Ces derniers mois l’humanité a récupéré des échantillons de l’astéroïde Ryugu et devrait faire de même avec la Lune d’ici quelques jours, une première depuis 40 ans. D’autres sont en route comme la mission Osiris-Rex ou le rover Perseverance à destination de Mars.
L’année 2020 restera dans les annales, cela ne fait aucun doute. Elle est fortement marquée par la pandémie liée à la Covid-19 avec les conséquences que l’on connait (et celles que l’on découvrira dans les mois/années à venir), mais pas uniquement. Elle restera aussi une année spéciale pour la science et l’espace en particulier.
La compréhension de notre Système solaire, de la Voie lactée et de l’Univers dans sa globalité devrait s’améliorer grâce à des récoltes de matériaux extra-terrestres au cours des derniers mois. D’autres missions sont déjà sur le chemin du retour, mais elles n’arriveront pas avant plusieurs années.
« Moment historique » : des fragments de Ryugu sur Terre
Il y a quelques jours à peine, l’Agence spatiale japonaise (JAXA) récupérait enfin ses échantillons de l’astéroïde Ryugu. Un an après avoir récolté son précieux chargement, la sonde Hayabusa2 est passée à proximité de la Terre et a « jeté » une capsule dans l’atmosphère. Elle s’est posée dans la région désertique de Woomera en Australie.
De son côté, la Chine est en train de ramener des échantillons lunaires sur notre planète. Une bonne partie des opérations a déjà été réalisée, dont certaines étaient critiques. Sauf surprise, la récolte arrivera d’ici quelques jours. Pendant ce temps, la sonde Osiris-Rex se prépare à rapporter des fragments de Bennu.
Sur Mars, le rover Perserverance devrait laisser (si tout va bien) des échantillons pour qu’une prochaine mission vienne les récupérer, mais cette opération a un cout élevé estimé à un milliard de dollars.
100 milligrammes de matériaux, plus si affinité
Hayabusa2 a décollé fin 2014, mais le cœur de la mission s’est déroulé l’année dernière : « C’est en février et juillet 2019 que la sonde Hayabusa2 est allée au contact de l’astéroïde Ryugu afin de tirer un petit projectile sur sa surface visant à collecter des échantillons de matériau primitif par impact », rappelle le CNRS. Les échantillons ont été récupérés et ont ensuite navigué pendant plus d’un an dans l’espace avant d’arriver jusqu’à nous.
Dans la nuit du 5 au 6 décembre, la communauté scientifique vivait un « moment historique ». C’était la première fois que des fragments d’un astéroïde primitif carboné étaient récupérés pour être analysés directement sur Terre. C’est « la septième collecte extra-terrestre organisée par les humains, au-delà de notre planète », indique la NASA.
Le but était de récolter… 100 milligrammes de matériaux (pour considérer la mission comme réussie), mais les scientifiques espèrent qu’il y en aura davantage. Patrick Michel, directeur de recherche CNRS au laboratoire Lagrange, pense qu’on s’approchera du gramme, car les opérations de récupérations ont été de francs succès.

Deux phases d’analyses
Maintenant, deux phases scientifiques vont s’enchainer. Tout d’abord, des analyses préliminaires au Japon. L’instrument MicrOmega (microscope hyperspectral développé par l’IAS et livré par le CNES ) « permettra des analyses non destructives et sans contact avec le matériau afin de déterminer sa texture et sa composition. Il est installé dans la chambre de conservation des échantillons, construite par la JAXA, dans le cadre de la mission Hayabusa2 et sera opéré par une équipe franco-japonaise ».
Ce sera ensuite le tour des analyses détaillées, pilotées par un comité international. Il impliquera une vingtaine de chercheurs français. Le CNRS ajoute que pas moins de sept laboratoires, des universités et d’autres établissements sont concernés : CRPG, IJCLab, IAS, IMPMC, IPAG, IPGP et UMET1.
Dans tous les cas, 100 milligrammes de matériaux sont suffisants pour mener à bien des analyses poussées. Le CNRS explique que des missions de récupération de ce genre sont importantes car elles « apportent des informations incomparables que l’on ne peut obtenir par des analyses in situ ».
L’Observatoire de la cote d’Azur ajoute que « les scientifiques devraient notamment pouvoir déterminer la composition et retracer l’histoire de ce petit corps, intimement liée à celle de notre Système solaire et notamment au stade de la formation des planètes et de l’émergence de la Vie sur Terre ». On devrait ainsi en apprendre davantage sur les « ingrédients » qui ont donné naissance au Système solaire.
La répartition des échantillons, des échanges avec la NASA
Une partie des échantillons seront donnés à la NASA, dans le cadre d’un échange de bons procédés : l’Agence spatiale américaine fournira en retour un pourcentage de la récolte de régolithe de l’astéroïde Bennu récupérée par la sonde Osiris-Rex, dont le retour est prévu en 2023.
Les scientifiques n‘utiliseront dans tous les cas pas la totalité des échantillons, environ 70 % sont gardés de côté pour les générations futures qui disposeront très certainement de moyens techniques plus poussés, une pratique courante dans ce genre de situation.

Chang’e 5 en bonne voie pour rapporter des morceaux de Lune
Si les échantillons d’Hayabusa2 sont bien arrivés au Japon, les yeux sont de nouveau tournés vers le ciel, pour suivre la sonde chinoise Chang’e 5. Nous avons déjà expliqué le périple que devaient réaliser les quatre modules.
Les premières étapes se sont réalisées avec succès : mise en orbite lunaire, séparation et atterrissage sur la surface de la Lune – avec une photo du drapeau chinois et les félicitations de l’agence spatiale russe Roscosmos –, récupération des échantillons, décollage et rendez-vous en orbite.
C’était la première fois que le pays faisait décoller un engin d’un objet stellaire.
Le module de service resté en orbite a utilisé des « griffes » pour attraper et maintenir accroché celui de remontée. Les échantillons ont été transférés dans la capsule qui sera renvoyée sur Terre. De son côté, « le module de remontée s'est séparé de la combinaison orbiteur-capsule de retour le 6 décembre », précise l’agence Xinhuanet.
Chang'e 5 rendezvous, first robotic lunar docking, sample capsule transfer to return capsule.
— LaunchStuff (@LaunchStuff) December 6, 2020
📸:CNSA/CLEP
ℹ:https://t.co/xP7FULCtp4 pic.twitter.com/of5JCfjQrB
Il s’est ensuite désorbité pour venir de nouveau se poser sur la Lune, lui « évitant de devenir un débris spatial et d'affecter les missions lunaires suivantes des autres pays ».
L’administration chinoise en profite pour affirmer que la gestion des débris est un « un engagement important de la Chine, en tant que pays responsable, pour l'exploration et l'utilisation pacifiques de l'espace par l'humanité ». Le sujet revient régulièrement sur le devant de la scène, d’autant plus que l’espace manque de régulation sur ce point.
Les prochaines étapes sont désormais entre les mains de l’orbiteur qui doit changer de trajectoire pour revenir vers la Terre et larguer la capsule de retour qui doit venir se poser en Mongolie-Intérieure à la mi-décembre. Si tout se passe comme prévu, la Chine sera le troisième pays à rapporter des échantillons lunaires, après les États-Unis et l’ex-URSS. Le dernier retour d‘échantillons remonte à 44 ans déjà.