Pour inverser la tendance actuelle et protéger les boutiques physiques, des sénateurs UMP ont déposé une proposition loi afin de compléter le code de commerce et ainsi mieux encadrer les tarifs des sites Internet, jugés trop concurrentiels.
Réduire les écarts de prix entre Internet et le monde physique
Virgin Megastore, Game, Surcouf ou encore Pixmania ont tous fermé leurs boutiques physiques ces derniers mois, ou vont le faire sous peu. Un constat dramatique qui ne devrait pas s'arrêter en si bon chemin, alors que même les opérateurs mobiles réfléchissent à des écrémages. Or cette situation mène à une désertification de certains quartiers, notamment en centre-ville (aux loyers très élevés), ce qui alarme bien des élus.
Dix-neuf sénateurs ont ainsi eu l'idée de compléter l'article L. 442-6 du Code de commerce (qui porte sur les prix et la concurrence) par un nouvel alinéa : « 14° De vendre sur un site internet à un prix inférieur au prix d'achat négocié entre fournisseur et distributeur, augmenté de la marge brute du distributeur, moins de trois mois après la mise sur le marché du produit par le fournisseur. »
En somme, la proposition de loi de cette petite vingtaine de sénateurs UMP a pour but de lutter contre les prix cassés de certaines enseignes en ligne. « Aujourd'hui, indépendamment de la marge nécessaire à la pratique d'une activité commerciale, les prix pratiqués par les distributeurs de centre-ville sont souvent beaucoup plus importants que les prix pratiqués par leurs fournisseurs sur leur site de vente en ligne » estiment ainsi les parlementaires. « Les distributeurs de centre-ville sont ainsi réduits à de simple vitrine d'exposition où les gens viennent repérer les produits pour ensuite les acheter en ligne. »
Cette situation, qui n'a rien de nouveau, pousse ainsi les sénateurs à vouloir mieux encadrer les relations entre fournisseurs et distributeurs, notamment sur Internet. Si ces élus UMP acceptent que les tarifs sur le web puissent demeurer inférieurs à ceux du monde physique, ils souhaitent néanmoins que cet écart conserve « une proportion acceptable ». Pour les habitants de centre-ville, « la pérennisation d'un lien entre les gens » dépend du sort des commerces et des boutiques.
« Les coûts de distribution en ligne sont inférieurs »
Le sujet peut étonner alors qu'il est de toute façon possible à n'importe quel Français de commander ses produits à l'étranger, notamment au Luxembourg, en Belgique, en Allemagne et au Royaume-Uni, où les tarifs sont parfois inégalables. Pourtant, en 2011, l'Autorité de la concurrence s'intéressait déjà à la question des tarifs sur le web, même si son but était plutôt de ne pas empêcher le développement du commerce en ligne, et non de protéger les boutiques physiques.
Malgré la faiblesse des achats sur Internet (6 % à l'époque), leur importance est grandissante et surtout, du fait de leur audience énorme, les cybermarchands arrivent à réduire les coûts comme aucune boutique physique. « Dans de nombreux secteurs, les coûts de distribution en ligne seraient inférieurs à ceux de la distribution traditionnelle, permettant ainsi la commercialisation de produits « de niche » ou encore l’entrée de très petits opérateurs » expliquait-on à l'époque.
Si les petits cybermarchands ne sont en rien un problème, leur pouvoir de négociation étant faible, les très gros gênent bien des acteurs économiques. « Sur certains marchés, un commerçant peut disposer d’une part de marché telle qu’il est en mesure de s’abstraire de la concurrence d’autres distributeurs en ligne ou de distributeurs traditionnels, et ne pas répercuter au consommateur les économies de coûts entraînées par la distribution en ligne. »
Ne pas entraver l'essor des cybermarchands
L'Autorité a ainsi lancé en 2011 une vaste étude sur la concurrence des différents magasins. Les conclusions ont été dévoilées le 18 septembre 2012, et les avantages tarifaires des boutiques en ligne étaient déjà évidents à l'époque. Certains produits électroniques étaient ainsi entre 10 et 13 % moins cher en moyenne sur la toile. Des taux qui grimpaient jusqu'à 30 % pour la parapharmacie.
Et les conclusions de l'Autorité de la concurrence ont été claires : « la liberté de négociation des opérateurs ne leur permet pas pour autant de convenir de conditions d'achat ou de fourniture qui pourraient limiter de façon injustifiée la pression concurrentielle exercée par les opérateurs en ligne sur les distributeurs traditionnels. »
La proposition de loi des sénateurs ne porte pas précisément sur ce point, toutefois, la philosophie de l'Autorité de la concurrence est limpide : les cybermarchands ne doivent pas être désavantagés vis-à-vis des boutiques physiques. Une position qui pourrait bien s'opposer à celle des sénateurs si ces derniers venaient à trop vouloir serrer la vis pour avantager les magasins en centre-ville.