredi dernier, l'Intérieur a augmenté les connexions entre les fichiers de police (TAJ, FPR, FSPRT, API-PNR, système des permis de conduire…), le député LR Guillaume Peletier entend de son côté aller beaucoup plus loin encore avec sa proposition de loi.
Il souhaite voir « interner les Français fichés au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste en centre de rétention administrative ».
« Interner » pour pallier les effectifs limités du renseignement
« Selon les chiffres du ministre de l’Intérieur, Gérard Darmanin, près de 80 % des personnes suivies au FSPRT sont de nationalité française, sur un total d’environ 22 000 personnes », écrit le député LR. « Or il est matériellement impossible de surveiller quotidiennement autant d’individus, malgré leur extrême dangerosité, en raison des effectifs limités de nos services de renseignement ».
Selon le dernier décompte dressé par le ministre de l’Intérieur, et rapporté par BFM en août dernier, ce sont non 20 000, mais 8 132 personnes qui seraient inscrites sur ce fichier. C’est partant de ce constat, que l’élu a déposé son texte. Concrètement, la décision appartiendrait au ministre de l’Intérieur, seul compétent pour décider de ce placement.
Les obligations seraient allégées : il lui faudrait informer les procureurs de la République, celui en charge des questions antiterroristes et celui territorialement compétent. La décision serait matérialisée dans une décision écrite et motivée.
Le ministre de l’Intérieur devrait aussi mettre la personne concernée « en mesure de lui présenter ses observations dans un délai maximal de huit jours à compter de la notification de la décision », au besoin en se faisant assister par un avocat. En somme, ses observations ne pourraient intervenir qu’après la décision prise.
« Des raisons sérieuses de penser »
Qui serait concerné ? Il s’agit des individus visés à l’article L228-1 du Code de la sécurité intérieure, introduit en 2017 par la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (dite loi SILT). Concrètement, il s’agit de « toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics » et qui :
- Entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme (ou bien)
- Soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes
Un comportement qui laisse présager de funestes projets, accompagné de likes sur Facebook sur des contenus de Daesh pourraient ainsi pousser un internaute derrière les portes d'un centre de rétention.
Selon le rapport précité, peuvent alimenter ce fichier, le centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR), les états-majors de sécurité placés sous l’autorité du préfet de département (EMS) et les services de renseignement.
Un placement d'un mois décidé par le seul ministre de l'Intérieur
Ce séjour en centre de rétention durerait un mois. Après ces 30 jours, deux possibilités. Soit la personne est libérée, signifiant qu’elle pourrait à nouveau être enfermée sur décision du seul ministre dès le lendemain, durant un nouveau mois sans plafond à ces répliques. Soit son placement est prolongé durant 90 jours sur décision cette fois du juge des libertés et de la détention (JLD).
À l’expiration de ces trois mois, le ministre de l’Intérieur pourrait à nouveau décider de soumettre l’intéressé aux mesures de la loi SILT, dont l’interdiction de se déplacer à l’extérieur d’un périmètre déterminé, l’obligation de se présenter devant les forces de l’ordre une fois par jour, voire lui proposer de porter un bracelet électronique.
La personne faisant l’objet d’un tel placement pourrait attaquer la décision dans les deux mois devant le Conseil d’État. Celui-ci aurait alors quatre mois pour rendre son arrêt. Les procédures d’urgence seraient ouvertes, mais le texte les encadre dans des conditions spécifiques. Une personne qui se soustrairait aux obligations de placement encourrait jusqu’à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.
Pour justifier son texte, le député LR assure que « de nombreux terroristes islamistes qui combattent notre pays sont de nationalité française, ce qui rend de fait leur expulsion impossible malgré la menace qu’ils représentent pour l’ordre public ».
Toujours selon lui, « nos compatriotes sont excédés de découvrir, attentat après chaque attentat, que le terroriste en cause était généralement fiché, et faisait donc l’objet d’un suivi par les services de renseignement ».
Et une expulsion des étrangers fichés
Dans une autre proposition de loi, le même élu a souhaité organiser l’expulsion des étrangers fichés au même FSPRT. « Ces individus présentent une grave menace pour l’ordre public, pour la sécurité de nos compatriotes, et mobilisent des effectifs conséquents parmi nos services de renseignement, qui pourraient être redéployés ailleurs ».
Toujours d’après sa doctrine, « la France peut accueillir des étrangers qui viennent poser leur pierre à l’édifice national, mais elle n’a aucune raison de garder en son sein ceux qui la menacent. L’État doit reprendre la main en matière de politique migratoire, et réaffirmer clairement qui est bienvenu et qui ne l’est pas ».